Intervention de Thierry Couvert-Leroy

Réunion du mercredi 7 juillet 2021 à 17h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Thierry Couvert-Leroy, délégué national enfants & familles / lutte contre les exclusions à la Croix-Rouge française :

En tant que délégué national, j'interviens à la fois sur le volet enfants et familles et sur la lutte contre les exclusions, par des dispositifs et grâce aux établissements mis en place pour ces publics en particulier. Nous sommes gestionnaires de dispositifs dédiés aux demandeurs d'asile, qu'il s'agisse de dispositifs de premier accueil comme des centres d'hébergement pour demandeurs d'asile (CADA) ou de plateformes d'accompagnement. Nous sommes aussi l'un des acteurs des maraudes et des Samu sociaux. Nous sommes également gestionnaires de dispositifs pour mineurs non accompagnés. Le réseau de la Croix-Rouge comprend aussi des accueils santé sociale à travers des unités locales qui maillent tout le territoire, y compris dans les outre-mer.

Je souhaite rappeler que l'organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme un état complet physique, mental et social. S'agissant de la santé des migrants, l'enjeu est bien de pouvoir aborder l'ensemble de ces trois champs. La diversité des troubles est souvent le reflet des parcours migratoires.

S'agissant de la santé des primo-arrivants, nous remarquons les effets délétères de se retrouver sans domicile fixe pour les migrants. Ils développent alors, de manière assez classique, les maladies de la grande précarité : la gale, les dermatoses, les viroses et d'autres maladies. Des cas de varicelle avaient été observés à Calais du temps où l'on pouvait observer plus sereinement la situation des exilés.

Pour aborder la santé des migrants, il faut savoir ce qu'ils ont vécu avant de partir, par exemple les violences physiques ou psychiques qu'ils ont fuies. Se pose donc aujourd'hui une problématique spécifique : quelle réponse apportons-nous à la prise en charge des migrants en matière de santé mentale ? L'on retrouve chez eux une prévalence élevée de phénomènes qui relèvent du stress post-traumatique et de la dépression, qui sont parfois liés à des problèmes d'isolement social ou de perte d'identité. La prise en charge du psychotrauma de l'exil nous paraît toujours insuffisante. Nous avons mis en place des dispositifs sur fonds propres pour pouvoir répondre à ces problématiques dans nos dispositifs financés dans le cadre de politiques publiques. À titre personnel, j'ai été surpris du peu d'argent qu'il fallait pour permettre une première prise en charge. Nous avons ainsi mobilisé 300 euros par personne pour commencer la prise en charge de la santé psychologique. Cela ne m'apparaît pas être un surcoût pour notre nation.

Certains points reviennent sans cesse de la part de mes collègues: l'impact des représentations des migrants, la barrière de la langue et la difficulté d'avoir accès à des interprétariats. Les associations interviennent très souvent pour assurer la médiation en santé. Il convient de s'interroger sur comment la généraliser. Mes collègues relèvent également une extrême dégradation de l'accès au droit commun. Cela doit nous inquiéter. Je ne reviens pas sur la question du renoncement aux soins – il est particulièrement élevé et questionne aussi bien la santé individuelle que la santé publique. Mon équipe me remonte également l'instruction du ministre de la santé du 8 juin 2018 qui prévoit la mise en place d'un parcours de santé pour les primo-arrivants. Cette instruction de 2018 est reprise pour 2021-2023 – je vous laisse apprécier le temps de mise en application de cette expérimentation prévue dans trois territoires. Nous voulons bien sûr saluer cette initiative, mais vous reconnaîtrez qu'il est difficile de construire cette politique d'accès aux soins.

Je reviendrai brièvement sur les délais de carence. Lorsque l'on ne permet pas l'accès aux soins, l'on invite à renoncer aux soins. Nous nous rendons donc la situation plus difficile quand il s'agit de retravailler le lien de confiance et de ramener les personnes vers le soin.

Je reprendrais l'une des questions que vous m'avez adressées : « Quelle est votre analyse des différents dispositifs, aides et prestations mis en place (AME, Puma, CSS, PASS, EMPP, DSUV, etc.) ? » En lisant cette question, je souhaite montrer que la situation n'est pas évidente pour les professionnels. Nous avons besoin d'être accompagnés dans la compréhension des différents dispositifs de soin. N'importe quelle personne dans la rue, migrante ou non migrante, ne comprendrait rien à ces acronymes. L'ensemble des dispositifs rend le système illisible pour les personnes arrivant sur notre territoire et explique également certainement en partie le renoncement aux soins.

Pour conclure, nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles nous n'arrivons que si peu à nous mobiliser en prévention. Il faut vraiment collectivement que nous arrivions à lutter contre ce découragement et ce renoncement. Je dresserai un parallèle avec la question de la vaccination contre la Covid-19. La question de l'accès à la vaccination gratuite a été réglée rapidement par le gouvernement ; mais nous nous retrouvons quand même face à des limites et des problèmes, et nous devons travailler pour permettre aux personnes d'y accéder.

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