Intervention de Jérôme Prince

Réunion du vendredi 29 mai 2020 à 10h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Jérôme Prince, président du tribunal de commerce de Dijon :

On assiste effectivement à un changement de culture et il arrive de plus en plus souvent que des juges se déportent d'eux-mêmes. Ils viennent parfois m'interroger, parce qu'il n'est pas toujours facile de voir où est la limite de l'indépendance, du conflit d'intérêts et de l'impartialité.

À cet égard, nous ne sommes pas toujours aidés par les textes. Imaginons qu'un juge de Dijon soit assigné en justice à Dijon. L'article 47 du code de procédure civile dispose que si « le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel » ne demande pas le renvoi dans une autre juridiction, le président du tribunal ne peut pas se saisir d'office et demander au premier président de la cour d'appel de renvoyer cette affaire dans une autre juridiction.

La règle qui prévaut dans le tribunal que je préside, c'est qu'un juge de Dijon ne peut pas être jugé par ses pairs, à Dijon : une telle situation serait inacceptable. Cela peut paraître évident, mais les textes ne le disent pas clairement et les présidents des tribunaux de commerce n'ont pas la possibilité, en contentieux, de saisir le premier président pour lui demander de déporter une affaire dans une autre juridiction. L'article 358 du code de procédure civile le permettait, mais il a été abrogé en 2017. Le livre VI du code de commerce prévoit cette possibilité pour les procédures collectives : le président, peut, sur ordonnance motivée, demander au premier président de délocaliser une affaire.

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, au nom du droit au rebond, a permis aux chefs d'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure collective de devenir juges consulaires. Pour ma part, j'ai été dans l'impossibilité morale de positionner dans une formation de procédure collective un juge qui en avait lui-même connu une : il aurait pu faire face au même mandataire judiciaire. Je reconnais que ce sont des cas isolés, mais c'est la crédibilité de la juridiction qui est en jeu : il peut être problématique, pour un créancier, de voir l'un de ses anciens débiteurs juger d'autres justiciables. Si je peux être force de proposition, il me semble que c'est sur ces questions que nous pourrions avancer.

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