La séance est ouverte à 14 heures 30.
Présidence de M. Ugo Bernalicis, président
La Commission d'enquête entend M. Didier Lallement, préfet de police, accompagné de M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire.
. Nous recevons M. Didier Lallement, préfet de police, accompagné par M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire.
Nous avons entendu précédemment le directeur général de la police nationale et le directeur de la gendarmerie nationale. Toutefois la préfecture de police est autonome et régie par des règles propres, comme nous l'a indiqué le directeur général de la police nationale.
Cette audition est diffusée en direct sur le site de l'Assemblée nationale, puis sera consultable en vidéo. Elle fera également l'objet d'un compte rendu écrit qui sera publié.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous invite, monsieur, à prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Didier Lallement et M. Christian Sainte prêtent successivement serment.)
Monsieur le président, je tiens d'entrée à vous rassurer : la préfecture de police n'est pas autonome, elle dépend du ministre de l'intérieur. C'est un de ses services, certes un peu particulier. C'est pourquoi, à titre liminaire, je fournirai quelques éléments au sujet de cette particularité qui, en aucune façon, n'est une autonomie. Je tiens à le préciser car je lis parfois des choses étranges dans la presse, mais il ne s'agit, en l'occurrence, que de la presse.
La préfecture de police présente la spécificité de réunir l'agglomération parisienne, c'est-à-dire le département de Paris et les trois départements de la petite couronne, l'ensemble des services présentant ainsi un dispositif de continuum de sécurité.
La préfecture de police réunit 42 000 agents répartis entre 8 000 militaires de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), 6 000 personnels d'administrations parisiennes et les policiers des différents services. Sur le territoire de la préfecture de police, l'action judiciaire est conduite par deux directions : la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), dont le directeur est à mes côtés, et la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), l'appellation parisienne de la sécurité publique dans les autres villes.
À l'instar de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la DRPJ est organisée en trois sous-directions principales : celle chargée des brigades centrales, criminelles, de la répression du banditisme et du trafic de stupéfiants, celle chargée des affaires économiques et ses services supports, et celle en charge des services territoriaux. En matière de service territorial, la DRPJ regroupe les trois districts de Paris et une entité dans chaque département de la petite couronne. La préfecture de police comporte donc à la fois une structure centrale et une organisation territoriale.
La DSPAP, notre sécurité publique, est organisée selon un dispositif identique. Compétente sur le territoire de la petite couronne, elle compte quatre directions territoriales de sécurité et de proximité, une pour chaque département. La direction territoriale de sécurité de proximité de Paris dispose d'un service de l'investigation transversale, en charge notamment de missions de police judiciaire transversale. Chaque autre direction territoriale gère une sûreté territoriale, ayant des missions similaires à ce service d'investigation. Le maillage territorial de la DSPAP est assuré par des commissariats de circonscription, dotés notamment, d'un service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) qui assure les missions de police au quotidien.
La DSPAP compte 1 702 officiers de police judiciaire (OPJ). Nous n'en avons malheureusement pas suffisamment. La préfecture de police est composée de fonctionnaires jeunes. Il faut quatre années pour acquérir la qualification, ce qui correspond au cycle de vie d'un fonctionnaire à la préfecture de police. Sitôt l'ancienneté suffisante atteinte, celui-ci demande sa mutation, et même si cela ne veut pas dire qu'il l'obtient, cela provoque un déficit structurel. Les OPJ représentent 12 % de l'effectif total, contre une moyenne nationale de 23 %. Si j'appliquais le taux national à la préfecture de police, il manquerait 1 300 OPJ dans les services. C'est un véritable sujet pour notre fonctionnement judiciaire.
Cela concerne moins la DRPJ qui, en termes de fonctionnement, est à la préfecture de police ce que la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) est à la DGPN. En matière judiciaire, seuls les services qui ont à connaître de la saisine en connaissent. Au sein d'une même direction, chaque groupe travaille sur son enquête et celui d'à côté ignore ce que fait l'autre. Cette règle s'applique entre la DRPJ et la DCPJ au plan national. Néanmoins, les statistiques et les indicateurs en matière d'évolution de la criminalité sont partagés entre les deux directions. De notre part, la transparence est totale sur les grandes données. Il n'y a pas d'enclave ou de particularisme de la préfecture de police au regard de ce dispositif.
Comme le système est plus intégré – j'ai parlé de continuum –, la répartition du traitement de la délinquance s'articule efficacement entre la partie relative à la sécurité publique et la partie relative à la police judiciaire. La sécurité publique, c'est-à-dire la lutte contre la petite et la moyenne délinquance, se superpose en partie à la DRPJ, qui traite la grande délinquance et la délinquance spécialisée, mais la définition de la frontière s'opère au jour le jour en fonction de l'évolution des affaires et des saisines. En cas de besoin d'emploi de la sécurité publique pour des missions différentes, notamment en matière d'ordre public, la DRPJ peut se déplacer sur des sujets inhabituels et intervenir en lieu et place d'une DSPAP appelée pour une autre mission. La complémentarité offre une certaine souplesse et permet une bonne articulation. Afin d'accroître l'efficacité de notre action de sécurité publique dans certaines zones, après avoir déterminé, en relation avec les élus et sur la base de nos propres constats, qu'il fallait y « mettre le paque »t, je peux articuler une action de sécurité publique avec une action de police judiciaire. C'est le cas du traitement des trafics de drogue qui peut être opéré en complémentarité, au moins dans les phases préliminaires, les rôles se clarifiant lors des saisines.
