Mon graphique de tout à l'heure montrait l'importance de l'immigration belge dans l'industrialisation de la France sous le second empire. La Flandre était alors plus pauvre que la Wallonie. Le mépris réservé à ces immigrés flamands, alors objet d'opprobre, nous frappe aujourd'hui. Les historiens ont mis en évidence la capacité de cette époque à racialiser les différences entre populations, y compris des provinces françaises. Au milieu du XIXe siècle étaient identifiées au sein même de notre pays des races méridionale, savoyarde, auvergnate, alsacienne, etc. Les Espagnols ont eux aussi été victimes de stéréotypes négatifs, puis les Polonais en dépit de leur catholicisme, jugé non conforme. Il y a toujours eu des têtes de Turcs. Notre distance culturelle par rapport à l'Afghanistan ou à l'Afrique sub-saharienne nous semble évidente. Une telle distance n'en a pas moins été jadis artificiellement creusée vis-à-vis de nos voisins proches.
Paradoxalement, plus la France accueille d'étrangers d'origine lointaine, plus la part des migrants originaires de nos anciennes colonies augmente, alors même qu'à peu près partout en Europe, les origines migratoires se diversifient. Le vote, par le Parlement, de lois exigeant un niveau de français élevé en préalable à l'intégration renforce la part de nos anciennes colonies francophones dans nos flux d'immigration. Se pose dès lors un problème de conciliation entre la promotion de la francophonie et l'idée qu'il vaudrait mieux accueillir dans notre pays des migrants qualifiés plutôt que des ressortissants de nos anciennes colonies.