La réunion

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La réunion débute à quinze heures.

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Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous concluons aujourd'hui notre cycle d'auditions introductives. Nous entendrons successivement l'Office Français de l'immigration et de l'intégration (OFII), acteur essentiel des problématiques qui nous occupent, puis une table ronde à laquelle participent des associations actives dans l'aide aux migrants, que nous connaissons tous sur nos territoires. Enfin, nous écouterons Monsieur François Gemmene, universitaire spécialiste des questions migratoires.

Les auditions de la semaine prochaine seront consacrées à la question des déterminants du départ et des pays des migrations.

Nous ferons demain notre premier déplacement à Calais, dont vous êtes nombreux à participer, ce dont je me réjouis. D'autres déplacements sont en cours de réflexion. Nous donnerons vite des éléments de ce calendrier. Nous commençons de suite l'audition de l'OFII et de son directeur général, Monsieur Didier Leschi. Je vous demande de prêter serment. Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par les commissions d'enquête de prêter serment et dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je vous invite, Monsieur le Directeur général, Didier Leschi, à prêter serment en disant « je le jure ».

M. Didier Leschi, directeur général de l'OFII prête serment.

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Merci beaucoup. Monsieur Didier Leschi, je vous remercie au nom de toute la commission d'enquête d'être parmi nous pour répondre à nos différentes questions. Celle-ci se rend le 10 juin à Calais où elle rencontrera tous les acteurs impliqués sur le terrain. La situation n'avance parfois pas comme vous le voulez. C'est pour cette raison que nous vous voyons aujourd'hui.

Il est important pour nous d'entendre le directeur général de l'OFII, office que j'ai pratiqué lorsque je suis arrivée en France. Nous attendons des informations sur le fonctionnement de cette institution, les difficultés, les incohérences avec la loi votée et la réalité du terrain. Nous aurons énormément de questions à vous poser.

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

L'OFII est un établissement public sous la tutelle du ministère de l'intérieur qui emploie 400 personnes dans 31 directions territoriales. Il est représenté à l'étranger. L'OFII poursuit quatre missions essentielles, l'accueil de l'immigration régulière, essentiellement composée du regroupement familial et de l'immigration de travail, pour laquelle nous organisons des cours de français jusqu'à 600 heures, dans le cadre du contrat d'intégration républicaine (CIR). 100 000 personnes par an participent à ce contrat d'intégration républicaine. Les formations civiques ont augmenté dans le prolongement du rapport d'un de vos collègues, Aurélien Taché, en suivant ses recommandations.

La seconde mission de l'OFII concerne la délivrance des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. L'OFII prend en charge les demandeurs d'asile durant l'instruction de leur dossier, par le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile. L'OFII gère le parc national d'accueil des demandeurs d'asile, c'est-à-dire les structures CADA. Le parc des CADA a doublé en cinq ans pour passer de plus de 43 000 places en 2015 à 105 000 places aujourd'hui, en fonction de l'évolution des besoins et de la demande d'asile qui a été particulièrement prégnante dans notre pays.

L'OFII favorise l'aide au retour volontaire pour les personnes en situation irrégulière, déboutées de l'asile pour une partie d'entre elles. Un pécule est délivré à ces personnes. Cette somme est à la fois incitative, et contient une aide à la réinsertion qui doit permettre de se stabiliser dans les pays du retour.

Enfin, l'OFII est en charge du dispositif pour les étrangers malades ou du titre de séjour pour soin. Nous rendons compte de cette activité au Parlement dans une grande transparence. Le dispositif permet à toute personne pour laquelle le soin n'est pas effectivement accessible la possibilité de délivrer ce titre après examen par quatre médecins de l'OFII. Plus de 30 000 personnes bénéficient du titre de séjour pour soin. Le dernier rapport sur ce sujet a été remis il y a quelques mois au Parlement.

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Merci beaucoup pour ces premiers propos. Je souhaite poser des questions qui permettront peut-être de mieux comprendre certaines de vos missions. Tout d'abord, pouvez-vous présenter un bilan des données de l'ADA ? Avez-vous dressé un bilan de la performance de l'utilisation de la nouvelle carte de paiement et de la problématique du cash back ? Cette question est très pratique.