Telle est la particularité de notre fonctionnement. Il n'est pas fondamentalement différent de celui de la police nationale, mais la proximité territoriale change tout dans notre pratique. Même si la surface concernée est importante – et compte plus de 6 millions d'habitants –, la proximité des services et la connaissance du terrain autorisent une complémentarité et une capacité de mouvement un peu supérieures à celles du reste du territoire.
Monsieur le préfet, notre commission d'enquête s'intéresse aux circuits de remontée de l'information au sein du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur. Cela a fait l'objet de plusieurs questions au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale. À notre connaissance, aucun texte n'encadre les pratiques de remontée d'informations jusqu'au cabinet du ministre et jusqu'au ministre. Compte tenu de la spécificité territoriale de la préfecture de police, que vous avez vous-même rappelée, et du circuit court avec le ministre, comment ont lieu ces remontées d'informations pour des affaires judiciaires ? Le DGPN et la DGGN nous ont dit qu'il y avait bien des remontées d'informations, notamment en cas de conséquences potentielles en matière de maintien de l'ordre. Quel cadre fixez-vous dans vos services ?
. J'ai peur de vous décevoir. Il n'existe aucune spécificité à la préfecture de police. Les choses se passent comme l'a décrit le DGPN, qui est mon référent organique. Je rappelle que le code de procédure pénale permet une alerte de l'autorité en cas de trouble à l'ordre public, ce qui se passe d'une manière très classique. Lorsque les enquêtes atteignent la phase cruciale des interpellations ou des perquisitions délicates susceptibles de provoquer un trouble à l'ordre public, je suis alerté pour une raison purement pragmatique, qui est la nécessité de renforcer les effectifs locaux, notamment dans des zones sensibles. C'est essentiellement à ce sujet que se produisent des alertes. Le reste est à l'instar de ce qui se pratique à la direction générale de la police nationale. Je n'ai pas de connaissance exacte de la façon dont se passent les choses du niveau de la direction générale de la gendarmerie. Mais je ferai la même remarque que ces deux directeurs généraux : on en apprend tellement par la presse que les choses sont assez claires. Très franchement, le reste est du domaine des enquêteurs qui apportent le soin et la discrétion qui conviennent à leur travail. C'est leur devoir et c'est la règle.
J'entends bien les remontées d'informations internes à vos services pour la mise à disposition de moyens de maintien de l'ordre en cas de trouble à l'ordre public. Mais quelles informations remontent au ministre et pourquoi ? Les motivez-vous ou y a-t-il une routine qui existait avant vous et qui existera après vous ?
. J'espère que la préfecture de police me survivra, monsieur le président.
. Je ne sais pas si je dois le prendre comme une indication ou une prévision.
Au ministre, ou plutôt au cabinet, car j'imagine que le ministre est prévenu par son cabinet, je fournis des indications, là encore pour une raison très prosaïque. En cas de risque de violences urbaines, je demande des renforts en unités de force mobile (UFM), lesquelles sont gérées par l'unité de coordination des forces mobiles (UCFM) dépendant du directeur général de la police nationale. Pour obtenir ces unités, il faut passer par cet organisme qui fait remonter au cabinet du ministre ses arbitrages sur la répartition des forces. J'imagine qu'on doit dire au ministre que j'ai demandé une UFM pour réaliser une perquisition dans tel ou tel coin de la Seine-Saint-Denis, par exemple. J'imagine que ce genre de choses doit lui être signalé.
. Y a-t-il des demandes du cabinet sur des affaires pour lesquelles il n'y aurait pas eu de remontée d'informations ?
. Oui. On m'a déjà demandé, à la suite d'articles de presse, s'il était vrai que mes services étaient saisis de tel ou tel dossier. Sachant que moi-même, je ne le savais pas forcément, j'ai demandé si on était bien saisis de tel ou tel dossier, au titre de quel service particulier. Je réponds alors que j'ai eu confirmation que c'est telle brigade, tel service, etc.
Je fais également remonter des éléments quantitatifs à la suite de manifestations. Je sais qu'on a fait X interpellations qui ont donné lieu à Y gardes à vue. On indique, de façon statistique, qu'il y aura telle ou telle suite, comme des convocations. J'ai des éléments statistiques. Comme dans le débat médiatique, on nous interroge souvent sur les interpellations, je fais remonter, à l'issue des manifestations, qu'il y a eu X interpellations dont je sais qu'elles ont donné lieu à Y gardes à vue. Quelques jours plus tard, j'indique que ces gardes à vue ont donné lieu à telle et telle décision judiciaire. Mais je ne les illustre pas dans les dossiers. Il n'a aucune importance de savoir ce que tel ou tel est devenu. La presse est très demandeuse de ce genre d'indications, que le parquet communique parallèlement.
. Les suites judiciaires relèvent peut-être davantage du rôle du parquet que de la préfecture de police.
. En communication publique, mais dans l'information du ministre, je fournis ce genre d'indication.
