Intervention de Didier Leschi

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Didier Leschi, directeur général de l'OFII :

Je suis dubitatif sur l'emploi du terme de migrant. Je connais les demandeurs d'asile et les personnes qui ont droit au séjour dans le cadre du regroupement familial. Je rappelle que l'OFII participe de la procédure d'introduction de travailleurs. Entre 30 000 et 35 000 personnes obtiennent chaque année un titre du séjour pour travailler. Chaque année, entre 8 000 et 9 000 personnes viennent de Tunisie, un pays de 11 millions d'habitants, pour travailler en France. Nous avons continué d'accueillir des travailleurs saisonniers dans l'agriculture et des médecins de ce pays durant la crise sanitaire.

Il y a en France moins de places d'accueil que de personnes en demande d'asile mais l'hébergement par l'État ne se limite pas au dispositif national d'accueil. Il est très largement assumé par l'hébergement généraliste géré par le 115.

Il me semble important de sortir d'une forme d'anonymat dans l'hébergement, car il faut savoir très précisément qui est qui dans l'hébergement d'urgence pour objectiver les types de catégories de population qui y sont accueillies. Je regrette en particulier que les associations considèrent que sortir de l'anonymat serait remettre en cause l'hébergement inconditionnel. Cet hébergement inconditionnel peut être respecté sans être anonyme. La France est l'un des seuls pays à considérer que l'hébergement inconditionnel doit être anonyme. Ayant été Préfet en Seine-Saint-Denis durant un certain nombre d'années, je sais qu'un certain nombre d'hôteliers facturent à l'administration des places de lit à un prix très avantageux sans que nous ayons la possibilité de vérifier que les lits sont occupés en l'absence de noms. Un fonctionnaire qui agirait de la sorte connaîtrait des difficultés avec les autorités de contrôle.

La difficulté majeure vient moins de l'ensemble du dispositif que du fait que nous avons une grande difficulté à fairesortir des hébergements dédiés aux demandeurs d'asile, ceux qui obtiennent une protection. Des collectivités locales donnent des leçons à l'État en lui reprochant de ne pas proposer suffisamment d'hébergement, tout en refusant d'orienter vers l'OFII des propositions de logement social qui permettraient d'accompagner des personnes pour leur permettre d'accéder à l'autonomie et à l'emploi. Entre 8 000 et 10 000 réfugiés sont ainsi coincés dans le dispositif national d'accueil. S'ils en sortaient plus rapidement, 10 000 places supplémentaires seraient disponibles pour des demandeurs d'asile. D'autres pays qui ont accueilli bien davantage de demandeurs d'asile imposent aux collectivités locales d'aider l'État dans cet accueil, ce qui peut heurter. Le fait de maintenir auprès d'une partie de la population l'exemple négatif de réfugiés qui n'arrivent pas à se loger est mauvais.

Durant les dernières opérations de logement menées par les associations autour de Paris, un quart des personnes avait déjà le statut de réfugiés. Or ces derniers ne relèvent pas uniquement des compétences de l'État, mais aussi des collectivités locales qui sont pilotes en termes de construction de logements du fait de la décentralisation. L'essentiel des sorties se déroule sur le contingent préfectoral, qui représente le tiers du contingent du logement social. L'autre tiers concerne les collectivités locales. Je rappelle que les offices sont souvent présidés par des élus locaux.

Enfin, il y a selon moi un problème global de répartition de la charge de l'accueil. Nous devons prendre l'exemple sur les pays qui orientent de manière incitative les demandeurs d'asile vers les zones moins tendues. C'est le cas en Allemagne, en Suède, en Suisse, etc. Ces logements sont en partie ou totalement solvabilisés par les prestations sociales. Dans les Länder allemands, le fait de quitter le logement attribué par l'équivalent de Pôle Emploi entraîne la perte des allocations. Les demandeurs doivent rester trois ans dans leur logement à moins de démontrer que le demandeur d'asile a trouvé un emploi ailleurs. 75 % de ceux qui obtiennent une protection et qui passent par l'OFII ont un niveau de formation qui ne dépasse pas le baccalauréat. Ces personnes sont souvent éloignées de la langue française. Il doit être possible d'être plus directif vis-à-vis de ces personnes.

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