Je vais aborder la question extrêmement importante des nominations. L'acceptabilité du système pour les citoyens, et les magistrats, réside dans la croyance que les nominations ne sont pas faites sur des considérations qui pourraient être politiques, ou d'appartenance à telle ou telle école de pensée, ou même par rapport à un comportement. La vérification du dispositif est donc essentielle. Celui-ci repose sur le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, qui garantit à la fois pour les citoyens et pour les magistrats le contrôle réalisé. C'est la clé de voute.
Avant de soumettre une nomination au CSM, on travaille à partir des dossiers administratifs de magistrats, dans lesquels se trouvent les évaluations. Il y a tout un débat sur la manière de faire évoluer ces évaluations – nous y travaillons avec le CSM –, mais on n'y trouve aucune indication quant aux décisions prises par les magistrats dans telle ou telle affaire, aux affaires qu'ils auraient présidées… Ce sont des informations et un processus extrêmement normés, qui sont fixés par l'ordonnance statutaire. Le critère sur lequel nous faisons reposer notre décision, c'est le dossier administratif. S'agissant des procureurs et procureurs généraux, s'y ajoute tout un cycle d'auditions, par mes équipes, puis par la sous-directrice de la magistrature, enfin par moi-même. C'est tout un processus normé.
Lorsque nous faisons une proposition de nomination, le risque que vous évoquez – celui où un magistrat n'est pas choisi parce qu'il a déplu – est levé par le contrôle du CSM. Ce magistrat, qui n'aurait pas été proposé, peut faire, je l'ai dit, des observations devant le CSM. Si son dossier parait être intéressant, le Conseil l'entend. Et si le Conseil estime que c'était un meilleur candidat que celui que nous avons proposé, il peut formuler une recommandation ou un signalement faisant ainsi savoir au ministre qu'il conviendrait, peut-être, de le nommer. De surcroit, la situation ne s'est jamais produite depuis mon arrivée, il y a trois ans, mais si le CSM estime qu'il existe des raisons de ne pas nommer quelqu'un, il peut émettre un avis défavorable. Tous les ministres de la justice ont dit depuis dix ans qu'ils ne passeraient pas outre cet avis défavorable, d'où l'intérêt d'ailleurs d'aller vers l'avis conforme pour les parquetiers. Aujourd'hui, les ministres respectent l'avis simple, mais peut-être un jour y en aura-t-il qui agiront différemment, et il serait bien de le prévenir.
Un deuxième dispositif existe qui préserve du risque que vous évoquez, c'est le dispositif d'appel à candidatures qui permet à mon sens d'accentuer le contrôle par le CSM. Sur des postes spécialisés, nous faisons des appels à candidatures très précis. Ils permettent au CSM de savoir sur quel poste le magistrat sera affecté et quel contentieux il aura à connaitre. Imaginons un poste de premier vice-président chargé de l'instruction financière à Paris : un poste essentiel puisque c'est le coordinateur des juges d'instruction financiers qui voit l'ensemble des dossiers et participe à la nomination de tel ou tel juge d'instruction. On voit bien que c'est une nomination sensible. L'appel à candidatures permet de dire au corps judiciaire que nous recherchons tel magistrat. Les magistrats se portent candidats, et le Conseil supérieur de la magistrature sait quelle fonction le magistrat nommé va exercer. On pourrait, sur plusieurs centaines de magistrats à Paris, nommer des présidents et vice-présidents sans que le CSM sache très exactement où le président va les nommer. Car la nomination au sein d'une juridiction, c'est l'office du président. Mais en accord avec la Cour et la juridiction, il y a des appels à candidature fléchés. L'intérêt, c'est que le CSM examine le dossier du magistrat, non seulement dans sa compétence professionnelle intrinsèque, mais aussi sa compétence dans un segment très spécialisé. On renforce donc le pouvoir du Conseil.