. Lors de votre nomination, un dossier sur la Société du Grand Paris dans lequel vous pourriez ou avez été amené à être entendu a été dépaysé. Est-ce de bonne pratique judiciaire pour éviter toute immixtion dans l'affaire ? Est-ce une pratique générale ? Dès qu'un policier est mis en cause au sein de la préfecture de police, l'affaire est-elle dépaysée afin que des enquêteurs maison ne traitent pas d'affaires de collègues ?
. De l'affaire dont vous parlez, j'ignore tout. J'ignore si elle a fait l'objet de la moindre saisine. Je n'ai jamais été entendu. J'entends dire cela avec régularité, mais moi, je ne sais rien. Je ne peux donc pas commenter des choses que je ne connais pas. Effectivement, lorsqu'un fonctionnaire de la préfecture de police est mis en cause, les parquets ne font pas de saisines des services concernés. C'est la règle mais, dans le cas d'espèce, je ne peux pas vous répondre.
. La presse semble toujours un peu mieux renseignée, notamment sur le cas d'espèce.
Les saisines de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) donnent lieu à un vif débat. Compte tenu de la proximité des différents services sur la place parisienne, estimez-vous que le mode de fonctionnement actuel, c'est-à-dire la saisine automatique de l'IGPN, offre des garanties idéales, notamment au regard de la théorie de l'apparence, en matière d'indépendance des enquêteurs et d'indépendance de la justice ?
. Monsieur le président, je n'ai pas d'avis sur la question. L'IGPN ne dépend pas de moi et je n'ai aucun avis sur ce qui ne dépend pas de moi.
. Merci, monsieur le préfet et monsieur le directeur, de vous plier à cet exercice.
Je ne reviendrai pas sur les remontées d'information. Vous avez répondu clairement dans le cadre du travail qui est le vôtre.
Vous avez indiqué que la préfecture de police n'était pas autonome, notamment par rapport au ministre. Toutefois, le directeur général de la police nationale nous a indiqué que la question parisienne ne lui incombait pas. Quelles sont les relations entre l'un et l'autre ? Existe-t-il des relations organiques ou opérationnelles régulières ? Comment ne vous marchez-vous pas sur les pieds ? Comment concevez-vous le travail commun indispensable, moins au regard de l'indépendance de la justice que de la qualité opérationnelle ?
. Cela dépasse les individus. La préfecture de police existe depuis 1800, la direction générale de la police nationale est plus récente, puisqu'elle date de l'après-guerre, même si on peut penser que le secrétariat général créé sous le régime de Vichy en préfigurait le fonctionnement. Historiquement, il existe, entre la plaque parisienne et le reste du territoire national, hors gendarmerie, deux entités aux deux circonscriptions d'intervention très différentes
Qu'en est-il des relations ? La direction générale de la police nationale est mon référent organique. Les fonctionnaires sont recrutés et formés par la direction générale de la police nationale puis mis à ma disposition en tant qu'autorité opérationnelle. L'un des grands moments de nos relations concerne la répartition des sorties d'école entre la préfecture de police et le reste du territoire. La préfecture de police est une école de formation de la police nationale. Les fonctionnaires sont jeunes, puisque la préfecture de police absorbe chaque année une grande partie, parfois jusqu'à 80 %, des sorties d'école. Parce qu'elle est le réservoir des mutations pour les départs en province, les fléchages se font en particulier sur la plaque de la préfecture de police. Cet élément organique de la sortie des écoles donne toujours lieu à discussion.
La direction générale de la police nationale définit les règles organiques ou les éléments de doctrine. Par exemple, les techniques relèvent de la compétence du directeur général de la police nationale. Il y a quelques années, nous avons eu un grand débat sur les armes automatiques. Fallait-il ou non qu'elles soient utilisées à cartouches chambrées – c'est-à-dire qu'après armement, la cartouche étant montée dans l'arme, si le cran de sécurité a sauté, le coup peut partir quand même ? Le directeur général de la police nationale a tranché en faveur des cartouches chambrées, et nous l'avons suivi. C'est mon référent organique mais pas mon référent opérationnel. Je n'ai pas d'autre supérieur opérationnel que le ministre, auquel je rends compte directement des sujets opérationnels.
. Les membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale ont récemment rendu visite aux services de M. le directeur de la police judiciaire, M. Sainte, sans visée politique mais pour comprendre comment ils travaillent. Nous avons été frappés de la coexistence des brigades criminelles, résultant d'une relation historique. Vous avez indiqué que l'affectation des moyens dépendait directement de la DGPN. Rencontrez-vous des difficultés d'affectation de moyens dans l'exercice de votre activité opérationnelle ? Est-ce un frein pour vous ?
. Oui, monsieur le rapporteur, nous rencontrons des difficultés concernant les OPJ, pour les raisons que j'indiquais peut-être un peu rapidement. N'ayant pas assez d'OPJ, notamment pour la DSPAP, j'ai un problème d'instruction des affaires face à une criminalité en évolution. Je n'ai pas assez d'OPJ parce que, pour des raisons d'ancienneté, leur affectation fait l'objet d'un cycle. J'ai proposé que nous ayons des OPJ sortant d'école.
. Non, puisqu'il faut quatre ans d'ancienneté, comme le précise le code de procédure pénale.
