La réunion

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La réunion débute à quinze heures.

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Nous nous retrouvons cet après-midi pour une série d'auditions consacrées à l'accès au travail des migrants. La semaine dernière, notre déplacement à Rome et Lampedusa fut particulièrement intense et instructif s'agissant des modalités d'accès aux droits des migrants. Ce matin, nous avons visité un squat à Aubervilliers, ce qui nous a permis de rencontrer des membres du collectif Schaeffer.

Nous accueillons tout d'abord MM. Grégory Verdugo et M. Hillel Rapoport. Messieurs, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

MM. Grégory Verdugo et Hillel Rapoport prêtent serment.

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Je vous souhaite la bienvenue. Dans cette commission, nous considérons que les chercheurs doivent avoir une place de plus en plus importante dans la construction des politiques publiques.

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Grégory Verdugo, professeur des universités à l'université d'Evry

Je vous remercie tout d'abord de m'avoir invité à participer à vos travaux. L'économie du travail s'intéresse depuis quelque temps aux déterminants de l'intégration et de l'assimilation économiques des immigrés, et mon intervention reprend des éléments que j'ai publiés en 2019.

D'après les chiffres à notre disposition, l'intégration économique des immigrés est un véritable défi dans tous les pays européens. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui sont d'origine non européenne et qui représentent la majorité des flux migratoires. Si les immigrés économiques ont un écart de taux d'emploi par rapport aux natifs, il est nettement plus important pour les réfugiés. Des statistiques datant des années 2010 montrent un écart dans la probabilité d'être employé de 15 points en défaveur des immigrés économiques et de 30 points s'agissant des réfugiés. Pour ces deux populations, la décision d'immigration reflète des conditions fondamentalement différentes. Ainsi, les immigrés économiques sont « sélectionnés positivement » par rapport aux autres habitants de leur pays de départ et ils sont a priori plus en capacité de réussir dans le pays dans lequel ils se rendent. Ils disposent notamment d'un capital humain plus transportable et de temps pour préparer leur émigration (ce qui peut leur permettre d'apprendre la langue du pays de destination). Pour les réfugiés, l'émigration se fait la plupart du temps beaucoup plus dans l'urgence et, bien souvent, ils ne maîtrisent pas la langue du pays de destination avant de partir.

Les immigrés économiques et les réfugiés ont aussi des horizons temporels potentiellement différents. Pour les premiers, l'immigration de retour est assez fréquente après quelques années passées. S'ils ont cette perspective, ils ne vont pas forcément investir beaucoup au niveau linguistique et professionnel. Pour les seconds, l'incertitude est nettement plus forte quant à la probabilité d'un retour et à son échéance éventuelle. En ce sens, des études américaines ont démontré que si les réfugiés rencontraient plus de difficultés au départ sur le marché du travail, ils rattrapaient progressivement les immigrés économiques sur le plan de l'intégration.

Partant de ces constats, la question est de savoir quelles politiques peuvent être mises en place pour favoriser l'intégration des réfugiés et des immigrés sur le marché du travail. Ce type de politiques est très rentable en termes d'analyse coûts-bénéfices. C'est notamment le cas des formations linguistiques. Ces constats sont confirmés dans la plupart des pays. Une étude finlandaise a par exemple montré une hausse du salaire cumulé sur dix ans de 47 % suite à une simple formation linguistique.

L'incertitude sur la possibilité de rester dans le pays de destination a une incidence négative. Une étude suisse a mis en évidence que les réfugiés ayant plus d'un an ou plus de deux ans avant d'obtenir une réponse positive à leur demande de statut ont eu moins de chance d'être employés. Les auteurs de l'étude ont suggéré que l'incertitude les avait découragés de tisser des liens avec leur pays d'accueil.

