Intervention de Éliane Houlette

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 14h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Éliane Houlette, ancienne procureure de la République financière :

Au cours d'une affaire commerciale dans laquelle le PNF n'était que partie jointe – son avis n'est donné que sur les affaires importantes qui viennent devant la cour d'appel –, j'ai souvenir que l'avocat général central m'avait demandé de faire des observations dans un certain sens, ce que j'ai refusé de faire parce que ce n'était pas, à mon sens, conforme aux textes en matière de procédure collective.

Je suis allée voir le procureur général de l'époque pour lui dire que je ne voulais pas faire ce que l'on me demandait de faire, parce que ce n'était pas conforme aux textes et que le parquet général risquait de se ridiculiser. Je lui ai demandé d'envoyer quelqu'un d'autre, car je n'étais pas d'accord avec cette démarche. Finalement, le procureur général de l'époque m'a dit d'agir comme je l'entendais.

Pour le reste, c'était une pression dans la mesure où j'ai décidé dans cette affaire précise de faire comme je faisais pour les autres affaires, c'est-à-dire d'ouvrir une enquête préliminaire. Rien ne justifiait une information judiciaire. Or le procureur général n'était pas d'accord avec moi. Il espérait probablement me convaincre en me faisant venir pour une réunion de travail dans son bureau, réunion où il était accompagné de trois avocats généraux. Je ne m'y suis pas rendue toute seule, mais accompagnée des personnes qui suivaient le dossier avec moi. J'ai dit alors qu'en l'état je ne changerais pas d'opinion. J'ai souligné qu'il faudrait peut-être, à un moment donné, en venir à une information judiciaire, mais que cela se ferait quand je l'aurais décidé sur la base d'éléments le justifiant. L'exercice et le choix procédural sont de la responsabilité du procureur de la République.

Une pression s'est exercée parce qu'une affaire comme celle-ci défraie la chronique, et que le parquet général rebondissait sur les derniers éléments révélés dans la presse pour nous demander des renseignements. Cela a entraîné beaucoup de tracas pour les collègues qui suivaient le dossier et pour moi-même, alors que nous devions nous concentrer sur l'affaire, son analyse juridique, les relations avec la police – qui ont d'ailleurs été parfaites –, etc.

Pourquoi ce luxe de précisions ? Dans toutes les très nombreuses demandes qui m'ont été faites, une seule était accompagnée d'une demande de la direction des affaires criminelles concernant une actualisation du dossier. Toutes les autres demandes étaient ressenties comme une énorme pression.

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