. Parce qu'il a été considéré par le législateur, dans sa sagesse, qu'il fallait une certaine expérience pour devenir OPJ et qu'un jeune gardien ne pouvait pas l'être. Il faut cette ancienneté et passer un examen de qualification. Mais je sais que j'aurai toujours un déficit d'OPJ. Je dis souvent sous forme de boutade, parce que c'est un territoire que j'ai connu dans une précédente affectation, qu'il y a plus d'OPJ à Guéret qu'à La Courneuve. Il y a un problème de répartition, mais je n'empêcherai pas la mécanique naturelle des affectations. C'est ainsi que fonctionne la préfecture de police. Elle reçoit les fonctionnaires sortant de l'école parce qu'ils ont moins le choix de leur affectation, comme pour un certain nombre d'administrations. Il n'y a pas de spécificité de la police parisienne par rapport à l'administration pénitentiaire que je connais un peu. L'ancienneté permet de cumuler suffisamment de points pour obtenir une mutation et s'éloigner du centre. Quand j'étais à Bordeaux, la moyenne d'âge de mes fonctionnaires était plus proche du mien que celle des fonctionnaires de la préfecture de police. Si la qualification pouvait être au moins très fortement avancée après la sortie d'école, je pourrais mieux fidéliser les OPJ. Par ailleurs, s'agissant des cas spécifiques de la Seine-Saint-Denis, le Gouvernement a demandé un renforcement des OPJ. De plus, il existe une prime OPJ mais, pour des raisons techniques complexes, on peut continuer à en percevoir une partie sans effectuer la totalité du travail d'OPJ, ce qui ne m'aide pas. Il faudrait que j'obtienne des OPJ pour permettre à la DSPAP et à des SAIP d'être beaucoup plus offensifs.
. Cette situation vous a-t-elle contraint à définir des priorités entre les enquêtes en cours et à ne pouvoir obtenir, pour telle ou telle enquête, l'assistance nécessaire au bon fonctionnement opérationnel ?
. Le niveau de classement fait à Paris par le parquet est très élevé, en raison de l'insuffisance des actes d'instructions sur de petites affaires, notamment des vols à la tire et des cambriolages. Nous avons un problème de suivi…
. …essentiellement dans le bas du spectre.
À ce sujet, je vous propose de céder la parole à M. le directeur.
. Mon rôle est de répartir les effectifs nécessaires en fonction des enquêtes. Il serait contre-nature et antinomique que le préfet de police attribue et affecte les effectifs en fonction des nécessités des enquêtes, compte tenu de ce qui vous a été dit. C'est mon rôle d'exprimer des demandes de moyens humains ou matériels auprès du préfet de police en fonction des orientations générales que j'identifie comme prioritaires au sein de la direction, en fonction de l'évolution de la délinquance, de la criminalité et des enquêtes. Puisque vous évoquez précisément le cas des enquêtes, il me revient de dédier les moyens humains nécessaires pour faire aboutir une enquête. Leur rythme n'étant pas linéaire, on doit être capable de moduler les moyens au sein d'une brigade ou même en mutualisant les brigades si nécessaires pour certains très gros dossiers. C'est mon travail.
. Le problème des OPJ est spécifique à la DSPAP, il se pose moins que la DRPJ. Il est particulièrement grave pour les directions de la sûreté et les SAIP.
. Vous aviez peut-être touché du doigt un deuxième sujet lors des visites, à savoir la motivation et l'appétence pour les fonctions de police judiciaire. C'est vrai au niveau des SAIP et, par contrecoup, pour nous, puisque, par nature, nous faisons appel à des officiers de police judiciaire chevronnés afin d'intégrer les effectifs de la police judiciaire. Ce n'est pas très satisfaisant, car chaque fois que nous allons chercher des moyens humains auprès de nos collègues de la DSPAP, nous avons conscience d'affaiblir des services déjà peu dotés en ce domaine.
. Pour prolonger la question du rapporteur, avez-vous des échanges institutionnels avec le parquet, voire le siège pour l'instruction, au sujet de l'allocation des moyens ?
. Cela repose sur un dialogue permanent avec les procureurs de la République, puisqu'il y a quatre procureurs territoriaux entre Paris et les trois départements de l'agglomération, et avec les juges d'instruction. Cela nécessite la mise en perspective de nos difficultés. Dès lors que certains sujets ou certaines enquêtes deviennent prioritaires, nous devons l'exprimer clairement auprès des magistrats. Nos collègues de la DSPAP sont confrontés à la même situation par le biais de l'apurement des portefeuilles. De manière contradictoire avec les responsables des parquets, nous faisons une visite du portefeuille pour regarder quels sont les dossiers prioritaires.
. Vous intervenez sur quatre parquets. Qui tranche en cas de conflit entre deux parquets ?
. Il ne faut pas le voir ainsi. Nous devons faire des choix temporels. Je peux proposer de « mettre le paquet » sur un dossier, sachant qu'on se reportera rapidement sur le suivant. Nous pouvons être amenés à discuter avec deux parquets différents pour leur signifier une priorité sur un dossier ou, au contraire, demander de patienter un peu, faute de moyens. Nous tenons un langage de vérité et il n'y a aucune difficulté.