La commission attend également des informations sur le nombre de refus et de retraits de CMA, et sur les conditions matérielles d'accueil, notamment pour les personnes « dublinées ». Nous avons très régulièrement des informations émanant d'avocats très interrogateurs quant à l'application du droit. Pouvez-vous nous apporter des éléments sur cette question ?

Enfin, je me pose une question sur le dispositif national d'accueil ou DNA. L'OFII envoie chaque mois aux Préfets un tableur qui recense les places d'hébergement disponibles. Pouvez-vous nous dire quel est le rapport entre les engagements nationaux et les faits : combien nous sommes censés proposer de places, et combien de places d'accueil effectives sont disponibles sur la base du recensement des demandeurs d'asile dans chaque région ?

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

La dépense de l'allocation destinée aux demandeurs d'asile est votée par le Parlement. Elle s'est établie à 500 millions d'euros par an ces dernières années. La commission des finances a établi un bilan de l'utilisation de l'ADA. Un barème paru au Journal officiel présente une aide qui varie selon la composition familiale.

En ce qui concerne la carte d'allocation des demandeurs d'asile, vous m'interrogez sur l'évolution la possibilité qui consisterait à pouvoir retirer du liquide avec cette carte. Nous n'avons pas de remontée particulière sur la carte comme moyen direct de paiement. La crise sanitaire a considérablement amplifié l'utilisation de la carte de paiement par rapport à l'usage du liquide. La transformation de la carte de retrait en carte de paiement visait à limiter les détournements de l'allocation. Un problème de détournement de l'allocation avait en effet été constaté par des groupes pour envoyer de l'argent à l'extérieur. Une filière ukrainienne a récemment détourné 1 million d'euros d'ADA, mais le fonctionnement de la carte est globalement satisfaisant. Les difficultés sont très rares. Nous avons plus de consommation de l'ensemble de la somme versée en allocation à travers la carte de paiement que nous n'en avions à travers la carte de retrait, et c'est un signe objectivé d'une utilisation qui est satisfaisante de la carte comme moyen de paiement direct.

En ce qui concerne le refus des conditions matérielles d'accueil, une personne « dublinée », ayant déposé une demande dans un autre pays, ou comme de nombreux Afghans ayant été débouté dans un autre pays, peut s'inscrire dans un guichet unique. Dès lors, l'OFII leur verse l'allocation pour les demandeurs d'asile et leur propose un hébergement en fonction de leur vulnérabilité. Le retrait des conditions matérielles d'accueil est très encadré. Il est lié au fait que la personne ne répond pas aux exigences de l'asile, c'est-à-dire qu'elle ne se présente pas lorsqu'un rendez-vous lui est signifié pour être réacheminée vers un pays responsable de sa demande d'asile. Nous préparons un rapport annuel qui comprendra de nouveau des informations très précises cette année, après la validation de ces informations par le Conseil d'Administration de l'OFII.

Le retrait de Dublin est un dispositif très encadré, et les avocats mènent de nombreux recours auprès du tribunal administratif afin que les droits soient rétablis. Je connais bien cette procédure, car j'ai été en charge durant cinq ans de l'aide juridictionnelle au ministère de la justice, et je connais les demandes des avocats pour des personnes demandeurs d'asile en difficulté avec l'administration.

L'OFII gère le parc national d'accueil des demandeurs d'asile. Il est composé d'une part stable de 80 000 à 85 000 places auxquelles s'ajoutent les 8 000 places de centres provisoires d'hébergement (CPH) destinées aux personnes qui obtiennent la protection mais qui ne parviennent pas à entrer en logement, et les places d'hôtel. Le taux d'occupation du parc qui compte 105 000 places financées s'établit à 95 %. Il diminue étant donné que le parc se compose en partie de logements familiaux et qu'il est difficile de les attribuer à des personnes isolées.

Le parc de l'OFII a doublé en cinq ans. Il est important de le souligner. Je sais que des critiques disent que le parc n'est pas suffisant, mais si nous appliquions ce doublement à l'ensemble du logement social, certains territoires de ce pays seraient moins en difficulté du point de vue de l'accès global au droit au logement.

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Merci beaucoup pour ces réponses précises à nos questions.

