Intervention de Grégory Verdugo

Réunion du mercredi 21 juillet 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Grégory Verdugo, professeur des universités à l'université d'Evry :

Je vous remercie tout d'abord de m'avoir invité à participer à vos travaux. L'économie du travail s'intéresse depuis quelque temps aux déterminants de l'intégration et de l'assimilation économiques des immigrés, et mon intervention reprend des éléments que j'ai publiés en 2019.

D'après les chiffres à notre disposition, l'intégration économique des immigrés est un véritable défi dans tous les pays européens. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui sont d'origine non européenne et qui représentent la majorité des flux migratoires. Si les immigrés économiques ont un écart de taux d'emploi par rapport aux natifs, il est nettement plus important pour les réfugiés. Des statistiques datant des années 2010 montrent un écart dans la probabilité d'être employé de 15 points en défaveur des immigrés économiques et de 30 points s'agissant des réfugiés. Pour ces deux populations, la décision d'immigration reflète des conditions fondamentalement différentes. Ainsi, les immigrés économiques sont « sélectionnés positivement » par rapport aux autres habitants de leur pays de départ et ils sont a priori plus en capacité de réussir dans le pays dans lequel ils se rendent. Ils disposent notamment d'un capital humain plus transportable et de temps pour préparer leur émigration (ce qui peut leur permettre d'apprendre la langue du pays de destination). Pour les réfugiés, l'émigration se fait la plupart du temps beaucoup plus dans l'urgence et, bien souvent, ils ne maîtrisent pas la langue du pays de destination avant de partir.

Les immigrés économiques et les réfugiés ont aussi des horizons temporels potentiellement différents. Pour les premiers, l'immigration de retour est assez fréquente après quelques années passées. S'ils ont cette perspective, ils ne vont pas forcément investir beaucoup au niveau linguistique et professionnel. Pour les seconds, l'incertitude est nettement plus forte quant à la probabilité d'un retour et à son échéance éventuelle. En ce sens, des études américaines ont démontré que si les réfugiés rencontraient plus de difficultés au départ sur le marché du travail, ils rattrapaient progressivement les immigrés économiques sur le plan de l'intégration.

Partant de ces constats, la question est de savoir quelles politiques peuvent être mises en place pour favoriser l'intégration des réfugiés et des immigrés sur le marché du travail. Ce type de politiques est très rentable en termes d'analyse coûts-bénéfices. C'est notamment le cas des formations linguistiques. Ces constats sont confirmés dans la plupart des pays. Une étude finlandaise a par exemple montré une hausse du salaire cumulé sur dix ans de 47 % suite à une simple formation linguistique.

L'incertitude sur la possibilité de rester dans le pays de destination a une incidence négative. Une étude suisse a mis en évidence que les réfugiés ayant plus d'un an ou plus de deux ans avant d'obtenir une réponse positive à leur demande de statut ont eu moins de chance d'être employés. Les auteurs de l'étude ont suggéré que l'incertitude les avait découragés de tisser des liens avec leur pays d'accueil.

La localisation des immigrés est cruciale pour leur intégration économique, et il ressort qu'ils ont tendance à se concentrer dans des zones marquées par un dynamisme économique important. Les réseaux de solidarité nationale jouent évidemment un rôle dans l'intégration des immigrés et des réfugiés, dans le sens où ils peuvent aider à leur installation. Les politiques ayant vocation à disperser l'impact de l'immigration en diminuant la pression sur les grandes métropoles peuvent quant à elle avoir un effet assez mitigé en matière d'intégration économique. Il convient aussi de remarquer que dans les pays d'Europe continentale, une grande majorité des immigrés d'origine non européenne vivent dans des logements sociaux et sont largement concentrés dans la partie la plus défavorable du parc HLM (ce qui est évidemment à mettre en lien avec une moindre intégration économique).

Je conclurai mon intervention en rappelant que l'intégration économique des réfugiés est plus difficile que pour les immigrés économiques car ils sont moins préparés. Les formations – notamment linguistiques – ont une grande efficacité pour améliorer l'accès à l'emploi pour ces populations, de même que les politiques ayant pour effet de réduire l'incertitude quant à la possibilité de rester sur le territoire national.

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