. Nous avons connu le long épisode des gilets jaunes, difficile pour l'action des services de police en matière de maintien de l'ordre, suivi de manifestations contre la réforme des retraites. Le procureur de la République de Paris nous a indiqué avoir donné aux magistrats placés sous son autorité des directives pour la gestion des gardes à vue en fonction des typologies de comportement des individus. De votre côté, avez-vous été amené à donner des directives particulières aux services de police placés sous votre autorité, autant en matière de maintien de l'ordre que de police judiciaire, compte tenu des violences urbaines auxquelles vous faisiez face ? Si oui, dans quelle direction ou dans quel cadre ? Quelle évolution avez-vous donnée à la gestion de ces événements de rue ?
. Il n'y a pas de spécificité. Je m'entretiens avec le procureur de Paris dès lors que je pense qu'une manifestation est susceptible d'entraîner des violences, toujours de manière pratique, afin que le niveau de permanence du parquet soit rehaussé, ce que le procureur fait d'ailleurs systématiquement. Il m'a demandé de l'alerter, je l'alerte en lui disant qu'à tel endroit cela peut être compliqué et il prend ses dispositions.
Ce n'est pas moi qui décide des interpellations, mais les fonctionnaires, dès lors qu'ils estiment qu'il y a délit ou infraction. On constate un certain nombre d'interpellations au fur et à mesure de la menée des opérations de maintien de l'ordre, mais elles ne se décident pas en salle de suivi.
. Avez-vous été amené à prendre des décisions d'interpellation et de placement en garde à vue dans des cas sans qu'il y ait eu d'infraction constituée, afin de « ratisser large » pour éviter tout problème ?
. Nous ne faisons pas cela. La question est de savoir quelle qualification d'infraction donner à un certain nombre d'éléments. Prenons l'exemple type d'une manifestation non autorisée – dans le régime actuel d'autorisation, mais interdite dans le régime précédent. Vous voyez, sur les réseaux sociaux, un appel signé de M. X, lequel se présente sur le lieu de la manifestation, accompagné d'un certain nombre de ses soutiens, cas de figure que nous rencontrons assez fréquemment. Selon la doctrine que j'ai mise en place, on l'interpelle, puisqu'un délit d'attroupement est constitué. Je sais que le parquet ne poursuit pas les délits d'attroupement. On aurait donc pu aussi se dire : dès lors que ce n'est poursuivi – pour des raisons qui ne me regardent pas mais je le sais d'expérience –, je pourrais ne pas le faire. J'ai décidé de le faire quand même, puisque le délit existe. C'est ce type de décisions que nous sommes amenés à prendre.
Procédez-vous systématiquement à interpellation et présentation des informations au parquet ou établissez-vous une distinction en fonction de la dangerosité de l'attroupement ? Je sais que la préfecture de police a mis en place des fiches types d'interpellation pour les manifestations.
. Nous mettons au point des fiches pour expliquer comment constituer le dossier pour la présentation au SAIP. On ne peut se contenter de mettre une croix à la fin du procès-verbal, ce qui est la tendance des gens des unités engagées dans le maintien de l'ordre, qui ne sont pas toujours des spécialistes du judiciaire. J'ai demandé qu'ils établissent les éléments de procès-verbal de façon plus structurée, notamment avec des motivations et des preuves. C'est une démarche didactique destinée à éviter les approximations que j'avais constatées à mon arrivée.
Pour que le délit d'attroupement soit constitué, il faut que la personne ayant appelé à la manifestation soit identifiée et qu'elle se présente. Ces deux cas de figure ne sont pas si fréquents. Parfois, l'appel est fait par un ensemble et non par une personne. Quand la manifestation est déclarée, elle est signée et il n'y a pas de délit d'attroupement.
. Tout à fait. Toutefois, quand on interdit, les personnes se présentent rarement. Mais si M. X, qui a déposé l'appel à la manifestation non autorisée ou interdite se présente, on l'interpelle et on le présente au magistrat. C'est arrivé samedi dernier pour la manifestation à La Concorde de l'association ligue de défense noire africaine (LDNA). L'appelant de cette manifestation s'est présenté. Nous l'avons interpellé, il a été emmené au SAIP et placé en garde à vue.
Pour vous, il n'y a pas de sujet sur les manifestations appelées par les organisations syndicales quand elles ne sont pas déclarées ? Je pense notamment aux manifestations récentes des policiers, trois nuits de suite, devant les institutions.
Vous avez dit que les moyens mis à disposition de la police judiciaire dépendaient de la priorité donnée. Qui décide de cette priorité ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de décisions collégiales, mais quels sont vos critères ? Je me souviens qu'une enquête, menée en 2016 ou 2017, pour blanchiment et atteinte à la législation sur le financement des campagnes électorales à l'encontre d'un sénateur âgé de 92 ans, avait mobilisé quelque 90 fonctionnaires de police. Faire avancer très vite cette enquête était une priorité pour certains. Je ne pense pas que 90 fonctionnaires travaillent actuellement sur les enquêtes concernant M. Bayrou. Qu'est-ce qu'une enquête prioritaire ? La question est au cœur des travaux de notre commission d'enquête. Y a-t-il des critères objectifs ou cela dépend-il de la seule pression politique ?
Dans l'hypothèse d'un fonctionnement de la justice dotée d'un parquet un peu plus indépendant, auriez-vous techniquement les moyens de rendre plus transparents les moyens affectés à chacune de ces enquêtes ?
