Au sujet de « l'entente » avec les élus locaux et le préfet, les textes prévoient certes que c'est le procureur de la République qui décide et met en œuvre la politique pénale sur le ressort de sa juridiction, mais c'est une co-production. À Nice, les magistrats du parquet reçoivent environ 50 000 procédures par an. Pour certaines, aux forts enjeux, il n'est pas très difficile pour le procureur de discuter avec les forces de police pour savoir dans quelles conditions faire l'enquête et avec quel type d'enquêteurs. Pour la masse des autres procédures, il y a une co-production : les élus locaux définissent des priorités, notamment de prévention de la délinquance ; le préfet doit mettre en œuvre des politiques publiques qui résultent de sa propre analyse ; le procureur dit, par exemple qu'il lui faut le temps et les moyens de traiter correctement les affaires économiques et financières. Cet échange nécessaire est la matrice de la construction de la justice. Cela peut être interprété comme une atteinte à l'indépendance, ou, au contraire, comme l'exercice de l'indépendance dans le monde tel qu'il est. Le parquet, c'est Thémis sans son bandeau, observant ce qui se passe et donnant à la justice le moyen de se saisir elle-même. Quelle serait l'indépendance d'une institution si elle n'avait aucune capacité d'initiative ? Or, la capacité d'initiative de la justice, c'est le parquet.
J'ignore si le CSM rechigne à exercer sa mission d'instance disciplinaire. Je sais que la procédure de la mutation d'office qui m'a été appliquée est une procédure quasi disciplinaire qui n'aurait pas dû s'accomplir dans les conditions que j'ai décrites : sans contradictoire, sans débat, sans défense. Je sais aussi que l'avis du CSM aurait dû être motivé pour me mettre en mesure d'en apprécier la pertinence et, le cas échéant, de former recours contre elle devant le Conseil d'État.