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Vous parlez de droit au logement, un sujet qui nous intéresse beaucoup. Le parc a augmenté en quelques années pour s'établir à 105 000 places, ce qui est très important. Je souhaite insister sur quatre points. Combien de migrants sommes-nous en mesure d'accueillir avec nos moyens actuels ? A quelles difficultés êtes-vous confrontés ? Mon collègue a raison. Nous sommes une commission d'enquête. C'est le moment de parler de ces difficultés.

Quel conseil donneriez-vous pour aider le législateur à améliorer les conditions d'accueil dans notre territoire ?

Enfin, j'aurais besoin de connaître votre expertise sur les pays où des pratiques vous semblent meilleures pour améliorer l'accueil.

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Je suis dubitatif sur l'emploi du terme de migrant. Je connais les demandeurs d'asile et les personnes qui ont droit au séjour dans le cadre du regroupement familial. Je rappelle que l'OFII participe de la procédure d'introduction de travailleurs. Entre 30 000 et 35 000 personnes obtiennent chaque année un titre du séjour pour travailler. Chaque année, entre 8 000 et 9 000 personnes viennent de Tunisie, un pays de 11 millions d'habitants, pour travailler en France. Nous avons continué d'accueillir des travailleurs saisonniers dans l'agriculture et des médecins de ce pays durant la crise sanitaire.

Il y a en France moins de places d'accueil que de personnes en demande d'asile mais l'hébergement par l'État ne se limite pas au dispositif national d'accueil. Il est très largement assumé par l'hébergement généraliste géré par le 115.

Il me semble important de sortir d'une forme d'anonymat dans l'hébergement, car il faut savoir très précisément qui est qui dans l'hébergement d'urgence pour objectiver les types de catégories de population qui y sont accueillies. Je regrette en particulier que les associations considèrent que sortir de l'anonymat serait remettre en cause l'hébergement inconditionnel. Cet hébergement inconditionnel peut être respecté sans être anonyme. La France est l'un des seuls pays à considérer que l'hébergement inconditionnel doit être anonyme. Ayant été Préfet en Seine-Saint-Denis durant un certain nombre d'années, je sais qu'un certain nombre d'hôteliers facturent à l'administration des places de lit à un prix très avantageux sans que nous ayons la possibilité de vérifier que les lits sont occupés en l'absence de noms. Un fonctionnaire qui agirait de la sorte connaîtrait des difficultés avec les autorités de contrôle.

La difficulté majeure vient moins de l'ensemble du dispositif que du fait que nous avons une grande difficulté à fairesortir des hébergements dédiés aux demandeurs d'asile, ceux qui obtiennent une protection. Des collectivités locales donnent des leçons à l'État en lui reprochant de ne pas proposer suffisamment d'hébergement, tout en refusant d'orienter vers l'OFII des propositions de logement social qui permettraient d'accompagner des personnes pour leur permettre d'accéder à l'autonomie et à l'emploi. Entre 8 000 et 10 000 réfugiés sont ainsi coincés dans le dispositif national d'accueil. S'ils en sortaient plus rapidement, 10 000 places supplémentaires seraient disponibles pour des demandeurs d'asile. D'autres pays qui ont accueilli bien davantage de demandeurs d'asile imposent aux collectivités locales d'aider l'État dans cet accueil, ce qui peut heurter. Le fait de maintenir auprès d'une partie de la population l'exemple négatif de réfugiés qui n'arrivent pas à se loger est mauvais.

Durant les dernières opérations de logement menées par les associations autour de Paris, un quart des personnes avait déjà le statut de réfugiés. Or ces derniers ne relèvent pas uniquement des compétences de l'État, mais aussi des collectivités locales qui sont pilotes en termes de construction de logements du fait de la décentralisation. L'essentiel des sorties se déroule sur le contingent préfectoral, qui représente le tiers du contingent du logement social. L'autre tiers concerne les collectivités locales. Je rappelle que les offices sont souvent présidés par des élus locaux.

Enfin, il y a selon moi un problème global de répartition de la charge de l'accueil. Nous devons prendre l'exemple sur les pays qui orientent de manière incitative les demandeurs d'asile vers les zones moins tendues. C'est le cas en Allemagne, en Suède, en Suisse, etc. Ces logements sont en partie ou totalement solvabilisés par les prestations sociales. Dans les Länder allemands, le fait de quitter le logement attribué par l'équivalent de Pôle Emploi entraîne la perte des allocations. Les demandeurs doivent rester trois ans dans leur logement à moins de démontrer que le demandeur d'asile a trouvé un emploi ailleurs. 75 % de ceux qui obtiennent une protection et qui passent par l'OFII ont un niveau de formation qui ne dépasse pas le baccalauréat. Ces personnes sont souvent éloignées de la langue française. Il doit être possible d'être plus directif vis-à-vis de ces personnes.

