C'est une question difficile. Je crois d'abord utile de faire une différence entre l'humour et la propagande. La phrase dans laquelle Jean-Marie Le Pen comparait les Roms à des oiseaux n'aurait pas eu le même sens si elle avait été prononcée par un humoriste qui revendique le droit à la provocation et a pour habitude de recourir au cynisme pour dénoncer le racisme et les discriminations. Mais, dans la bouche d'un homme politique, il s'agissait simplement de propagande et de prosélytisme.
Les hommes politiques qui commettent ces délits arguent du droit à l'humour. Le juge est donc amené à se demander si les propos incriminés ont été tenus dans un cadre politique ou au cours d'un spectacle humoristique. Lorsque Dieudonné fut condamné, il ne le fut pas en tant qu'humoriste mais parce qu'il était devenu un homme politique – il défendait une certaine idée de la vie dans la cité – tenant des propos indéfendables.
La liberté d'expression, bien sûr, est capitale, et je continue à aimer Pierre Desproges et à trouver Gaspard Proust incroyablement drôle et dérangeant. On trouve, chez ces deux humoristes, une distance à l'égard des propos qu'ils tiennent, qui est le propre de l'artiste. Les artistes, d'ailleurs, ont aussi une responsabilité politique, car il arrive que, dans certaines périodes, des propos ne soient pas pertinents car ils posent problème au niveau judiciaire ou au niveau éthique.