Je vais essayer de répondre autrement. Nous ne sommes pas des ennemis du droit : nous sommes d'ailleurs majoritairement des juristes. Mais nous nous battons pour modifier des lois quand nous considérons qu'elles sont injustes. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre toute décision d'expulsion : dans le cas du responsable rwandais que vous avez évoqué, nous ne nous opposerions pas à une expulsion.
La première chose que nous souhaitons, c'est que tout se fasse sous le contrôle d'un juge. Or, dans le système actuel, on passe de plus en plus du judiciaire à l'administratif. Et quand on voit le pouvoir de l'administration se renforcer, on est un peu inquiet. Nous estimons que c'est le juge qui devrait statuer, et qu'il devrait pouvoir le faire dans de bonnes conditions. De nombreuses décisions sont prises en visioconférence : ce n'est pas forcément la meilleure façon de faire respecter les lois. Les avocats, qui sont souvent désignés d'office, ont par ailleurs du mal à s'entretenir avec leur client. Nous ne sommes pas contre le droit mais je répète que le droit et les droits, ce n'est pas la même chose. Nous sommes pour le respect du droit, à condition qu'il soit conforme aux conventions internationales – pour reprendre l'intitulé de votre commission d'enquête. Or ce que l'on constate, notamment en matière d'expulsion, c'est que le droit international est de moins en moins respecté. Quand on instaure la notion de « pays sûr » et que l'on va jusqu'à renvoyer des Afghans vers l'Afghanistan, au motif qu'il existe des zones sûres dans ce pays, il y a de quoi s'inquiéter.
En réalité, je ne comprends pas vraiment comment vous essayez d'articuler la question du respect des droits, notamment des droits fondamentaux, à celle de l'expulsion. Si j'ai du mal à vous répondre, c'est aussi parce que, pour moi, ce sont des choses différentes.