La localisation des immigrés est cruciale pour leur intégration économique, et il ressort qu'ils ont tendance à se concentrer dans des zones marquées par un dynamisme économique important. Les réseaux de solidarité nationale jouent évidemment un rôle dans l'intégration des immigrés et des réfugiés, dans le sens où ils peuvent aider à leur installation. Les politiques ayant vocation à disperser l'impact de l'immigration en diminuant la pression sur les grandes métropoles peuvent quant à elle avoir un effet assez mitigé en matière d'intégration économique. Il convient aussi de remarquer que dans les pays d'Europe continentale, une grande majorité des immigrés d'origine non européenne vivent dans des logements sociaux et sont largement concentrés dans la partie la plus défavorable du parc HLM (ce qui est évidemment à mettre en lien avec une moindre intégration économique).

Je conclurai mon intervention en rappelant que l'intégration économique des réfugiés est plus difficile que pour les immigrés économiques car ils sont moins préparés. Les formations – notamment linguistiques – ont une grande efficacité pour améliorer l'accès à l'emploi pour ces populations, de même que les politiques ayant pour effet de réduire l'incertitude quant à la possibilité de rester sur le territoire national.

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Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Je vais commencer par compléter le propos de mon collègue sur les politiques d'intégration des réfugiés. De nombreuses études ont montré que le fait de disperser les réfugiés de manière aléatoire – que ce soit entre pays ou sur les territoires nationaux – n'était pas très judicieux. Au contraire, l'appariement entre un réfugié ou une famille de réfugiés et un lieu d'accueil – du point de vue du logement, des infrastructures scolaires ou des perspectives professionnelles – joue très positivement dans leur intégration. Une étude menée sur la base de données américaines et suisses indiquait que les techniques de machine learning pouvaient être mises en œuvre pour tirer des enseignements des cohortes passées pour simuler différentes méthodes d'allocation pour les cohortes actuelles, avec des perspectives d'emploi à deux ans presque doublées pour les réfugiés en procédant de cette manière. C'est donc très clairement une piste à privilégier.

Les obstacles à l'intégration professionnelle des réfugiés sont principalement de trois ordres : la langue, la reconnaissance des aptitudes professionnelles et des diplômes de ces personnes (les programmes existant en la matière n'étant pas généralisés), et les discriminations (qui sont assez importantes vis-à-vis de ces individus). S'agissant des formations linguistiques, nous souffrons en France d'un manque d'évaluation. À titre d'exemple, une formation linguistique avait été mise en place en 2016 dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, et elle a été réformée – au moment du passage au CIR (contrat d'intégration républicaine) – avant même qu'une évaluation soit menée à son sujet. De manière générale, les évaluations réalisées par les ministères ou le comité interministériel à l'intégration le sont trop souvent ex post et pas forcément sur la base des standards académiques (puisqu'elles sont le plus souvent confiées à des cabinets de consulting).

Je suis d'accord avec Mme la rapporteure sur le fait que les chercheurs ne sont pas suffisamment impliqués dans les réflexions et les évaluations des politiques publiques d'intégration des réfugiés. Par rapport aux questions posées en amont de cette audition, je répondrais qu'il existe un certain nombre de programmes ou de micro-programmes lancés par des ministères en lien ou non avec des associations mais qu'ils relèvent de mon point de vue plus de l'affichage. De plus, les leçons qui pourraient en être tirées en vue d'une éventuelle généralisation sont très limitées, notamment parce que le sujet de la sélection dans ces programmes n'est pas suffisamment traité. Si par exemple un programme de tutoring est lancé sur la base du volontariat, il se peut que les participants soient les plus employables. Je renouvelle mon message sur la nécessité de procéder à des évaluations sérieuses des politiques et programmes mis en œuvre, même si je ne doute pas que les membres de la commission en soient déjà convaincus. Parmi les universitaires français, il existe des ressources telles que des économistes et des sociologues qui ont beaucoup contribué à la réflexion sur la réforme et la conception des politiques d'intégration, sans suffisamment être entendus.

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Comme je l'ai déjà souligné, je suis convaincue que les chercheurs ne sont pas suffisamment impliqués dans la définition des politiques publiques. Je vous rejoins également sur le fait que les évaluations de celles-ci manquent. L'exemple que vous avez pris concernant le contrat d'accueil et d'intégration, et sa transformation en contrat d'intégration républicaine est très parlant, et je retiens de votre propos l'éparpillement qui peut exister en matière de politiques entre les ministères ou les différentes administrations.

