Je ne pense pas que les migrants accepteraient de retourner chez eux si l'on opposait un refus à leur demande d'asile sur la rive sud de la Méditerranée.
Chaque fois que j'ai subi des tortures, j'ai souhaité rentrer dans mon pays. Seulement, le retour s'avère encore plus difficile que le départ. Là réside le drame. Une fois en Libye, un migrant ne peut plus faire marche arrière. Celui qui s'y risquerait affronterait un sort pire encore qu'en allant de l'avant.
Des demandeurs d'asile déboutés sur la rive sud de la Méditerranée mettront tout en œuvre pour continuer leur chemin, parce qu'il ne leur reste plus d'espoir que dans la fuite en avant. Certains de ceux qui sont montés avec moi à bord du bateau pneumatique qui prenait l'eau se sentaient fiers de se retrouver là. Ils songeaient : « C'est l'Italie ou la mort. » De toute façon, les Libyens tirent sur ceux qui refusent d'embarquer pour bien montrer aux autres qu'ils ont entrepris un aller simple.
Les centres de migrants en Libye s'occupent-ils véritablement de nous ? Je ne le crois pas. J'y ai vu des personnes revendues. Mon souhait serait de pacifier la Libye, où règne l'enfer sur Terre. La situation n'est pas la même au Maroc. Je ne parviens pas à décrire ce que j'ai subi et que j'ai vu infliger à des femmes et des enfants.
À mon arrivée en France, j'ai d'ailleurs saisi le Président de la République à l'occasion de son discours à Ouagadougou. Il a demandé de l'aide pour combattre ce fléau et a finalement diligenté une enquête. La police m'a entendu, des heures durant, à ce sujet. J'ai appris récemment que les personnes que j'avais dénoncées en Libye ont été mises hors d'état de nuire. Hélas, très vite, d'autres les remplacent. Les Libyens voient dans la crise migratoire un facteur considérable d'enrichissement. Chaque Libyen est poussé à considérer tout Noir comme une manne financière. L'un de mes geôliers sortait chaque soir en voiture « chasser du Noir ».