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Merci beaucoup pour votre réponse. Nous allons rencontrer les collectivités locales pour comprendre cet aspect. Y voyez-vous un manque de volonté politique, des aspects matériels concrets qui se posent aux collectivités locales ou des problèmes de financement ?

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Il y a selon moi une part d'hypocrisie très nette. Du fait que nous ne parvenons pas à résoudre cette question du logement pour la population, nous évitons de la prendre à bras le corps et nous nous tournons vers l'État. Par ailleurs, les collectivités les plus allantes sont celles où le nombre d'immigrés a fortement diminué. Durant les années 80, 30 % de la population parisienne était d'origine immigrée (née étrangère à l'étranger) contre 20 % aujourd'hui. Les arrondissements de l'accueil des premières migrations à Paris, de première étape vers l'intégration, sont devenus des quartiers gentrifiés, d'où sont chassées les populations immigrées vers la Seine-Saint-Denis où le taux de concentration de l'immigration constitue un frein à l'intégration et aux dynamiques positives.

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Merci pour ces remarques. Pouvez-vous présenter un bilan du contrat d'intégration républicaine ? Voyez-vous des évolutions qu'il faudrait tenter de mener ?

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Je pense que nous devrions davantage lier la question du niveau de langue à celle du renouvellement du titre de séjour. Il doit y avoir un enjeu à être assidu et investi dans l'apprentissage de la langue. L'absence d'enjeu constitue selon moi un frein à l'effort d'apprentissage pour une partie de ceux qui malheureusement nous posent le plus de problèmes. De nouveau, les exemples étrangers devraient nous inspirer. Les pays étrangers sont beaucoup plus exigeants, ce qui les rend plus attentifs aux questions d'intégration. En France, l'intégration est totalement gratuite et sans enjeu, sauf pour l'obtention de la nationalité française, pour laquelle les conditions sont plus fortes. Par exemple, nous ne pouvons pas nous contenter de donner un titre pluriannuel à une personne assidue uniquement à 80 % des cours.

En outre, je regrette que dans le cadre de l'évolution du contrat d'accueil d'intégration en contrat d'intégration républicaine, on ait supprimé la possibilité de commencer les cours de français dans les pays d'origine. Cette décision a fragilisé un public de femmes qui arrivant en France dans le cadre du regroupement familial sont aspirées par les contraintes domestiques, genrées, et ont moins de temps et d'effort à consacrer à l'apprentissage de la langue. Les cours de langue dans les alliances françaises étaient très positives pour ces institutions et pour ces personnes. L'étude Trajectoire et origine de l'INSEE révèle que la Turquie est la seule immigration dans laquelle les jeunes filles ont des résultats inférieurs à ceux des garçons, ce qui constitue un signe de difficulté d'intégration. Auparavant, ces femmes commençaient les cours à l'alliance française en Turquie, ce qui constituait une base favorable pour suivre des cours en France. Ce sujet devrait être remis à l'ordre du jour. Un certain nombre de pays le font, même de manière dématérialisée. L'absence d'attention à la langue nous a peut-être handicapé sur le plan de l'intégration. Nous n'y avons pas été assez attentifs lorsque le patronat avait des emplois à proposer et où la question de la langue était secondaire.

Une part de notre immigration aujourd'hui ne vient pas de zones historiquement francophones, mais du sous-continent indien, d'Afghanistan, du Soudan, etc. Nous ne sommes pas suffisamment attentifs à ces questions de langue. Ce peut être un regret personnel. Nous passons plus de temps dans un certain nombre d'enceintes à discuter de l'apprentissage des langues régionales que d'aide des immigrés à apprendre la langue française.

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Vous évoquez les freins de certaines collectivités locales à l'accueil. Des expériences d'accueil de demandeurs d'asile se font de plus en plus dans les milieux ruraux. Comment jugez-vous la manière dont l'accueil se réalise en milieu rural ? Cet accueil est-il parfois plus complexe à cause de l'éloignement des structures administratives ? Cette distance est-elle ou non problématique ? Comment la situation pourrait-elle s'améliorer ?

