Intervention de Sophie Grimault

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Sophie Grimault, secrétaire générale adjointe du Syndicat des greffiers de France FO :

Nous vous remercions de nous permettre de participer à ce débat.

Nous avons retenu quatre grands axes sur lesquels il nous a semblé indispensable de pouvoir débattre : l'indépendance du parquet et le rôle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), les instructions de la Chancellerie, les moyens pour y parvenir tant sur le plan humain que financier, et l'indépendance du greffe.

L'indépendance du parquet est pour nous mythe ou réalité du fait du rôle du CSM. La première étape d'une justice indépendante passe forcément et nécessairement par un parquet indépendant, dont les magistrats sont nommés exclusivement par le CSM. Le ministre de la justice ne doit pas avoir de pouvoir sur eux. On ne se rappelle que trop ce procureur qu'il a fallu aller rechercher dans l'Himalaya à la suite de décisions jugées inopportunes de son procureur adjoint !

Le CSM ne doit pas avoir qu'un simple avis également sur les sanctions. Tant que la Chancellerie pourra nommer les parquetiers, le doute subsistera.

S'agissant des instructions de la Chancellerie, que le garde des Sceaux conduise la politique pénale sur le territoire national est une chose, qu'il ait autorité sur les magistrats en est une autre. Le parquet reste un instrument d'action du garde des Sceaux.

Que dire, si ce n'est que le Gouvernement n'a toujours rien compris, avec une nouvelle lettre de la Chancellerie qui agace particulièrement les magistrats, où la direction des affaires criminelles leur rappelle comment traiter les éventuelles plaintes contre les élus pour cause de covid-19 ! Il est indispensable que ces pratiques cessent si l'on veut croire à l'indépendance des magistrats et leur conférer la légitimité qui est la leur.

Il est de notoriété publique que malgré toutes les réformes entreprises, soit l'institution judiciaire gère trop de dossiers pour que les magistrats et les greffiers puissent travailler convenablement, soit elle n'a pas les moyens nécessaires pour y parvenir. La justice et plus particulièrement les juridictions sont en état de délabrement. Des droits de retrait ont été opérés. Jean-Jacques Urvoas parlait de « clochardisation » de la justice. C'est dire ! Ces manques de moyens décrédibilisent la justice. Le manque de moyens et l'absence de volonté viennent aussi démontrer que, lors d'une crise comme celle que l'on vient de subir, la justice n'est pas à la hauteur, notamment en matière de télétravail. Si les magistrats sont dotés d'ultra-portables, c'est la préhistoire pour les fonctionnaires.

Si le statut du greffier prévoit qu'il est garant de la procédure, cette garantie ne se réalise que par l'apposition d'une signature sur les actes judiciaires. Ce blanc-seing n'est en réalité qu'une pure forme. Le greffier, de par sa position hiérarchique, est évalué par un supérieur qui est lui-même évalué par un magistrat et n'a pas les moyens juridiques nécessaires pour valider une procédure qu'il jugerait éventuellement illégale. Nombreux sont les cas où le greffier doit rappeler au magistrat son rôle d'authentificateur. Nombreux sont les cas où les notes d'audience ne sont jamais signées – on se demande bien à quoi cela sert ! La mise en place d'une équipe de juristes assistants ou d'assistants de justice autour du magistrat n'a fait qu'engendrer une grande confusion entre les rôles de chacun.

Une évolution du statut semble nécessaire. Un sentiment de frustration et de désabusement existe depuis longtemps chez les greffiers.

L'indépendance de la justice passe nécessairement par une véritable révolution budgétaire pour l'institution judiciaire, et non par des « semi-mesurettes » comme on a l'habitude d'en voir ; une véritable révolution du corps des magistrats du siège et du parquet notamment à l'égard du pouvoir exécutif ; et une véritable reconnaissance des fonctions de greffier par un transfert de compétences et un accès en « A » juridictionnel, comme nous l'avions déjà sollicité.

Le sentiment d'une justice à deux vitesses s'exprime, avec une crise de confiance dans notre institution.

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