L'immigration étant structurelle, il semble nécessaire d'y apporter des réponses avec des politiques publiques claires plutôt que de continuer à la gérer comme un phénomène qui serait conjoncturel (avec possiblement des changements d'orientations à chaque élection).

Je souhaiterais savoir si vous considérez que les demandeurs d'asile devraient pouvoir travailler dès leur arrivée sur le sol français (par exemple sur des métiers en tension). Sachant – M. Verdugo – que vous avez réalisé des recherches au niveau européen, des comparaisons peuvent-elles être effectuées par rapport à nos voisins et des bonnes pratiques seraient-elles à mettre en avant, en plus des propositions que M. Rapoport a déjà commencé à formuler. Je termine en vous demandant votre avis sur un éventuel développement du parrainage citoyen pour les réfugiés apatrides ou bénéficiant d'une protection.

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Grégory Verdugo, professeur des universités à l'université d'Evry

Au sujet de votre question sur le travail des demandeurs d'asile, les données montrent une augmentation nette des salaires et du taux d'emploi dans les premières années suivant l'arrivée dans le pays d'accueil. Nous pouvons en déduire que plus un demandeur d'asile arrive à travailler tôt, et plus son intégration sur le marché du travail a des chances d'être durable et rapide. À l'inverse, un retard dans leur entrée sur le marché du travail ne peut avoir que des effets négatifs, en plus de les décourager d'investir dans le développement d'un capital humain spécifique au pays de destination.

Au sujet des politiques européennes qui pourraient être vues comme des bonnes pratiques, je ne me suis pas penché sur les éventuelles évolutions récentes en matière de législation.

Enfin, le développement du parrainage citoyen semble être une initiative très intéressante par les liens qu'elle peut permettre de tisser entre les demandeurs d'asile et leur pays d'accueil, tout en les faisant sortir des réseaux de solidarité nationale (qui peuvent être assez modestes ou concentrés dans certains secteurs géographiques). Ce parrainage citoyen paraît donc en mesure de permettre aux demandeurs d'asile qui en bénéficieraient d'accéder à des métiers vers lesquels ils n'auraient peut-être pas été aiguillés autrement, alors qu'énormément d'emplois se trouvent grâce à un réseau social formel ou informel. L'idéal serait évidemment de pouvoir évaluer l'efficacité de ce type de politiques au regard de leur coût.

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Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Sur les deux questions posées, les résultats de recherche sont assez clairs. Les résultats d'une étude – publiés en mai 2021 dans The Journal of the European Economic Association – montrent que le fait pour des réfugiés d'être soumis à une interdiction de travailler dans les mois suivant leur arrivée réduit leurs perspectives d'emploi à un horizon de deux ans, de 15 % (par rapport à ceux qui en ont la possibilité pendant ce qui peut être appelé leur « période de probation »). De même, une étude finlandaise fait état de bénéfices assez nets dans l'intégration de personnes ayant bénéficié d'un dispositif de parrainage, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif. Les procédures d'évaluation étaient basées sur l'assignation aléatoire d'un tuteur à des réfugiés (et non sur des caractéristiques particulières de ces derniers).

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Merci pour ces présentations qui m'ont éclairée sur des notions que je méconnaissais, à l'instar de la sélection positive des personnes migrantes. Vous avez parlé – M. Rapoport – des obstacles à l'insertion professionnelle, et je voulais effectivement témoigner des problèmes qui peuvent se poser dans le domaine des formations linguistiques. La trop grande hétérogénéité de niveau et de besoin existant dans les groupes constitués pour les formations obligatoires mises en œuvre par l'OFII n'est pas propice à la progression des personnes migrantes. Par rapport à la reconnaissance des aptitudes professionnelles, les attestations de capacités ou de compétences peuvent être valorisantes pour des personnes qui n'ont pas ou peu été scolarisées dans leur pays d'origine.