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Monsieur Sébastien Nadot a évoqué la carte fournie aux demandeurs d'asile et la question du retrait en espèces. Vous n'avez selon moi pas évoqué la perspective technique d'une partie du retrait en espèces par cet outil, moyennant une adaptation du marché passé avec le prestataire. Pouvez-vous indiquer ce qu'il est possible de faire en réponse aux pratiques des usagers qui ont besoin d'espèces ?

J'ai beaucoup travaillé sur l'intégration professionnelle des demandeurs d'asile, notamment avec Jean-Noël Barrot, et l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile. La loi de 2018 a modifié les règles d'autorisation de travail en réduisant à six mois après le dépôt conforme d'une demande d'asile la possibilité de travailler en France. Or je constate que ce critère est peu intégré par nos administrations. Avez-vous constaté des évolutions ou non à la suite de cette loi ?

Nous parlons souvent de parcours d'obstacle pour les personnes migrantes qui souffrent d'obstacles successifs en venant dans nos pays. Quel constat faites-vous de la manière dont se déroule l'accompagnement via l'OFII ? Quelles difficultés cernez-vous dans ces parcours ? Quelles actions vous efforcez-vous de mettre en place afin de résoudre cette difficulté ?

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Sur quelle base, vous basez-vous pour comparer la situation des migrants à celle des langues régionales ? Il faut se rendre sur le terroir pour comprendre le sujet et les raisons pour lesquelles nous y consacrons du temps.

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Je parle d'heures de débat parlementaire, qui est un critère objectif.

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Nous en reparlerons. L'OFII a investi des moyens pour favoriser des retours volontaires. Où en est la dynamique des retours volontaires depuis 2018 ? La loi sur les migrations a été amendée pour permettre à l'OFII d'être opérateur du retour du sud vers le sud. Ce dispositif a-t-il été mis en place ? Si oui, de quelle façon et avec quels résultats ? Ce sujet alimente le dialogue entre l'OIM et l'OFII.

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Monsieur Leschi, vous avez exprimé le fait que sortir de l'anonymat dans l'hébergement d'urgence n'était pas remettre en cause cet hébergement inconditionnel et regretté les crispations des associations quant à la levée de l'anonymat. Est-ce une spécificité française ? Y a-t-il un modèle étranger où cette question ne se pose pas ? Qu'est-ce que cette levée d'anonymat permettrait à l'OFII ? Vous avez rappelé le lien évident entre la concentration de l'immigration et l'intégration. Avez-vous connaissance d'expériences de communes rurales qui accueillent un certain nombre d'immigrés avec des expériences réussies qui pourraient être étudiées de plus près par la commission d'enquête ?

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

En ce qui concerne les collectivités rurales, deux catégories de personnes peuvent être accueillies dans les collectivités locales, les demandeurs d'asile et les personnes orientées vers du logement disponible. D'une manière générale, les parcours d'intégration me semblent plus faciles dans les villes moyennes et les collectivités où il existe un sentiment moindre d'anonymat, en particulier lorsqu'il s'agit de familles. Nous parlons de demandeurs d'asile et de réfugiés. Le parcours d'intégration est plus facile pour les familles de réfugiés. La présence d'enfants et la socialisation par l'école joue à la fois pour les enfants et pour les parents.

Au bout de 5 à 6 ans d'expérience, je considère que notre pays est globalement accueillant. Il n'y a quasiment pas d'incidents autour des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile, alors qu'il y a eu des drames de foyers de migrants incendiés dans les années 70, avec notamment des « ratonnades » à Marseille. Ces événements ont disparu. Dans les zones rurales, je constate souvent une ingéniosité de ceux qui s'installent, et dont la situation administrative est stabilisée, pour répondre aux besoins en créant leur activité.

Les difficultés liées à la distance sont indéniables en milieu rural. Il faudrait revoir, et c'est à la main du Gouvernement et des parlementaires, la question de la répartition des directions territoriales de l'OFII. Nous avons été collectivement victimes d'une situation paradoxale. Lors de l'augmentation de la demande d'asile, le Gouvernement a demandé à l'OFII de fermer des bureaux dans les départements. Or, l'accompagnement des demandeurs d'asile du mieux possible est basé sur la proximité. Je plaide pour être autorisé à ouvrir de nouvelles directions territoriales de l'OFII pour être au plus près des demandeurs d'asile.

