Intervention de Christiane Taubira

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christiane Taubira, ancienne ministre de la justice :

La remontée d'information porte effectivement sur des actes accomplis. Vous avez raison concernant les stratégies : j'ai ainsi émis des circulaires de politique pénale territoriale en Corse, dans les Bouches-du-Rhône, en Guyane, en Martinique ou en Île-de-France à la suite de remontées faisant apparaître une prédominance d'un type de délinquance en particulier. Il s'agissait de définir des priorités, les parquets étant submergés. Nous en avons également tenu compte lors de la création, avec le ministère de l'intérieur, des zones de sécurité prioritaire (ZSP) : nous avons travaillé en amont avec les magistrats, que j'ai interrogés sur les périmètres et sur les zones où il fallait affecter davantage de forces de l'ordre, de magistrats et de greffiers. Je les ai interrogés également sur la performance de certaines structures comme les groupes locaux de prévention (GLP). Les remontées d'information servent aussi à dessiner une cartographie de la délinquance et de son intensité à certains endroits, afin d'ajuster les réponses de la justice.

Les lettres des justiciables peuvent nous éclairer sur la conduite de la politique pénale et même civile. Rappelons que le civil représente 70 % de l'activité judiciaire ; il concerne le quotidien des citoyens – les affaires familiales à plus de 60 %, le surendettement, les conflits de voisinage, etc. Le service public de la justice se doit d'être très efficace sur ces questions également. La masse de courriers est telle que l'on ne peut tous les traiter – il faudrait pour cela créer une cellule qui s'y consacrerait spécifiquement –, mais certains cas alertent suffisamment pour appeler l'attention du législateur. Je ne pouvais pas personnellement répondre à 1 700 lettres par jour, mais j'allais quand même y mettre le nez régulièrement. J'ai par exemple été sensibilisée par des lettres de citoyens au problème de l'amiante, ou bien à des atteintes à l'environnement. En faisant des recherches pour répondre à des questions sur des pollutions, j'ai repéré l'article 714 du code civil, selon lequel « Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d'en jouir. » C'est un très bel article, qui date de la première version du code civil, en 1803. Cela sert à trouver des réponses, ou à en construire s'il n'en existe pas. Mais c'est un travail à temps plein !

Concernant la relation aux médias, je suis un très mauvais exemple parce que je n'aime pas y aller – je crois que cela s'est vu ! Je suis prête à défendre les médias : l'un des premiers projets de loi que j'ai présentés avait pour objet la protection des sources des journalistes. Je suis très soucieuse que ce pilier de notre démocratie fonctionne correctement. Mais bavarder à la radio ou montrer sa pomme à la télévision, cela me casse les pieds ! J'ai un grand défaut, une grande infirmité en tant que responsable politique : je ne suis pas narcissique !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.