Monsieur le préfet de police, en réponse à une question sur la saisine de l'IGPN, vous avez dit : « Je n'ai aucun avis sur ce qui ne dépend pas de moi ». Au poste prestigieux du corps auquel vous appartenez, il est de votre devoir d'éclairer la représentation nationale sur l'état du droit. La saisine de l'IGPN est un sujet qui mérite réflexion. En matière d'ordre public, après des épisodes marqués par une quarantaine de manifestants éborgnés, ou dans les cas d'enquête de police judiciaire, l'interrogatoire est parfois difficile. Du point de vue du législateur, la saisine de l'IGPN n'est pas un sujet neutre au regard de la garantie du bon fonctionnement de ce service public.
. Il n'y a pas d'instructions politiques – je n'en donne pas et le ministre n'en donne pas –, sur les effectifs à mettre sur les enquêtes. Depuis que je suis à ce poste, je n'ai jamais donné d'instruction, pour la bonne et simple raison que je ne connais pas les saisines et que je considère que ce n'est pas mon rôle, et je n'en ai reçu aucune.
. Les priorités sont d'abord opérationnelles. Certains dossiers font l'objet d'un investissement dynamique, pas seulement pour les affaires financières. Nous sommes amenés à faire des choix au quotidien en fonction de la gravité des faits ou des attentes des magistrats du parquet. Des conditions de détention d'individus peuvent justifier l'accélération des investigations. Quand d'importants moyens humains et techniques sont déployés pour une affaire, l'opportunité opérationnelle incite à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que l'enquête aboutisse. Je le dis clairement, cela ne correspond en aucune manière à des priorités du politique.
Du côté du parquet, d'autres critères peuvent être pris en considération, tels que des problématiques de médiatisation, de résonance médiatique sur les réseaux sociaux, d'emballements comme ceux auxquels nous sommes tous confrontés. Le procureur de la République me demande parfois de mettre des moyens pour apporter la réponse judiciaire la plus rapide possible afin de corriger ou conforter ce qui circule de manière virale dans l'espace public. Des dossiers nécessitent d'apporter une réponse rapide au regard de la résonance publique, mais il n'y a pas de contraintes politiques.
Vous évoquiez l'engagement des moyens en fonction des magistrats. Dans un monde idéal, on pourrait imaginer de dédier tant d'enquêteurs à telle enquête ou à tel magistrat du parquet ou de l'instruction, mais il nous faut garder de la plasticité. L'effectif n'étant pas celui que nous souhaiterions avoir, nous devons adapter en permanence les moyens à l'objectif à atteindre, tout en respectant les critères indiqués tout à l'heure. Dans ce contexte, dans un souci de loyauté envers les magistrats demandeurs, il me paraît difficile d'envisager d'en sanctuariser certains. En revanche, nous pouvons prendre l'engagement envers tel magistrat, tel juge d'instruction ou tel parquet de traiter un dossier en priorité, de le faire tout de suite et de lui apporter une réponse rapide, pour lever un doute ou conforter une hypothèse.
. Je n'ai pas d'avis sur le fonctionnement de l'IGPN puisque je n'ai pas à en connaître en tant que gestionnaire. Je saisis l'IPGN et je n'ai pas d'observations particulières à faire. Les seules que je pourrais faire porteraient sur la durée des enquêtes et sur ce qui me revient mais, très franchement, je n'en ai pas. Je trouve son fonctionnement assez fluide. Je n'ai aucune raison de douter que les enquêtes ne soient correctement et professionnellement faites. Ce n'est pas à moi d'entrer dans le débat public au sujet de l'IGPN, son fonctionnement et son indépendance. Je constate le fonctionnement assez fluide d'une instance qui ne dépend pas de moi et qui me répond dans des délais me permettant de donner des suites, notamment disciplinaires, puisque c'est ce qui m'intéresse. Le judiciaire ne me regarde pas, sauf quand il aboutit à des sanctions administratives.
. Je prolongerai la question de notre collègue Olivier Marleix. Vous avez fait la réponse qui vous appartient mais vous voyez bien le débat ouvert sur le fonctionnement de l'IGPN et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Si vos chefs de service constatent qu'un fonctionnaire de police a manifestement enfreint les règles déontologies, voire pénales, est-ce vous qui prenez directement contact avec l'IGPN ? Est-ce que ça passe systématiquement par le parquet, l'autorité donneuse d'ordres à l'IGPN ?
Avez-vous des données chiffrées à ce sujet, telles que le nombre de signalements à l'IGPN et le nombre d'enquêtes effectives ? Si vous ne pouvez pas le faire aujourd'hui, pourriez-vous nous fournir ultérieurement des éléments écrits ?
. Cela ne pose aucun problème.
Je saisis l'IGPN à titre administratif et non pas, par construction, à titre judiciaire. Mais dès lors que je l'ai saisie à titre administratif, il est rare que la saisine judiciaire ne soit pas faite dans la foulée, si elle n'a pas précédé ma saisine. Je fais des saisines purement administratives dans des affaires non pas internes à la préfecture de police mais en cas de suspicion sur le fonctionnement d'un service. Je demande une enquête administrative, la seule pour laquelle j'ai compétence, à l'IGPN. Je reçois une réponse administrative éventuellement accompagnée d'une proposition de réorganisation des services, car elle intervient alors dans sa fonction de conseil administratif. Dans le cadre de sa fonction judiciaire, si une saisine est faite par le parquet et prospère, je la vois revenir au plan judiciaire. Se pose alors le problème des suites administratives en matière disciplinaire, comme les suspensions de fonctionnaires, ce qui conduit à réunir le conseil de discipline.