Nous devons travailler davantage avec les collectivités locales, les conseils régionaux en charge des programmes de formation, les collectivités rurales, etc. Je plaide pour que les personnes ne restent pas dans les grands centres urbains, mais aillent dans les villes moyennes où il y a des besoins indéniables de main d'œuvre. Cela est particulièrement vrai dans l'ouest de la France, en Mayenne ou en Vendée, où le chômage était très bas avant la crise sanitaire, et où les demandeurs d'asile ont été très bien intégrés.

En ce qui concerne la carte ADA, je ne suis pas favorable à la possibilité de retirer des espèces. Il y a eu de nombreuses appréhensions lors du lancement de cette carte, mais ce n'est plus le cas. J'habite dans le 18e arrondissement de Paris, dans une zone qui compte un grand nombre d'immigrés. Ma boulangère ne veut à présent être payée que par carte par peur du virus alors qu'elle refusait tout paiement par carte avant la crise sanitaire. Le passage du numérique au retrait d'espèce demanderait un développement informatique de plusieurs mois. L'État ne peut pas faire crédit. Je ne perçois pas l'utilité du retour aux espèces. Les sommes disponibles sur la carte sont globalement dépensées. Par ailleurs, des Länder allemands donnent des bons alimentaires, aucun argent liquide, et la situation se passe bien. Il y a une fixation en France sur l'argent liquide qui m'interroge en comparaison de l'expérience d'autres pays.

En ce qui concerne le « parcours d'obstacle », l'OFII est utilisé comme un couteau suisse par tout le monde : il doit être le meilleur en matière de détection de vulnérabilité, dans l'accompagnement du besoin de formation professionnelle, dans l'accompagnement vers le logement, etc. Ce sont des métiers spécifiques. Je pense que l'orientation professionnelle est une qualification. Il y a un effort à faire du côté des administrations en charge de l'accompagnement professionnel de la population pour mener des politiques plus différenciées, ce qui permettrait d'objectiver les parcours d'intégration vers l'emploi. Je n'ai pas connaissance des statistiques de Pôle Emploi, nous revoyons les personnes en fin de CIR. On constate que les demandeurs d'asile ne sont globalement pas en emploi, alors qu'ils l'étaient avant la crise sanitaire dans des secteurs précis comme la restauration et le bâtiment. La restauration reprendra mais l'accompagnement professionnel relève de l'administration en charge de l'accompagnement professionnel de l'ensemble de la population.

Le parcours d'obstacles des demandeurs d'asile est connu. Il concerne essentiellement l'accès aux droits sociaux, qui passe par les CAF. Du fait du retard dans l'établissement de l'état civil des personnes, les parlementaires ont demandé à l'OFII d'établir un certificat pour que les demandeurs d'asile puissent s'inscrire dans les CAF. La CAF n'est pas une administration de l'État et le fonctionnement de toutes les CAF n'est pas unifié. Il faut travailler afin qu'il y ait une prise en compte de ce public spécifique des personnes protégées. L'accès à l'emploi des demandeurs d'asile au bout de six mois est principalement freiné par la langue, surtout dans un pays où les emplois peu qualifiés ont quasiment disparu. Les usines automobiles sont généralement dans les pays d'où viennent de nombreux immigrés.

Notre attention doit se focaliser davantage sur ceux auxquels nous avons accordé la protection. Si nous ne parvenons pas à montrer que les personnes qui ont obtenu une protection peuvent s'insérer dans le marché du travail, accéder au logement et s'intégrer, la situation ne s'améliorera pas. Je rappelle que les trois quarts des demandeurs d'asile n'obtiennent pas une protection. Les Géorgiens et les Albanais sont en situation de travail, mais certains n'obtiennent pas le titre de demandeur d'asile. Pourquoi un titre de séjour peut-il être refusé à ces personnes si tant est qu'il y ait du travail ? Dans un certain nombre de quartiers et de villes, le chômage est élevé au sein de la population française. Des jeunes mériteraient d'être mieux formés pour répondre aux besoins du marché de l'emploi. Ils peuvent se retrouver dans des emplois non qualifiés en concurrence avec des personnes acceptant des conditions de rémunération inférieures à ce que ces personnes nées en France sont capables d'accepter.