En matière d'intégration professionnelle des personnes migrantes, j'ai pu faire des constats très surprenants. Je citerai l'exemple d'une personne qui n'avait pas été retenue pour des activités de rangement de caddies sur des parkings de supermarché sous prétexte qu'elle ne maîtrisait pas la langue et qu'elle ne pouvait donc a priori pas prendre connaissance des consignes de sécurité au poste.

Concernant l'appariement, je souhaiterais que vous nous expliquiez plus avant comment il peut être accepté et mis en œuvre concrètement.

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Je retiens des propos tenus lors de cette audition que l'accueil et l'intégration des personnes migrantes doivent se faire le plus tôt possible, avec entre autres la mise en œuvre de formations adaptées. Dans le cadre de la première intervention, M. Verdugo a fait état d'une facilité d'intégration accrue dans les bassins d'emplois les plus denses, avec l'idée que les phénomènes de déconcentration rendaient potentiellement les emplois proposés moins attractifs et donc l'accueil des personnes migrantes plus difficile. Or, une répartition plus équilibrée est prônée en France depuis quelques années, avec des accueils qui se développent dans des milieux ruraux. Malgré les bémols dont vous avez fait part, existe-t-il selon vous des facteurs qui seraient favorables à l'insertion des personnes migrantes dans ce type de territoires.

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M. Verdugo, vous avez fait une distinction très claire entre les immigrés économiques et les réfugiés et j'en ai été assez surprise. Officiant comme famille d'accueil depuis six ans, je n'ai en effet jamais rencontré cette distinction.

Concernant les difficultés de reconnaissance des diplômes, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'un phénomène assez spécifique à la France, à la Grèce, à la Roumanie et à la Hongrie. D'autres pays sont plus ouverts sur le sujet et j'aimerais savoir ce que vous percevez comme des freins dans ce domaine en France, et s'ils ont trait à des aspects culturels ou aux politiques publiques mises en œuvre.

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Grégory Verdugo, professeur des universités à l'université d'Evry

Nous sommes – avec mon équipe – en train de mener une étude sur la répartition des immigrés sur le territoire national. Lorsqu'ils sortent des grands bassins d'emplois les plus dynamiques, ils peuvent bénéficier de meilleures conditions de logement (en particulier dans le cas de familles nombreuses). Ils ont cependant une plus grande probabilité de ne pas être employés ou de décrocher un emploi de moins bonne qualité. Nous sommes là face à un compromis qu'une partie de la population française peut aussi faire, avec d'une part des zones très dynamiques économiquement où le logement est rare et cher et d'autre part des zones moins dynamiques économiquement où le logement est abondant et plus abordable. Dans les grandes métropoles assez dynamiques, les emplois créés au cours des dernières années sont peut-être plus difficiles d'accès pour les immigrés que pour les natifs. En corollaire, certaines villes sont marquées par une abondance de logements et par une population en décroissance. Si des zones rurales peuvent tout à fait être dynamiques économiquement, l'insertion professionnelle y est encore plus difficile pour les immigrés que pour les natifs lorsque ce n'est pas le cas.

La distinction entre réfugiés et immigrés économiques est d'abord légale, les premiers étant demandeurs d'asile et cherchant à faire reconnaître que leur décision d'émigration est liée à ce statut. En pratique, cette distinction n'est pas claire et il est souvent question d'immigration mixte. En effet, les décisions d'émigration peuvent tenir tant à des considérations économiques qu'à des situations de réfugiés ou de demandeurs d'asile (ceux-ci cherchant à fuir des troubles ou des persécutions dans leur pays d'origine). Aussi, un immigré économique « pur » – si vous me permettez l'expression – vient d'un pays où sa sécurité n'est pas menacée. Pour les réfugiés, la décision d'émigration prend potentiellement en compte les différents facteurs mentionnés, et le choix du pays de destination ne se fait pas de manière neutre car ils cherchent à obtenir de meilleures conditions de vie. Les facteurs économiques peuvent venir s'ajouter à des considérations plus spécifiques aux demandeurs d'asile.

