Votre question est aussi importante qu'embarrassante. Je peux vous faire part de ma réflexion personnelle, mais elle ne repose sur aucun élément tangible. Il y a quatre ans que j'ai quitté le ministère. À l'époque, j'organisais des rencontres avec des parlementaires, des magistrats, des universitaires : sur des questions de ce type, je nourrissais toujours ma réflexion grâce à l'intelligence, au savoir et aux compétences des autres, parce que j'avais toujours peur de mal faire. Avant de toucher à quoi que ce soit, je voulais tout comprendre. Une fois que j'avais compris, je savais ce que je faisais et j'allais jusqu'au bout.
Un sujet comme celui-ci mérite qu'on y réfléchisse sérieusement. Certaines enquêtes préliminaires durent plus de dix ans : c'est inconcevable et c'est scandaleux pour la justice. Cette situation n'est satisfaisante pour personne et je me dis que cela n'amuse pas non plus le procureur de traîner dix ans sur la même affaire.
Mais il y a aussi des informations judiciaires qui durent très longtemps, et sur des sujets très sensibles : je pense à l'amiante, ou à l'accident d'avion de Maracaibo, au Venezuela, dont les victimes étaient essentiellement des Martiniquaises et des Martiniquais. Les magistrates et les magistrats finissent par ne plus savoir quoi faire, les preuves s'estompent : plus le temps passe et moins on est performant. La question de la durée est extrêmement importante, cela ne fait pas de doute. Mais il faut réfléchir à tous les aspects de la question : réduire la durée de l'information judiciaire, n'est-ce pas aussi réduire les droits de la défense ? Or les droits de la défense sont un marqueur de démocratie. Certains de ces droits peuvent être utilisés de façon dilatoire : des demandes d'acte au dernier moment, des renvois… C'est peut-être un inconvénient, mais la démocratie est pleine d'inconvénients. Il faut s'assurer qu'en réduisant la durée des informations judiciaires, on ne limite pas les droits de la défense. Il faut éprouver les choses – au sens étymologique.