La structure dont je suis le directeur général depuis août 2020 est, au cœur du service public, chargée de mettre en œuvre les dispositions votées par le Parlement, tout comme les orientations que nous communique le Gouvernement.
J'aimerais vous donner un aperçu des moyens et de l'engagement des agents du service public dans l'application d'une politique exigeante en matière d'intégration des étrangers en France. Cette politique honore notre tradition nationale d'accueil et nous rend fiers d'accomplir notre tâche.
La DGEF, créée voici près de dix ans, est en charge des politiques de l'asile, de la nationalité et de l'immigration. L'efficacité de son modèle vient de l'association de ces trois composantes, au cœur de la politique française à l'égard des étrangers.
La DGEF emploie environ 500 personnes, réparties de manière assez exemplaire sur notre territoire, puisqu'une moitié d'entre elles est basée à Nantes et l'autre dans le vingtième arrondissement de Paris. À notre structure centrale s'ajoute le réseau des préfectures employant près de 3 800 personnes. N'oublions pas non plus les agents de ce qui portait auparavant le nom de directions départementales de la cohésion sociale. Nous pouvons en résumé nous appuyer sur un maillage serré du territoire. Plusieurs établissements publics jouent eux aussi un rôle majeur dans la politique que nous menons :
• l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'instance de premier niveau, qui examine les demandes du statut de réfugié et emploie un millier de personnes ;
• l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), porte d'entrée de nos amis étrangers, qui conduit également leur parcours d'intégration et compte un millier d'agents ;
• la délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés (DIAIR), petite structure agile, mobile et innovante, qui ne dénombre en son sein qu'une trentaine d'employés ;
• et la Cour nationale des demandeurs d'asiles (CNDA), principale juridiction dans le paysage administratif. Nous ne détenons aucune autorité hiérarchique sur la CNDA, qui dépend du conseil d'État. Les 600 personnes qui y travaillent sont pour beaucoup de hauts magistrats.
En tout, plus de 6 000 personnes, au sein de l'appareil d'État, sont mobilisées à plein temps dans la politique relative aux étrangers. Il serait toutefois erroné de considérer l'État comme le seul impliqué. Si je n'ai pas mentionné les collectifs locaux et les associations, acteurs pourtant essentiels de l'intégration des étrangers, c'est simplement faute de chiffres.
Il ne me semble pas exagéré d'affirmer que la France, grâce entre autres aux crédits votés par les parlementaires, compte parmi les pays d'Europe qui consentent aux efforts les plus considérables en faveur des ressortissants étrangers. Ne le perdons pas de vue, car l'argent est parfois le nerf de la guerre.
Le budget de 1,84 milliard d'euros de la DGEF, ajouté aux fonds européens alloués selon un système bureaucratique contraignant et dont le montant oscille entre 70 et 80 millions d'euros selon les années, constitue le noyau dur des crédits. N'oublions pas que la politique d'intégration implique l'appareil d'État tout entier, mais aussi les collectivités locales. Son périmètre s'étend encore lorsqu'on prend en compte les moyens déployés par le système éducatif ou encore au titre de la solidarité et de la santé, autant par l'Assurance maladie qu'à travers l'aide médicale de l'État (AME). Les sommes investies atteignent alors 10 milliards d'euros, même si le document de politique transversale que j'ai consulté n'avance que le chiffre de 6,7 milliards d'euros. Il conviendrait d'expertiser ce point plus précisément. Le chiffre de 10 milliards d'euros me paraît plus proche de la réalité, surtout si l'on tient compte des frais d'hébergement d'urgence, dispositif dont bénéficient beaucoup de ressortissants étrangers. Le ministère du logement est lui aussi un acteur de la politique d'intégration.
Notre pays peut d'après moi se sentir fier de l'effort qu'il mène. Cela n'implique pas que l'efficience du système en place ne puisse pas être améliorée. Toutefois, je ne laisserai pas qualifier d'insuffisant l'effort consenti par la France en matière d'intégration des étrangers. Les contraintes auxquelles cet effort se heurte ne sont pas toujours imputables aux moyens mis en œuvre.
Chaque année, la France délivre leur premier titre de séjour à 275 000 personnes et régularise, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, environ 30 000 étrangers en situation irrégulière. Nous dénombrons environ 110 000 naturalisations par an. Rappelons à ce propos que, par ce biais, le ministère de la justice joue lui aussi un rôle dans la politique d'intégration. La France délivre un titre de séjour à une trentaine de milliers de réfugiés par an, alors qu'ils sont 130 000 à en demander un, soit plus que dans la majorité des pays d'Europe.
Des missions permanentes à travers le monde s'occupent de réinstallations. À titre d'exemple, nous comptons réinstaller 10 000 personnes au Rwanda au cours des deux prochaines années. Une importante opération, qui devrait toucher à son terme dans quelques semaines, porte quant à elle sur des Afghans et mobilise à la fois les opérateurs et les services du ministère. À la relocalisation en cours d'un millier de personnes, au titre de l'accord de La Valette, s'ajoutent enfin des actions ponctuelles en faveur des mineurs, conformément à notre engagement d'en accueillir 500. Les efforts engagés dans les mesures que je viens de citer s'avèrent bien plus significatifs que ne le laisse a priori penser la faiblesse des chiffres correspondants.
Dans le même ordre d'idées, la ministre déléguée a reçu hier des Yézidis, au cours d'une cérémonie assez émouvante. Nous avons accueilli 400 familles de Yézidis. Il reste à œuvrer à l'intégration de ces personnes aux cultures éloignées de la nôtre.
Notre travail consiste, d'une part, à traiter des volumes importants de personnes, ce qui soulève la question des conditions d'accueil dans les préfectures et de la qualité de l'accompagnement. Nous menons aussi, d'autre part, des actions ponctuelles en faveur notamment des mineurs non accompagnés, traumatisés, auxquels nous consacrons beaucoup de temps. Conduire de telles actions en lien étroit avec les départements, auxquels incombe la responsabilité de ces mineurs, n'est pas toujours simple.
La crise liée au Covid a marqué un avant et un après. En tant que responsable de la DGEF, j'avais constaté une dynamique favorable, certes non exempte de fragilités, jusqu'à la pandémie. Celle-ci a conduit à une forme de désarticulation de la politique d'accueil dans les préfectures. Rétablir la fluidité des processus n'est pas aisé. La désarticulation touche aussi les dispositifs de délivrance du statut de réfugié. Les délais dans lesquels sont prononcées les décisions à cet égard ne nous satisfont pas. Nous mobilisons sur ce point toute l'énergie possible à notre échelle, la CNDA ne dépendant pas de nous. La complexité que suppose le fait de mener au plan local des actions en faveur de l'intégration par le logement et l'emploi s'est accrue depuis la crise. Nous devons redynamiser les acteurs de la politique d'intégration. Votre diagnostic sur le parcours des migrants nous servira de baromètre, même si cela nous peine forcément, en tant que fonctionnaire, de constater que la situation n'est pas telle que nous la souhaiterions.