Bonjour. Merci à tous. Je suis de nationalité ivoirienne, j'ai 27 ans et je suis footballeur. Je vendais des maillots de football en Côte d'Ivoire. En 2015, j'ai eu l'opportunité de jouer avec un club de football en Géorgie. J'ai passé deux saisons dans ce pays, à jouer avec deux clubs différents de niveau de ligue 2.
Ensuite, j'ai eu la possibilité de venir en France. Je suis rentré en France avec un visa touristique de trois mois. J'ai eu la possibilité de faire un essai avec un club de football en Seine-Maritime. Les dirigeants étaient satisfaits de ma prestation. Mon souhait était de continuer ma carrière dans le football dans un pays qui avait déjà remporté la coupe du monde et où les conditions pour progresser étaient les meilleures.
Mon visa expirant en avril 2017, j'en ai informé le club qui était intéressé par moi. Le club a rédigé une attestation qui prouvait son intention de m'engager pour la saison à venir. Je me suis rendu à la préfecture de Seine-Maritime avec ce document. Le guichetier m'a fait comprendre que j'avais absolument besoin d'une autorisation de travail, parce que j'étais rentré avec un visa touristique qui ne me permettait pas de travailler.
De 2017 jusqu'à aujourd'hui quasiment, j'ai couru après un titre de séjour. Le contrat de travail n'a pas eu lieu, parce que j'étais en irrégularité. Le club a aussi eu peur de prendre des risques en engageant une personne en situation irrégulière. J'ai discuté avec les responsables du club qui étaient initialement intéressés pour leur dire que je ne comptais pas nuire à leur image et à leur projet. J'ai accepté de me mettre dans l'ombre.
Je n'étais pas fier d'être dans une situation irrégulière. Je ne suis pas resté inactif. J'ai proposé mes services au club pour encadrer les plus jeunes. Je n'avais pas de diplôme pour le faire. Ils m'indemnisaient à hauteur de 150 euros. Je suis reconnaissant envers toutes les personnes qui m'ont prêté main-forte durant cette période
Le club m'a nommé dirigeant (ce qui n'était pas faisable normalement) parce que je m'investissais pleinement dans la formation des plus jeunes, de toutes les catégories, et parce qu'en tant que footballeur, pour la première fois dans l'histoire du club, j'ai amené l'équipe en tant que capitaine en 32e de coupe de France
J'ai rencontré le sénateur de Seine-Maritime, qui est un proche de l'association et qui était maire de la ville où j'habitais, qui a introduit pour moi une lettre pour la préfecture, en expliquant les conditions dans lesquelles j'étais arrivé en France et toute mon implication sur le territoire.
Il m'est arrivé de m'occuper moralement de certains jeunes que j'ai côtoyés au niveau de la ville et qui avaient pour passion le football.
J'ai pu introduire une demande en préfecture. Elle a été refusée soi-disant parce que le timbre fiscal n'était pas présent sur la demande de titre de séjour. Je ne sais pas pourquoi. J'ai donc patienté une année à attendre une réponse sans savoir que l'étude du dossier avait été refusée en raison de l'absence de timbre. J'ai montré à l'avocate qui m'avait été conseillée par le club le courrier de refus, mais elle n'a pas compris ce qui s'était passé.
Par le travail que j'accomplissais sur le terrain et au niveau éducatif, j'ai eu la possibilité de me déplacer à Cherbourg. Là, je me suis retrouvé avec un autre club (amateur), qui a pris sur lui de m'aider dans les démarches, suite aux bons échos qu'il a eus des présidents de clubs par lesquels j'étais passé (notamment, le Paris Saint-Germain, l'équipe réserve B dont je n'ai pas parlé, où je n'ai pas signé à cause de la situation administrative et parce que je n'avais pas les moyens de m'installer à Saint-Germain-en-Laye).
Dans cette nouvelle procédure, je suis entré en contact avec l'association Itinérance et avec la maison Flora Tristan. Je suis guitariste amateur, j'aime communiquer et j'aime le contact avec les jeunes parce que j'apprends tout autant d'eux qu'eux de moi. Je me porte disponible pour des traductions, car je parle anglais, français et géorgien.
J'ai introduit un nouveau dossier en préfecture. Au bout d'un an, en janvier 2021, je reçois un OQTF qui m'impose de quitter le territoire français avec interdiction de retour, en précisant que je n'ai pas appris le français. J'avais mis dans mon dossier une demande d'autorisation de travail parce que le club était partenaire avec d'autres entreprises et avait trouvé un entretien pour moi pour que je puisse faire quelque chose qui m'aide dans ma procédure. C'est aussi la raison pour laquelle j'avais quitté le club de Seine-Maritime qui était d'un niveau au-dessus de mon club actuel, dans l'espoir que le cumul d'actions positives m'aide à prouver que je suis actif et que depuis le départ, je cherche à régulariser ma situation.
J'ai reçu cet OQTF. Je n'étais pas contre la décision. J'entendais que je méritais d'être là, mais je disais que le mérite partait depuis le départ. Je n'avais pas le droit, dès le moment que mon visa était expiré, de réclamer quoi que ce soit. J'étais bien conscient de cela.
Je cherchais juste à être dans les dispositions pour pouvoir vivre de mon labeur comme tous ceux qui viennent en France.
J'ai eu des possibilités de partir de France. Pourquoi ? Étant footballeur, mes pieds ont parlé sur le terrain et ont résonné dans d'autres pays, sauf que, dès le moment où j'avais été en irrégularité, je ne pouvais plus bouger.
Vous me demanderez peut-être pourquoi je ne suis pas retourné en Côte d'Ivoire. Premièrement, je voulais apporter une qualité de vie meilleure à ma mère. Elle ne me l'a pas demandé. Elle se satisfait largement de ce qu'elle a : femme de ménage, commerçante dans un restaurant à l'air libre, à vendre des sandwiches. À côté, j'avais mon activité de vendeur de maillots de football.
Deuxièmement, je crois que le talent n'a pas de frontière. Je n'avais aucune autre ambition que de vivre de ce que j'aime et d'apporter une qualité de vie meilleure à ceux que j'aime. Tout cela m'a conduit en France, un pays que j'admire. Je ne le dis pas parce que vous êtes face à moi. Depuis que la France a remporté la coupe du monde, je suis encore plus fan.
J'ai donc fait un recours, à la demande de l'avocate proposée par Itinérance. J'ai vécu beaucoup de bonnes choses et de mauvaises choses que je ne souhaite à personne de vivre.
J'ai gain de cause depuis le mois de mai. La préfecture de Saint-Lô est censée me délivrer un titre de séjour avec mention vie privée et familiale parce que j'ai dû passer devant le tribunal administratif de Caen qui m'a écouté avec cinq jurés. Ils m'ont posé des questions, ils m'ont même demandé pourquoi j'avais décidé de quitter un club meilleur avec de meilleures conditions pour un club en dessous, pourquoi on me reprochait de ne pas parler français. J'ai tâché de répondre aux questions qu'ils m'ont posées. Là, j'ai eu gain de cause. Mais j'attends toujours mon titre de séjour.