La Turquie joue un rôle important dans ce que l'on appelle la crise migratoire en Europe. Celle-ci comprend quatre fronts.
Le premier front se situe au Maroc. Il s'y joue une guerre hybride dans laquelle les migrants sont utilisés comme des armes.
Le second front concerne le passage par les autres pays du Maghreb, et notamment la Libye. Ce passage est très dur car les hommes et les femmes qui l'empruntent sont violés trois à quatre fois. Cela est important à prendre en considération lorsqu'il s'agit d'aborder leur arrivée en Europe.
La troisième entrée a été empruntée par des centaines de milliers de réfugiés syriens arrivés sur les côtes européennes, principalement en Grèce, en 2015. Cet afflux massif et rapide a bouleversé la politique d'asile de l'Union européenne et a suscité de nombreuses réactions. À l'époque, la majorité des pays européens a refusé l'accueil digne. Ils ont préféré payer 6 milliards d'euros plutôt que d'accueillir les migrants. En faisant cela, nous avons envoyé un message à Erdogan et nous avons montré que nous étions faibles face à la Turquie. Je pense que nous sommes face à une dictature hybride. Cette dictature turque fonctionnant par la force ne comprend que la force. Je considère donc que nous avons commis une faute à l'époque car nous avons montré notre faiblesse face à un dictateur. Bien sûr, les paroles sont faciles et je comprends que la pratique sur le terrain est complexe.
Enfin, le dernier front s'est ouvert au nord en Biélorussie. Lors de notre rencontre avec les autorités polonaises et lituaniennes et avec l'opposition biélorusse, nous avons clairement constaté que le président biélorusse poursuivait le chantage fait par Erdogan. Depuis quelques semaines, il achemine des avions de migrants avec des visas touristes depuis Istanbul ou Baghdad jusqu'à la frontière avec des pays membres de l'Union européenne (Lituanie, Pologne). Les autorités biélorusses connaissent le règlement de Dublin et ils en tirent largement profit.
Je voudrais vous entendre sur la coopération gréco-turque en mer Égée, ainsi que sur le panorama de la gestion des frontières turques avec l'Iran, l'Irak et la Syrie.
Quelles relations entretenez-vous avec l'État turc aujourd'hui ? Comment cet État se comporte-t-il avec l'ambassade de France ? Je pose cette question car j'ai vu leur comportement évoluer ces quatre dernières années à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).