Intervention de Christian Saint-Palais

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 10h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christian Saint-Palais, président de l'Association des avocats pénalistes :

Pour ce qui est de votre dernière question, j'ai relu récemment le livre Justice et politique, le couple infernal, de l'avocat pénaliste Patrick Maisonneuve. Il y rapporte qu'au début des années 1980, un juge d'instruction qui venait de lui dire qu'il n'allait pas libérer son client avait reçu un appel téléphonique alors qu'il se trouvait dans son bureau. Le juge répond : « Oui, monsieur le directeur de cabinet », il raccroche et annonce à mon confrère que la liberté est finalement possible… Aujourd'hui, de telles pratiques ont disparu. Si certains politiques ont cherché à engager des réformes pour supprimer les juges d'instruction, c'est parce que ceux-ci disposaient d'une liberté leur permettant de convoquer un Président de la République. Le droit qui s'est construit au cours des dernières décennies est allé dans le sens d'un renforcement de cette indépendance.

Avons-nous besoin de connaître nos juges pour mieux anticiper leurs critiques ? Les juges peuvent avoir eu une autre vie professionnelle et s'être exprimés par le passé en tant qu'avocats ou procureurs, cela ne me dérange pas. Cependant, dans la manifestation de son regard sur la société, le juge doit s'astreindre à une certaine mesure, à ne pas montrer qu'il peut être dominé par l'humeur. Si le justiciable voit le juge se laisser aller à la colère au cours des débats, cela va évidemment l'inquiéter. Il ne s'agit pas d'exiger que le juge soit inaccessible aux passions, mais seulement qu'il maîtrise son image publique. Il en est ainsi des magistrats les plus respectés, qu'ils soient procureurs ou juges du siège : on sait qu'ils sont habités par certaines idées – une vision humaniste, ou au contraire une grande sévérité dans la répression – mais cela n'empêche pas qu'on les respecte, du moment qu'ils s'expriment avec la mesure qui sied à un magistrat. Un procureur peut s'agiter comme un avocat, cela importe peu, mais il en est autrement d'un juge du siège : si celui-ci peut dire le fond de sa pensée et exposer les grands principes qui l'animent, il doit le faire avec retenue.

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