Intervention de Didier Lallement

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 14h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Didier Lallement, préfet de police :

Monsieur le président, je tiens d'entrée à vous rassurer : la préfecture de police n'est pas autonome, elle dépend du ministre de l'intérieur. C'est un de ses services, certes un peu particulier. C'est pourquoi, à titre liminaire, je fournirai quelques éléments au sujet de cette particularité qui, en aucune façon, n'est une autonomie. Je tiens à le préciser car je lis parfois des choses étranges dans la presse, mais il ne s'agit, en l'occurrence, que de la presse.

La préfecture de police présente la spécificité de réunir l'agglomération parisienne, c'est-à-dire le département de Paris et les trois départements de la petite couronne, l'ensemble des services présentant ainsi un dispositif de continuum de sécurité.

La préfecture de police réunit 42 000 agents répartis entre 8 000 militaires de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), 6 000 personnels d'administrations parisiennes et les policiers des différents services. Sur le territoire de la préfecture de police, l'action judiciaire est conduite par deux directions : la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), dont le directeur est à mes côtés, et la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), l'appellation parisienne de la sécurité publique dans les autres villes.

À l'instar de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la DRPJ est organisée en trois sous-directions principales : celle chargée des brigades centrales, criminelles, de la répression du banditisme et du trafic de stupéfiants, celle chargée des affaires économiques et ses services supports, et celle en charge des services territoriaux. En matière de service territorial, la DRPJ regroupe les trois districts de Paris et une entité dans chaque département de la petite couronne. La préfecture de police comporte donc à la fois une structure centrale et une organisation territoriale.

La DSPAP, notre sécurité publique, est organisée selon un dispositif identique. Compétente sur le territoire de la petite couronne, elle compte quatre directions territoriales de sécurité et de proximité, une pour chaque département. La direction territoriale de sécurité de proximité de Paris dispose d'un service de l'investigation transversale, en charge notamment de missions de police judiciaire transversale. Chaque autre direction territoriale gère une sûreté territoriale, ayant des missions similaires à ce service d'investigation. Le maillage territorial de la DSPAP est assuré par des commissariats de circonscription, dotés notamment, d'un service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) qui assure les missions de police au quotidien.

La DSPAP compte 1 702 officiers de police judiciaire (OPJ). Nous n'en avons malheureusement pas suffisamment. La préfecture de police est composée de fonctionnaires jeunes. Il faut quatre années pour acquérir la qualification, ce qui correspond au cycle de vie d'un fonctionnaire à la préfecture de police. Sitôt l'ancienneté suffisante atteinte, celui-ci demande sa mutation, et même si cela ne veut pas dire qu'il l'obtient, cela provoque un déficit structurel. Les OPJ représentent 12 % de l'effectif total, contre une moyenne nationale de 23 %. Si j'appliquais le taux national à la préfecture de police, il manquerait 1 300 OPJ dans les services. C'est un véritable sujet pour notre fonctionnement judiciaire.

Cela concerne moins la DRPJ qui, en termes de fonctionnement, est à la préfecture de police ce que la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) est à la DGPN. En matière judiciaire, seuls les services qui ont à connaître de la saisine en connaissent. Au sein d'une même direction, chaque groupe travaille sur son enquête et celui d'à côté ignore ce que fait l'autre. Cette règle s'applique entre la DRPJ et la DCPJ au plan national. Néanmoins, les statistiques et les indicateurs en matière d'évolution de la criminalité sont partagés entre les deux directions. De notre part, la transparence est totale sur les grandes données. Il n'y a pas d'enclave ou de particularisme de la préfecture de police au regard de ce dispositif.

Comme le système est plus intégré – j'ai parlé de continuum –, la répartition du traitement de la délinquance s'articule efficacement entre la partie relative à la sécurité publique et la partie relative à la police judiciaire. La sécurité publique, c'est-à-dire la lutte contre la petite et la moyenne délinquance, se superpose en partie à la DRPJ, qui traite la grande délinquance et la délinquance spécialisée, mais la définition de la frontière s'opère au jour le jour en fonction de l'évolution des affaires et des saisines. En cas de besoin d'emploi de la sécurité publique pour des missions différentes, notamment en matière d'ordre public, la DRPJ peut se déplacer sur des sujets inhabituels et intervenir en lieu et place d'une DSPAP appelée pour une autre mission. La complémentarité offre une certaine souplesse et permet une bonne articulation. Afin d'accroître l'efficacité de notre action de sécurité publique dans certaines zones, après avoir déterminé, en relation avec les élus et sur la base de nos propres constats, qu'il fallait y « mettre le paque »t, je peux articuler une action de sécurité publique avec une action de police judiciaire. C'est le cas du traitement des trafics de drogue qui peut être opéré en complémentarité, au moins dans les phases préliminaires, les rôles se clarifiant lors des saisines.

Telle est la particularité de notre fonctionnement. Il n'est pas fondamentalement différent de celui de la police nationale, mais la proximité territoriale change tout dans notre pratique. Même si la surface concernée est importante – et compte plus de 6 millions d'habitants –, la proximité des services et la connaissance du terrain autorisent une complémentarité et une capacité de mouvement un peu supérieures à celles du reste du territoire.

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