Intervention de Mario Stasi

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 14h00
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) :

Vos questions renvoient à une période ancienne de nos relations avec les GAFA : nous n'en sommes, à leur égard, plus là. Pour vous répondre en deux mots, je dirai que nous travaillons de façon efficace avec Facebook France, qui est une société responsable.

Jusqu'à l'an passé, nos relations avec les hébergeurs tenaient, pourrait-on dire, d'un gentleman's agreement. Nous les alertions et cherchions, en ayant avec eux des liens privilégiés, à obtenir tel déréférencement ou telle suppression. Mais nous nous sommes rendu compte, d'une part, que l'Allemagne avait pris en compte avant nous le danger que les réseaux sociaux représentent en l'absence de toute régulation et, d'autre part, que le gentleman's agreement ne suffisait pas, et qu'il était nécessaire de responsabiliser à la fois les hébergeurs et les auteurs anonymes de messages.

Nous avons par conséquent examiné avec attention la loi allemande qui a conduit les hébergeurs à embaucher, depuis le 1er janvier 2018, des centaines, voire des milliers de salariés pour prendre en charge l'autorégulation demandée. Il nous a semblé qu'elle était efficace.

En mars 2018, le Gouvernement a lancé une mission contre le racisme et l'antisémitisme sur internet qui a remis son rapport. Désormais, nous attendons avec impatience l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet. J'espère que la future loi Avia permettra des changements. Aujourd'hui, on trouve en effet sur Twitter « Alain Soral Officiel », « Égalité & Réconciliation a besoin de vous » et « ce que cache la condamnation d'Alain Soral » sur le compte Twitter de Vincent Reynouard, entre autres : le gentleman's agreement n'a, de toute évidence, pas été efficace avec tous les GAFA ! Or il faut que la loi s'applique à tous aussi rapidement que possible.

Je persiste par ailleurs à dire que le jour où les délits racistes ne relevant plus de la loi 1881, les délinquants racistes auront droit à la même justice que n'importe quel autre délinquant, la gravité des atteintes au pacte social que causent les immondices que l'on trouve sur internet sera remise à son vrai niveau.

La future loi, indiquons-le toutefois, sera nécessairement imparfaite. À titre d'exemple, les hébergeurs ont leur siège social en Europe. Or, pour les mettre face à leur responsabilité, il faudrait qu'il soit en France. Ce point technique suffira à rendre très difficiles la mise en cause et la condamnation des hébergeurs.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple du danger que représente aujourd'hui internet. Si vous tapez « nombre de morts Shoah » sur Google, vous tombez sur le site de Faurisson ! Le campus numérique que nous mettons en place ne pourra, à lui seul, suffire à combattre l'antisémitisme et le racisme sur internet. Il faut également que les jeunes qui font des recherches sur internet soient correctement orientés. Aujourd'hui, après avoir été orientés sur le site de Faurisson, ils seront amenés à lire les propos d'Alain Soral se présentant en victime d'une condamnation injuste, puisque le parquet a fait appel du mandat d'arrêt à son encontre, ce qui peut les amener à croire que ses propos négationnistes n'étaient pas entièrement faux… Telle est la manière dont procèdent la mécanique de l'impunité, de la fake news et de la déresponsabilisation.

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