N'oublions pas que le sujet de l'IGPN est un peu douloureux, puisque la préfecture de police disposait de son inspection propre, mais à la suite d'une affaire de suspicion de fonctionnaires qui auraient communiqué des informations à des hommes politiques et qui a défrayé la chronique, il a été décidé de la fondre dans l'IGPN. N'ayant plus d'inspection en propre, je me permettais de dire que je n'ai pas d'avis sur le fonctionnement. La suppression l'inspection de la préfecture de police ayant été décidée, on passe par l'inspection générale de la police nationale. Je le répète, ce n'est pas à moi de répondre sur une architecture de fonctionnement qui regarde le ministre et non le préfet de police.
Monsieur le directeur de la police judiciaire et monsieur le préfet de police, par décision contentieuse du 18 mai 2020, le Conseil d'État a ordonné à l'État de cesser immédiatement la surveillance par drone du respect des règles sanitaires. Je précise qu'il ne s'agissait pas d'identifier des personnes mais de détecter des rassemblements en vue de réaliser des opérations de dispersion ou d'évacuation, si nécessaire. Je ne vous interrogerai pas sur le recours ni sur la décision du Conseil d'État mais sur la justice qui dit le droit a posteriori. Même s'il existe une réglementation, l'emploi des drones n'est pas encore bien cadré. Quelle sont votre doctrine et votre mode d'intervention dans ces champs encore non délimités ni par le législateur ni par la justice ? Avez-vous reçu une demande particulière de la part d'un ou de plusieurs ministres au sujet de l'utilisation des drones dans le cadre de l'observation du respect du confinement ? N'avez-vous pas l'impression d'avoir forcé la main de la justice en prenant des décisions dans un domaine pas encore tranché ?
Ma deuxième question est sans doute un peu naïve, car je ne suis pas aussi expert que mes collègues en matière de sécurité nationale. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) joue un rôle important mais, organisme à moitié militaire et à moitié politique, il échappe à tout contrôle démocratique. En quoi le SGDSN influence-t-il votre travail, en particulier en ce moment ? N'y a-t-il pas parfois contradiction entre le ministère de l'intérieur et les injonctions du SGDSN, relevant directement du Premier ministre ?
. Comment avons-nous bâti notre doctrine sur les drones ? La préfecture de police englobant un dispositif très opérationnel, nous agissons de manière très prosaïque. Nous disposons d'un système de caméras d'observation d'axes à Paris et dans son agglomération. Si, à Paris, le système est assez homogène, il l'est moins en périphérie puisqu'il est communal. Le système de vidéosurveillance parisien présente la spécificité d'être un système d'État. Toutefois, les caméras de vidéosurveillance ne couvrent pas de très larges espaces. Les caméras de la place de la République montrent des parties du lieu, et encore pas toutes, à cause des arbres, mais ne donnent pas de vision globale. Elles ne dézooment pas suffisamment et n'ont pas un angle suffisamment pour embrasser un grand espace. De même, nous avons une vision d'un bout de quai de Seine, mais pas de sa totalité, notamment en cas de présence d'une foule compacte. La seule façon d'avoir une telle vision est d'utiliser des moyens aériens, c'est-à-dire soit des hélicoptères, sur le droit de tirage de la gendarmerie, soit des drones. Nous utilisons des drones dont les nuisances sont bien moindres pour les habitants. Je ne suis pas sûr que faire voler des hélicoptères au-dessus de Paris pendant toute la durée d'une manifestation améliorerait ma popularité, même si ce n'est plus très grave. Le drone est très pratique, même si nous rencontrons des difficultés d'emploi à Paris parce qu'ils sont attaqués par des mouettes et des goélands. Il ne faut pas les faire voler trop près des pièces d'eau pour éviter des pertes d'appareils.
La doctrine que nous avons construite pour l'utilisation des drones est identique à celle suivie pour l'utilisation des caméras de vidéosurveillance. Les caméras de vidéosurveillance floutent les façades pour qu'on ne puisse pas voir l'intérieur des appartements, qui relèvent du domaine privé. Puisqu'on ne peut pas flouter la caméra d'un drone, nous avions établi le principe de ne pas conserver les images plus de quinze jours, comme pour les caméras de vidéosurveillance, et d'une utilisation dézoomée, pour voir des foules. C'était particulièrement utile pendant l'état d'urgence sanitaire, pour faire respecter les mesures de distanciation. Bien que l'on puisse se demander si c'est du ressort de la police nationale, on nous avait demandé de faire respecter les mesures de distanciation dans les rues, et il faut, pour ce faire, en avoir une vision exacte. Le Conseil d'État a considéré qu'en la matière, il n'était pas possible de les utiliser. Il faudrait un texte de loi pour réutiliser ces drones en matière d'état d'urgence sanitaire, mais je ne vous cache pas que pour faire respecter la distanciation lors des évolutions de foule lors de la fête de la musique, j'aurais préféré faire voler des drones plutôt qu'envoyer des fonctionnaires. Vous me direz que, grâce aux chaînes d'info, on a maintenant cette vision globale, puisqu'elles ont des drones. C'est une des facéties du système. Je ne peux diffuser aucune image mais, monsieur le député, vous pouvez en diffuser autant que vous voulez. N'importe quelle chaîne d'info peut faire voler des drones moyennant une autorisation administrative, mais je ne peux pas le faire. Je trouve dans la sphère publique une série d'images. Il serait utile que le législateur équilibre le rapport entre la puissance publique et l'individu, car je ne peux pas produire d'éléments de ce que je vois, ce qui, dans le débat médiatique, est un véritable sujet.
