Intervention de Robin Mulot

Réunion du jeudi 18 juin 2020 à 11h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Robin Mulot, président du Syndicat de la juridiction administrative (SJA) :

La formation commune avec d'autres hauts fonctionnaires (à l'ENA) ne concerne qu'entre 10 % et 15 % des magistrats administratifs de chaque promotion. Elle ne pose aucune difficulté d'indépendance et permet, au contraire, d'acquérir une connaissance de l'administration, la connaissance n'étant ni la connivence ni la complaisance. Les magistrats administratifs de retour de mobilité ne sont pas forcément plus complaisants vis-à-vis de l'administration.

Ceux des magistrats qui sont directement issus du concours spécifique sont autant une richesse que ceux qui arrivent par le tour extérieur après avoir été attachés de la fonction publique ou issus d'autres horizons professionnels. Quand ils rentrent dans le corps avec un statut adéquat et une culture de l'indépendance, qui existe, il n'y a aucune difficulté pour nous.

La question des allers-retours dans l'administration se pose moins pour les magistrats administratifs que pour les membres du Conseil d'État. Ils sont moins nombreux dans les cabinets et aucun d'eux n'exerce des fonctions de directeur de cabinet, comme peuvent le faire un certain nombre de membres du Conseil d'État. D'ailleurs, le terme d'allers-retours n'est pas adéquat, pour les magistrats administratifs, s'agissant de l'obligation statutaire de mobilité que beaucoup remplissent en servant deux à quatre ans dans un service de l'administration centrale ou déconcentrée, en étant sous-préfet ou en dirigeant une structure, pour se frotter à la prise de décision, à la prise de risque et à la conduite d'une politique publique. Lorsqu'ils reviennent dans un tribunal administratif, toutes les garanties d'indépendance, d'impartialité et de déport sont réunies. Un régime d'incompatibilité, d'ailleurs assez sévère, permet d'éviter des difficultés qui sont extrêmement rares. Nous avons la même impression que celle dont vous a fait part Jean-Denis Combrexelle : dans le doute, on se déporte. Cette pratique du déport est antérieure à la charte de déontologie et aux déclarations d'intérêt, et est susceptible d'être mise en œuvre en cas de problème.

Nous sommes plus inquiets de la proposition de Frédéric Thiriez d'un passage par « l'École de guerre » en milieu de carrière, au moment où les destinées peuvent se jouer au regard de l'accession à des fonctions de chef de juridiction. Là peuvent se poser de vraies questions sur l'indépendance, sur le rôle que doit jouer le Conseil supérieur dans le choix des nominations importantes. Dans le cadre de la campagne électorale interne, nous avions produit un petit dessin humoristique montrant Frédéric Thiriez remettant son rapport à Emmanuel Macron en disant : « On voulait mettre des sous-préfets à la tête des tribunaux administratifs, mais les syndicats ne semblent pas d'accord ! » L'idée qui sous-tendait cette caricature était d'éviter à tout prix ce passage par « l'École de guerre », qui serait à la discrétion du Gouvernement et qui conduirait à ce que des chefs de juridiction puissent ne pas être des magistrats de carrière. Là, nous aurions un vrai problème d'indépendance.

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