Intervention de Filippo Furri

Réunion du jeudi 1er juillet 2021 à 11h10
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Filippo Furri, anthropologue, membre de Migreurop :

Absolument. Il s'agit à la fois de la visibilité et de la capacité d'action et de projection de ces personnes en migration.

En Méditerranée s'exerce un contrôle par invisibilisation : l'on refuse aux ONG et à la société civile un droit de regard sur la situation en mer et aux frontières. Le fait d'avoir délégué le refoulement aux garde-côtes libyens crée une énorme opacité. Aujourd'hui, la situation a dégénéré et nous ne savons pas quel sort est réservé aux corps récupérés par les garde-côtes libyens, ce qui soulève une question à la fois politique et éthique. Il est estimé qu'environ 25 % des corps des disparus ont été récupérés – 75 % des corps restent disparus. L'évolution des politiques européennes en Méditerranée pose véritablement une question humanitaire.

J'ai récemment assisté à une conférence à Palerme en Sicile. Les maires de 33 villes portuaires européennes ont signé un protocole d'entente et de collaboration visant à positionner leurs villes comme villes accueillantes. Le principal message du maire de Palerme est qu'il faut donner de la visibilité à ces personnes. Quand ces personnes sont marginalisées et disparaissent de l'espace public et politique, elles deviennent victimes d'exploitation. La visibilisation est nécessaire pour faire émerger tout un tas de questions. Un objectif politique important est de faire exister ces personnes dans les sphères du travail et de la vie juridique.

Il est nécessaire de repenser la cohabitation entre les gens qui viennent d'ici (les autochtones en anthropologie) et les gens qui viennent d'ailleurs. Ces nouvelles formes de cohabitation se fonderaient sur la résidence, c'est-à-dire le fait d'habiter et d'investir un lieu. Le fait de marginaliser les personnes étrangères et de les exclure de la vie politique va à l'encontre à la fois des fondements des démocraties européennes et d'une vision stratégique à long terme de la cohabitation.

L'ANVITA regroupe plusieurs villes qui essaient de trouver des solutions locales d'accueil, et notamment de garantir l'accès au droit et aux services pour tous. Lorsqu'en Italie Matteo Salvini avait modifié les conditions d'accueil et d'inscription des demandeurs d'asile à l'état civil, plusieurs villes du pays (tous bords politiques confondus) se sont mobilisées pour refuser cette réforme. Elles ont jugé qu'il n'était ni éthique et ni intelligent de produire de l'irrégularité. La clandestinisation est de nature à déstabiliser la gestion locale. Le fait de sortir du dispositif des personnes qui étaient intégrées dans des parcours d'accueil produit de l'insécurité et impacte aussi bien les conditions de vie de ces personnes que celles des citoyens de ces villes. Il est très important de réfléchir à la cohabitation.

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