Intervention de Christian Saint-Palais

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 10h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christian Saint-Palais, président de l'Association des avocats pénalistes :

Mes propos, je l'espère, sont mesurés et conformes à ma conception de la justice – en tout cas, c'est ainsi, me semble-t-il, que me connaissent mes interlocuteurs magistrats. Mais j'admets que mes actes et les déclarations que je peux faire dans l'effervescence qui suit une audience, par exemple, ne sont pas toujours à la hauteur de mes ambitions en la matière. Je l'assume sans difficulté, car la passion de la défense peut conduire à certains excès. Et je préfère les avocats excessifs aux avocats trop timorés. Au reste, vous avez failli me reprocher de ne concevoir ma mission que comme celle d'un observateur. Mais, vous l'avez compris, je suis un observateur pour ce qui concerne l'indépendance de la justice : je suis une vigie en la matière, prêt à agir en cas de problème.

Notre mission, comme celle des magistrats, est très difficile. Les exigences auxquelles nous nous soumettons en prêtant serment nous imposent de réfléchir, d'être mesurés, de nous élever. Sommes-nous toujours à la hauteur des prescriptions de l'article 11, par exemple ? Oui, il m'arrive de critiquer des décisions de justice. Ma mission, au pénal, est d'ériger au rang de vérité judiciaire la vérité de celui que je défends. Or, je n'atteins pas toujours cet objectif, hélas, de sorte que je peux être parfois animé d'une colère ou d'une déception telle que j'ai du mal à reconnaître publiquement que j'ai échoué. Ainsi, peut-être m'avez-vous entendu critiquer un juge, incapable de comprendre... Mais il ne faut pas reprocher ce type de propos aux avocats ; ils n'ont pas la même fonction que les juges. À cet égard, le laisser-aller d'un avocat dans l'exécution de sa mission est, certes regrettable, mais beaucoup moins grave que celui d'un juge.

Nous pouvons communiquer sans préjudice des droits de la défense. Ainsi, lorsque je parle, je dois le faire, non pas en pensant à ma petite personne et à ma publicité, mais dans l'intérêt exclusif de celui qui m'a confié la défense de ses intérêts, voire son destin. Telle est ma seule préoccupation. Mais nous sommes des personnalités, nous avons une appétence pour l'exposition, si bien que nous ne parvenons peut-être pas toujours à contenir notre propos. En tout état de cause, si vous avez pu m'entendre critiquer une décision de justice – je suis dans mon rôle, lors que je le fais –, vous ne m'avez jamais entendu critiquer le juge lui-même. De même, dans mes plaidoiries, je ne nomme jamais le juge d'instruction ; c'est une fonction que je critique. Nous ne sommes peut-être pas toujours à la hauteur, mais notre préoccupation est de l'être.

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