Intervention de Claude d'Harcourt

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 9h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Claude d'Harcourt, directeur général de la direction générale des étrangers en France (DGEF) :

Partons des chiffres. En arrivant à la DGEF, j'ai constaté une volonté affirmée de fournir au public et à la représentation nationale les chiffres nécessaires. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) valide ceux que nous rendons publics sur le site du ministère de l'intérieur et commentons deux fois par an. Nous essayons en outre d'en présenter une palette sans cesse élargie. On ne saurait en effet juger d'une action en l'absence de donnée chiffrée qui la caractérise.

Sur les 66,89 millions d'habitants que compte la France, on dénombre 62,13 millions de Français, de naissance ou par acquisition, dont 2,45 millions sont nés hors de France. Un peu plus de 4 millions de personnes parmi les 4,76 millions d'étrangers vivant en France sont nées hors de France. Sont considérées comme immigrés les 6,49 millions de personnes nées hors de France.

Nous sommes très attentifs et très à l'écoute de la DIAIR, dont le champ d'action dépasse celui du seul ministère de l'intérieur. Nous devons assurer un « traitement de masse », sans donner à ce terme de connotation péjorative. Les demandeurs d'asile, au nombre de 130 000, doivent être dans un premier temps accueillis. Il faut leur délivrer un récépissé, puis leur trouver un hébergement. La difficulté de notre travail vient de ce qu'au-delà du nombre de personnes dont nous devons nous occuper, chaque cas particulier mérite une attention particulière. La bureaucratie n'est pas l'apanage de l'État. Toute organisation sécrète la sienne. Or nous devons lutter contre ces dérives dans notre administration. Nous savons que le parcours d'un étranger en France est semé d'une multitude d'obstacles. La DIAIR, pilotée par Alain Régnier, collègue et ami, m'apparaît comme la structure la mieux à même, par sa réactivité et son agilité, de nous aider à identifier les blocages. Elle assume donc un rôle essentiel.

L'OFII fixe un rendez-vous aux étrangers au début de leur parcours d'intégration, auquel le Président de la République a d'ailleurs donné une formidable impulsion en nous accordant des moyens significatifs. À ce moment-là se pose la question de leur inscription à Pôle emploi. Nous l'étudions en ce moment même par le biais d'une expérimentation visant à faciliter les démarches, de manière à ce qu'elles s'effectuent à terme dans les locaux même de l'OFII. L'ouverture d'un compte en banque fournit un autre exemple de difficultés auxquelles se heurtent les étrangers. La lenteur avec laquelle nous apportons des solutions à ces problèmes concrets m'impatiente parfois moi-même. La DIAIR nous assiste heureusement. Notons que les obstacles surgissent parfois moins de l'application de politiques à l'échelle locale que de questions de principes.

La comparaison avec les autres pays européens a parfois le mérite de nous mettre du baume au cœur, lorsque nos propres impuissances nous agacent, ce que résume d'ailleurs assez bien la formule : « Quand je me regarde, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure. » Mais nous manquons de temps. Animer le réseau des préfectures, qui suivent d'autres priorités, s'avère compliqué. Comment y remédier ? Tourner nos regards vers les pays voisins peut, outre du réconfort, nous apporter de bonnes idées.

Deux modèles s'opposent en Europe. C'est d'ailleurs cette cristallisation des cultures qui constitue la richesse de notre continent. Il est intéressant de passer, dans nos relations, des Britanniques, qui restent nos voisins bien qu'ils aient quitté l'UE, aux Allemands.

Le système allemand se singularise par son caractère extrêmement intégré pour ce qui touche à l'accueil et à la prise en charge des étrangers. En France existent de multiples structures aux compétences et aux budgets propres, qu'il nous revient d'articuler. Prenons l'exemple des demandes d'asile. Une structure du premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) tient lieu à ceux-ci de porte d'entrée dans notre pays. Viennent ensuite le guichet unique de demande d'asile (GUDA), regroupant les services de la préfecture et de l'OFII, puis l'OFPRA et la CNDA. En Allemagne, le BMI (ministère fédéral de l'intérieur) s'occupe des demandeurs d'asile du début à la fin des procédures, ce qui lui garantit une efficacité supérieure à notre système, indépendamment du pilotage de ce dernier. Il revient en l'occurrence, en France, à la direction de l'asile de s'assurer que tous les maillons de la chaîne prennent le relais l'un de l'autre. Nous comptons atteindre en 2022 l'objectif d'un délai de six mois pour traiter les demandes, conformément au souhait du Président de la République.

Le modèle britannique repose exclusivement sur des agences. Leur propension à rejeter leurs responsabilités les unes sur les autres serait inacceptable en France. Un tel système complique en outre certaines négociations. En matière de protection de la frontière maritime franco-britannique, pour prendre un exemple sortant de notre périmètre, les autorités françaises doivent souvent s'adresser à plusieurs interlocuteurs avant de mettre en place une action coordonnée.

À côté de la dimension certes essentielle que revêtent les organisations des différents pays, la force de l'UE réside en ce qu'elle impose des références conventionnelles et juridiques à l'ensemble des États membres, en matière de conditions matérielles d'accueil et de politique de retour.

Nous devons veiller à ne pas nous épuiser sur les questions d'organisation. Les moindres réformes dans ce champ accaparent un temps considérable, sans même parler de la complexité de leur mise en œuvre. La création de la DGEF a permis une réorganisation indispensable, mais je ne suis pas certain qu'il soit possible de progresser encore beaucoup en ce sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.