D'une manière générale, je considère que nous portons peu d'attention au fait que dans certaines régions, la langue vernaculaire restera la langue française. C'est peut-être mes origines, multiples, qui me font tenir ce propos.

8 781 retours volontaires ont eu lieu en 2019. Nous sommes victimes de l'arrêt des transports du fait de la crise sanitaire. 4 519 retours volontaires ont eu lieu en 2020, et jusqu'à 10 000 retours volontaires en 2018. Nous poursuivons nos efforts. Le développement des coopérations européennes est fondamental pour utiliser les compétences de l'OFII, par des accords avec l'Allemagne, le Danemark, la Finlande et le Luxembourg pour la mise à disposition de notre savoir-faire avec le Cameroun, le Maroc, le Sénégal, etc. La France peut faire valoir une compétence particulière dans l'aide au retour et à la réinsertion dans le cadre de la directive retour.

Nous avons mis en place une unité retour « sud sud » à partir de la Tunisie, mais ce dispositif a été freiné par la crise. Nous devrions promouvoir davantage le retour « sud sud » auprès des instances européennes. Dès lors que notre compétence est reconnue par les principaux pays d'accueil de la demande d'asile dans le cadre de conventions bilatérales, nous devrions proposer un système d'aide aux pays qui éprouvent des difficultés. Je discuterai prochainement avec les Italiens qui éprouvent des difficultés à organiser le retour volontaire. Cette compétence reconnue n'est pas suffisamment valorisée au niveau européen alors qu'elle constituerait un atout, notamment pour l'Italie qui ne sait pas faire de retour volontaire avec de la réinsertion.

En ce qui concerne l'anonymat, nous sommes l'un des rares pays à proposer de l'hébergement inconditionnel et anonyme quelle que soit la situation des personnes. Dans de nombreux pays, sans titre de séjour, vous n'êtes pas hébergé de cette manière, sans limite. Je ne remets pas en cause le droit à l'hébergement, mais la levée de l'anonymat permettrait d'objectiver la situation sociale réelle des personnes.

Il existe trois catégories de personnes. Certaines ne parviennent pas à accéder au logement. Elles peuvent être orientées vers le logement pour tous.

D'autres personnes sont en France depuis longtemps. Je plaide pour l'évolution administrative de la situation d'une dame qui a eu un enfant en France, et se trouve dans un hôtel depuis plus de dix ans. La seule solution consiste à régulariser sa situation.

Enfin, il faut assumer que des personnes relèvent de la reconduite dans le pays d'origine. Un dialogue de sourd est engagé pour ces personnes. Il faut se demander s'il est légitime ou non de reconduire des personnes auxquelles le titre de séjour a été refusé en France. L'hébergement d'urgence inconditionnel anonyme correspond à l'idée que celui qui est ici n'a pas à en partir, ce qui constitue le cœur d'une forme de non-dit. Je pense qu'il faut dire les choses très clairement. Il existe trois catégories de demandeurs d'asile, et une catégorie relèvera de la reconduite forcée.

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Merci Monsieur Leschi pour vos réponses. En ce qui concerne l'accès à l'emploi et l'intégration professionnelle des demandeurs d'emploi et des réfugiés, je me permets de rebondir, car votre positionnement me questionne. Votre logique consiste à dire : concentrons-nous sur les Français demandeurs d'emploi et les personnes régularisées. Nous risquons avec cette position de ne jamais envisager le recrutement de demandeurs d'asile alors que sur le terrain, nous constatons une multiplicité de facteurs et de contextes. Il m'arrive très souvent d'avoir des employeurs qui déposent une offre d'emploi durant plusieurs mois et ne trouvent pas de candidat auprès de Pôle Emploi qui s'est pourtant beaucoup réformée, notamment dans mon territoire. Le taux d'emploi y est très élevé et il est difficile d'y recruter.

Je regrette que nous nous empêchions de proposer ces emplois vacants à des demandeurs d'asile. L'accès à l'emploi peut être un argument supplémentaire pour accéder à un titre de séjour. Je suis en désaccord avec votre vision sur ce point, Monsieur Leschi. Il ne faut pas être trop fermé comme le sont souvent les administrations. Nous avons partout sur le territoire besoin de collaborateurs dans les entreprises, d'ouvriers et d'autres métiers.