Le SGDSN n'influence pas notre travail. Il comporte un groupe de travail sur les drones, qui étudie non des éléments de doctrine juridique, mais des éléments de doctrine d'emploi, notamment pour les militaires. Le 14 juillet, l'armée de terre a fait voler des drones de démonstration. Lors de tels rassemblements, nous mettons en place un dispositif de protection anti-drones. Sur un théâtre d'opération extérieur, cela a été récemment un élément efficace d'opération anti-terroristes. Sous l'égide du SGDSN, nous avons travaillé avec l'armée de l'air et l'armée de terre afin de nous assurer que nos brouilleurs ne brouilleraient pas les drones de l'armée de terre. Comme nous ne connaissons pas leurs fréquences, nous passons par le SGDSN. C'est vraiment du concret, nous ne sommes pas du tout dans de la métaphysique. Nous le faisons aussi sous l'égide de l'armée de l'air, qui conduit aussi des réflexions sur les drones. Pour préparer le prochain 14 juillet, nous aborderons de nouveau cette question pour savoir si les fréquences ont évolué. De même, lors de la démonstration du Flyboard, nous nous sommes assurés avec le SGDSN que nos dispositifs n'allaient pas générer de brouillage. S'agissant d'éléments classifiés, nous passons par le SGDSN, mais celui-ci ne se mêle en aucune façon du fonctionnement de la préfecture de police.
Nous nous sommes un peu écartés du sujet sur l'indépendance de la justice, mais c'était intéressant.
Les chefs de cour dans les juridictions, surtout en appel, disposent de magistrats placés qu'ils peuvent envoyer en renfort dans des juridictions en sous-effectif. Disposez-vous de moyens en fonctionnaires de police capables de renforcer telle ou telle brigade ou service, nonobstant des spécialisations techniques, en cas de besoins particuliers d'enquêtes ?
. Oui. Conformément au principe de fongibilité et la modularité que j'évoquais tout à l'heure. Mon cœur de métier, c'est d'être capable d'affecter les moyens nécessaires au soutien de telle brigade pour tel dossier. Nous nous souvenons tous de l'épisode du Bataclan. Le vendredi soir, 850 enquêteurs de la direction étaient sur le terrain, certains au profil d'enquêteur criminel, d'autres au profil d'enquêteur financier, d'autres encore au profil d'enquêteur sur le banditisme. Chacun dans notre domaine de compétence, nous nous sommes partagés le travail. Il peut arriver que je mette les moyens de deux brigades en soutien d'une opération majeure nécessitant de multiples interpellations à réaliser en même temps. À partir du moment où ils sont habilités comme officiers de police judiciaire sur l'aire du ressort de la cour d'appel, il n'y a aucun problème. Les enquêteurs de police judiciaire sont habitués à cette mobilité intellectuelle.
L'indépendance de la justice, ce n'est pas le repli, c'est l'ouverture aux préoccupations de la société. Dans les enquêtes que vous menez, la notion de délais est-elle prégnante ? Pour les victimes et les mis en cause, les délais imposés représentent une difficulté, sachant qu'ils s'allongent lorsque l'affaire passe au niveau judiciaire. Êtes-vous animés du souci de la rapidité des enquêtes ?
. Vous avez raison de souligner ce point, mais les enquêtes n'obéissent pas toutes au même rythme. Une enquête criminelle ne fonctionne pas comme une enquête financière. Les délais pour les enquêtes financières sont beaucoup plus longs, non en raison des moyens engagés, mais parce qu'il faut rechercher des informations auprès de banques, d'organismes financiers et d'autres interlocuteurs. Il faut compiler tous ces éléments afin de les analyser, ce qui génère des délais de réponse qui peuvent paraître longs. Entre la date à laquelle le service est saisi, la date d'arrivée du dossier auprès du parquet compétent et la date du jugement, la phase d'enquête n'est pas nécessairement la plus longue.
Pourriez-vous nous communiquer des éléments sur le délai moyen des enquêtes, car c'est un sujet qui intéresse notre commission d'enquête ?
. Je peux vous fournir une étude moyenne de délai des dossiers lambda par typologie d'affaires, en distinguant les dossiers financiers et les dossiers criminels, car ils n'obéissent pas aux mêmes dynamiques.
La séance est levée à 15 heures 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Ugo Bernalicis, M. Olivier Marleix, M. Sébastien Nadot, M. Didier Paris, M. Bruno Questel, Mme Laurianne Rossi, Mme Cécile Untermaier