La reconnaissance des diplômes peut effectivement constituer une barrière, plus particulièrement lorsque ceux-ci sont requis pour exercer les activités en question. En France comme dans d'autres pays, un certain corporatisme dans des professions régulées peut jouer. Dans d'autres domaines d'activités, la reconnaissance des diplômes peut avoir moins d'importance – du moins à long terme – lorsqu'il est possible de prouver ses compétences ou ses connaissances, mais elle peut bien entendu accélérer l'intégration professionnelle des personnes concernées.

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Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Je me permets de revenir sur le sujet des formations linguistiques. Leur importance centrale est largement admise, d'autant plus que les immigrés accueillis en France sont pour l'essentiel des immigrés de droit (c'est-à-dire qu'ils arrivent du fait d'un statut juridique qui relève du droit d'asile ou du droit de la famille pour ce qui est des regroupements familiaux). Comme l'a souligné mon collègue, ce type de migration peut répondre à une urgence humanitaire ou familiale, avec la plupart du temps une préparation inexistante ou limitée. Au contraire, l'immigration économique est généralement anticipée et préparée. Nous le voyons bien dans les pays anglo-saxons où les candidats à l'immigration constituent des dossiers et savent que des points leur sont attribués en fonction de leur niveau de maîtrise de la langue. En France, l'apprentissage de la langue se fait en revanche plutôt après l'arrivée dans le pays car les personnes viennent majoritairement pour des questions juridiques. C'est là un motif d'explication important par rapport aux différentiels d'intégration économique des immigrés entre la France et d'autres pays.

Au sujet de l'appariement, je prendrai l'exemple de la Suisse. Le Gouvernement y est fédéral et les réfugiés demandent le droit d'asile au niveau national. L'allocation des réfugiés se fait par le Gouvernement fédéral par cantons de manière aléatoire et sur la base de quotas d'accueil (tenant compte de leur population et de leur contribution économique). Par conséquent, les vœux et les caractéristiques des réfugiés ne sont pas pris en compte. Si la logique juridique de ce mode d'allocation peut s'entendre, il est très inefficace du point de vue des perspectives d'intégration. La prise en compte de la maîtrise d'une des langues parlées en Suisse pourrait s'entendre mais elle n'est pas appliquée, ce qui fait que certaines personnes peuvent quitter le canton où elles ont été allouées pour se rendre – de manière illégale donc – dans un autre dont ils parlent la langue. Au-delà du sujet de la langue, l'âge, la profession, la structure familiale font partie des caractéristiques qui pourraient servir à l'appariement des réfugiés de manière à participer à l'optimisation de la réussite des politiques d'intégration. D'après les premières simulations mises en œuvre en Suisse et aux Etats-Unis par des chercheurs, le potentiel de l'appariement est considérable.

L'allocation des réfugiés dans des zones rurales potentiellement dépeuplées peut avoir des bénéfices à moyen terme pour les territoires en question, par le maintien d'écoles ou de commerces entre autres. Il existe des exemples de réussites en la matière (qui corroborent la théorie du contact), mais je n'ai pas connaissance de recherches avec un caractère systématique qui aient été menées. Il serait utile de commissionner ou d'encourager une réflexion sur l'étude de cas concrets d'implantation de réfugiés dans des zones rurales.

S'agissant de la reconnaissance des diplômes, je n'ai pas d'expertise particulière à faire valoir ni de propositions, mais il s'agit d'un sujet très important.

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Un accord-cadre en direction de l'insertion professionnelle des étrangers primo-arrivants a été conclu le 1er mars 2021 entre le ministère de l'Intérieur, l'OFII, l'APEC, Cadremploi, Pôle Emploi et l'Union nationale des missions locales. Je souhaitais savoir si vous aviez eu l'occasion de travailler sur le sujet ou si vous avez prévu de vous pencher dessus. Comme vous et la rapporteure l'avez mis en avant, nous avons trop tendance à lancer des nouveaux dispositifs avant d'avoir évalué la qualité et la pertinence des précédents.

Je voulais aussi avoir votre éclairage sur les mineurs non accompagnés qui alors qu'ils s'inscrivent dans un parcours d'apprentissage peuvent faire l'objet d'une injonction à quitter le territoire après leur majorité.

