Intervention de Didier Lallement

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 14h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Didier Lallement, préfet de police :

. Comment avons-nous bâti notre doctrine sur les drones ? La préfecture de police englobant un dispositif très opérationnel, nous agissons de manière très prosaïque. Nous disposons d'un système de caméras d'observation d'axes à Paris et dans son agglomération. Si, à Paris, le système est assez homogène, il l'est moins en périphérie puisqu'il est communal. Le système de vidéosurveillance parisien présente la spécificité d'être un système d'État. Toutefois, les caméras de vidéosurveillance ne couvrent pas de très larges espaces. Les caméras de la place de la République montrent des parties du lieu, et encore pas toutes, à cause des arbres, mais ne donnent pas de vision globale. Elles ne dézooment pas suffisamment et n'ont pas un angle suffisamment pour embrasser un grand espace. De même, nous avons une vision d'un bout de quai de Seine, mais pas de sa totalité, notamment en cas de présence d'une foule compacte. La seule façon d'avoir une telle vision est d'utiliser des moyens aériens, c'est-à-dire soit des hélicoptères, sur le droit de tirage de la gendarmerie, soit des drones. Nous utilisons des drones dont les nuisances sont bien moindres pour les habitants. Je ne suis pas sûr que faire voler des hélicoptères au-dessus de Paris pendant toute la durée d'une manifestation améliorerait ma popularité, même si ce n'est plus très grave. Le drone est très pratique, même si nous rencontrons des difficultés d'emploi à Paris parce qu'ils sont attaqués par des mouettes et des goélands. Il ne faut pas les faire voler trop près des pièces d'eau pour éviter des pertes d'appareils.

La doctrine que nous avons construite pour l'utilisation des drones est identique à celle suivie pour l'utilisation des caméras de vidéosurveillance. Les caméras de vidéosurveillance floutent les façades pour qu'on ne puisse pas voir l'intérieur des appartements, qui relèvent du domaine privé. Puisqu'on ne peut pas flouter la caméra d'un drone, nous avions établi le principe de ne pas conserver les images plus de quinze jours, comme pour les caméras de vidéosurveillance, et d'une utilisation dézoomée, pour voir des foules. C'était particulièrement utile pendant l'état d'urgence sanitaire, pour faire respecter les mesures de distanciation. Bien que l'on puisse se demander si c'est du ressort de la police nationale, on nous avait demandé de faire respecter les mesures de distanciation dans les rues, et il faut, pour ce faire, en avoir une vision exacte. Le Conseil d'État a considéré qu'en la matière, il n'était pas possible de les utiliser. Il faudrait un texte de loi pour réutiliser ces drones en matière d'état d'urgence sanitaire, mais je ne vous cache pas que pour faire respecter la distanciation lors des évolutions de foule lors de la fête de la musique, j'aurais préféré faire voler des drones plutôt qu'envoyer des fonctionnaires. Vous me direz que, grâce aux chaînes d'info, on a maintenant cette vision globale, puisqu'elles ont des drones. C'est une des facéties du système. Je ne peux diffuser aucune image mais, monsieur le député, vous pouvez en diffuser autant que vous voulez. N'importe quelle chaîne d'info peut faire voler des drones moyennant une autorisation administrative, mais je ne peux pas le faire. Je trouve dans la sphère publique une série d'images. Il serait utile que le législateur équilibre le rapport entre la puissance publique et l'individu, car je ne peux pas produire d'éléments de ce que je vois, ce qui, dans le débat médiatique, est un véritable sujet.

Le SGDSN n'influence pas notre travail. Il comporte un groupe de travail sur les drones, qui étudie non des éléments de doctrine juridique, mais des éléments de doctrine d'emploi, notamment pour les militaires. Le 14 juillet, l'armée de terre a fait voler des drones de démonstration. Lors de tels rassemblements, nous mettons en place un dispositif de protection anti-drones. Sur un théâtre d'opération extérieur, cela a été récemment un élément efficace d'opération anti-terroristes. Sous l'égide du SGDSN, nous avons travaillé avec l'armée de l'air et l'armée de terre afin de nous assurer que nos brouilleurs ne brouilleraient pas les drones de l'armée de terre. Comme nous ne connaissons pas leurs fréquences, nous passons par le SGDSN. C'est vraiment du concret, nous ne sommes pas du tout dans de la métaphysique. Nous le faisons aussi sous l'égide de l'armée de l'air, qui conduit aussi des réflexions sur les drones. Pour préparer le prochain 14 juillet, nous aborderons de nouveau cette question pour savoir si les fréquences ont évolué. De même, lors de la démonstration du Flyboard, nous nous sommes assurés avec le SGDSN que nos dispositifs n'allaient pas générer de brouillage. S'agissant d'éléments classifiés, nous passons par le SGDSN, mais celui-ci ne se mêle en aucune façon du fonctionnement de la préfecture de police.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.