J'aimerais poser une question délicate, à contre-courant de toutes mes prises de position habituelles. Chacun ici pourra confirmer que je suis une militante des droits humains. J'estime avoir des convictions humanistes. Cependant, quand on parle de droits, ne devrait-on pas parler aussi de devoirs ? Si je pose cette question, c'est d'abord pour tenir compte de l'opinion publique, qui est aujourd'hui divisée. Elle ne soutient pas toujours les actions que nous menons en faveur de l'intégration des réfugiés, dans le respect de nos engagements internationaux, et nous renvoie souvent la question des devoirs. J'entends cette réaction, que nous devons prendre en compte. Il s'agit également d'une question philosophique, car le contrat social qui nous permet de vivre ensemble est fondé sur un ensemble de droits et de devoirs.
Prenons des cas très concrets. Après avoir épuisé toutes les voies de recours, une personne peut faire l'objet d'une OQTF et être reconduite à la frontière. Je me souviens d'images épouvantables : alors que je me rendais au Mali, un réfugié présent au fond de l'avion ne voulait pas se laisser faire et hurlait pendant tout le vol. La situation était pénible pour les passagers, pour lui-même et pour les agents de la force publique qui l'accompagnaient. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce jeune homme qui avait épuisé toutes les procédures. De même, je connais bien l'Albanie, un pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne – je suis d'ailleurs présidente du groupe d'amitié France-Albanie. Les Albanais faisant l'objet d'une OQTF ont le devoir de s'y soumettre.
J'aimerais donc vous entendre sur cette question, même si je me doute un peu de la réponse que vous m'apporterez. D'un point de vue tant philosophique que pratique, comment faire en sorte que les personnes migrantes voient leurs droits respectés, mais qu'elles respectent également leurs devoirs ?