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Marielle de Sarnez a passé beaucoup de temps à évoquer l'internationalisation du débat sur les migrations. Je suis interpellée par cette vision, comme Stella Dupont. J'essaie de pousser au bout votre réflexion. De nombreuses personnes autour de cette table pensent qu'il faut tenir la porte, quelle que soit la personne qui se présente pour demander l'asile. Nous sommes des représentants du peuple, chacun joue son rôle. La vision « Les Français d'abord, les immigrés ensuite » me chagrine.

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Je n'ai pas tenu ce propos, Madame la Députée. Ce n'est pas du tout mon vocabulaire. Ce n'est pas du tout ce que je pense.

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Il y a évidemment un problème de logement et de chômage en France. Ce problème chronique est très ancien. J'attends un éclairage de votre part sur ce point.

J'ai entendu votre discours et j'apprécie la qualité de votre intervention et de votre travail. Je remercie les équipes de l'OFII pour le travail accompli. Les missions que vous prenez en charge sont extraordinaires. Vous soutenez que vous ne pouvez pas tout faire. Le travail de la commission d'enquête consiste à étudier ce qui ne fonctionne pas. Je ne vous demande pas de critiquer l'État ou qui que ce soit. Vous avez livré quelques pistes d'amélioration, dont je vous remercie. Le travail avec les collectivités territoriales est très important. Vous insistez sur le rural. La difficulté de l'intégration aura lieu plus ou moins dans les grands centres urbains. Je prends toutes vos propositions en termes d'axe d'amélioration, mais nous pouvons ne pas partager votre vision.

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J'invite Monsieur Leschi à apporter des éléments de réponse ou rectificatifs en guise de conclusion, en réponse aux députées Dupont et Krimi, puis nous terminerons cette audition.

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Didier Leschi, directeur général de l'OFII

L'orientation professionnelle est un métier. Les agents de l'OFII ne sont pas formés pour cela et ils n'ont pas été recrutés pour cela. La prise en charge des personnes réfugiés et des immigrations nécessite que l'ensemble des administrations se spécialise dès lors que ce sujet est une priorité. Aucune administration ne peut être généraliste.

Nous sommes la première étape. Nous orientons les personnes du mieux possible. Ensuite, chaque immigration a besoin d'une prise en charge spécifique. Les immigrations doivent être considérées au pluriel. La migration soulève des problèmes différents en fonction du pays d'origine. Des pays qui sont depuis longtemps déstructurés du point de vue du système scolaire amènent des personnes qu'il est beaucoup plus difficile de prendre en charge. Il faut en tenir compte. Les personnes qualifiées éprouvent moins de difficultés pour trouver des débouchés.

La fermeture des concours pose parfois problème en médecine, et nous avons continué de faire venir des médecins du Maghreb durant la crise sanitaire. Le numerus clausus a empêché durant de nombreuses années de jeunes Français de devenir médecins alors qu'en 2019, plus de 4 000 médecins algériens ont demandé à venir en France alors même que ce pays a besoin de médecins et de médecine de proximité.

Les emplois non pourvus pour lesquels une partie du patronat demande de manière insistante des demandeurs d'asile sont les mêmes emplois sur lesquels le patronat ne s'interroge pas sur les raisons pour lesquelles il éprouve des difficultés à recruter : rémunération, pénibilité au travail, etc. À défaut de mener cette réflexion, nous utiliserons de la main d'œuvre qui acceptera des conditions dégradées de travail que d'autres refuseront. Je sais que des jeunes refusent des emplois, car ils considéreront que le niveau de rémunération n'est pas suffisant. Ce problème politique de cohésion sociale dépasse largement l'administration. J'ai un point de vue sur ce sujet en tant que citoyen, alors que je n'en ai pas en tant que fonctionnaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour ces propos francs, précis et très appréciables qui nous permettent de chercher plus avant une meilleure articulation entre les services de l'état et les collectivités locales. Vous ouvrez une piste de travail très sérieuse et très difficile. Je vous remercie.

Permalien
Didier Leschi, directeur général de l'OFII

Je vous renvoie si vous le souhaitez à mes publications, car j'ai beaucoup écrit sur ces sujets.

La réunion se termine à seize heures dix.