Intervention de Christiane Taubira

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christiane Taubira, ancienne ministre de la justice :

Incontestablement, certaines informations mettent le garde des Sceaux dans l'embarras. Vous avez évoqué une affaire qui avait une dimension cocasse induite par une dimension folklorique, celle des écoutes de la ligne téléphonique ouverte par un ancien Président de la République sous le nom de Paul Bismuth. Cela permet de rappeler une chose importante : les remontées d'informations concernent des actes que les magistrats ont déjà accomplis. Ceux-ci ne demandent ni autorisation, ni instruction, ils informent de ce qu'ils ont fait. Dans le cas de « Paul Bismuth », j'ai été informée en mars 2014 que de février à septembre ou octobre 2013, les magistrats avaient décidé d'écoutes et que leurs analyses les avaient conduits à de nouvelles enquêtes. À l'époque, entre la procédure Karachi et la charge de travail du ministère, dont une journée nécessiterait une semaine, j'avoue que je n'ai peut-être pas consacré à cette affaire l'attention qu'elle méritait. On me cassait la tête avec, cela m'incommodait et pesait sur les tâches que j'avais à accomplir.

C'est vrai que c'est gênant pour le garde des Sceaux. Que doit-il faire des remontées concernant des élus, des hauts fonctionnaires, des responsables de grandes entreprises ? Rien, il n'en a aucun usage. Par contre, on sait qu'il en dispose et il a besoin de savoir. Je trouve concevable que les parlementaires saisissent le garde des Sceaux quand ils sont pris d'assaut dans leurs circonscriptions, par exemple par des maires qui considèrent qu'on leur pourrit la vie à cause de d'histoires de marché public. Toutefois je ne serais pas choquée à l'idée que l'on dispense le garde des Sceaux d'avoir ce type de remontées d'informations. Cela me paraitrait plus clair et plus simple. Mais cela n'exonère pas d'une réflexion sur la cascade de conséquences que cela entraînerait. Il faudrait que les députés et les sénateurs, lors des questions au Gouvernement, renoncent à interroger le garde des sceaux sur ces procédures-là. Il faudrait que les médias acceptent qu'il n'a pas d'information. Mais s'ils n'obtiennent pas le minimum d'informations, ils peuvent vouloir chercher le maximum d'informations. Cela pose des questions sur les risques qui pèseraient sur le secret de l'instruction.

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