Sachant que vous êtes tous les deux professeurs d'université, qu'en est-il de l'accès à l'emploi des étudiants étrangers auxquels vous pouvez être amenés à enseigner ?

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J'ajouterai pour ma part une question plus générale : quid de l'organisation de l'immigration avant et après 2007 ? Il s'agit pour rappel de l'année de la création du ministère de l'Immigration, qui avait repris des prérogatives des ministères des Affaires étrangères et des Affaires sociales. Depuis cette époque, les prérogatives relatives à l'immigration sont de la responsabilité du ministère de l'Intérieur. Je souhaiterais avoir votre point de vue sur cette évolution, étant entendu que nous avons parlé de sujets d'accès au logement, à l'emploi et à la formation au cours de cette audition.

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Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Je ne connais pas les détails de l'accord-cadre dont il est question, mais mon expérience passée ne me porte pas à l'optimisme sur le sujet. Pour avoir participé à un comité d'évaluation mis en place dans le cadre du comité interministériel à l'intégration, j'ai trouvé – en tant qu'universitaire – qu'il ne s'agissait pas à proprement parler d'évaluation.

Sur les mineurs non accompagnés, je n'ai pas d'expertise particulière. Une expérience générale à propos de l'immigration montre l'importance de prévoir, de planifier et de réaliser des investissements en capital humain spécifiques via l'acquisition de la langue ou de certaines compétences. L'incertitude quant au fait de pouvoir rester dans le pays nuit évidemment à ces investissements. Cela étant, je n'ai pas de compétences du point de vue juridique pour indiquer ce qui pourrait être mis en œuvre pour améliorer la situation des mineurs non accompagnés.

Je vous remercie de votre question sur nos étudiants étrangers. Sur un plan strictement économique, le fait d'avoir des personnes compétentes et qualifiées est positif. Dès lors, tout ce qui facilite leur arrivée et leur volonté de rester dans le pays va dans le bon sens. Il apparaît que nous ne sommes pas performants en France en ce qui concerne la transition entre immigration d'études et immigration de travail. La circulaire Guéant de 2011 avait – dans un objectif relatif au nombre d'immigrés en France à quelques mois de l'élection présidentielle de 2012 – conduit au départ de diplômés de grandes écoles ou de doctorants étrangers (sans compter des personnes qui avaient déjà un emploi). Si des améliorations sont intervenues depuis dans ce domaine, il semble intéressant de continuer travailler à une meilleure insertion des étudiants étrangers sur le marché du travail français, sachant qu'ils maîtrisent généralement la langue et qu'aucun problème de reconnaissance des diplômes ne se pose pour eux. C'est quelque chose qui semble important tant d'un point de vue économique que politique.

En tant que professeurs, nous avons tous été confrontés à la situation d'étudiants étrangers qui souhaitaient rester en France à l'issue de leurs études mais qui n'ont pu le faire ou qui ont été confrontés à des barrières à l'accès à la citoyenneté.

S'agissant de la dernière question, je ne suis pas un expert en droit administratif. Pour autant, force est de constater que la plupart des compétences relatives à l'immigration sont du ressort du ministère de l'Intérieur. C'est certainement lié à la vision plus sécuritaire qu'économique ou intégrative largement répandue dans la société française concernant l'immigration.

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Grégory Verdugo, professeur des universités à l'université d'Evry

Du point de vue d'un économiste, le fait que des apprentis mineurs non accompagnés soient soumis à une obligation de quitter le territoire est une perte pour le pays d'accueil sachant que ces personnes ont été formées et qu'elles semblent avoir prouvé des capacités d'intégration. La conclusion est très similaire en ce qui concerne l'accès à l'emploi en France d'étudiants étrangers. La perte potentielle est d'autant plus grande dans ce cas qu'il existe une compétition internationale pour attirer des talents, même si le fait de proposer des cursus majoritairement en français peut constituer un frein. Aux Etats-Unis, il ressort clairement que de nombreuses innovations ont été produites par d'anciens immigrés. C'est par exemple le cas de Google, dont l'un des fondateurs est d'origine russe.

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Il est très intéressant de noter que vous nous avez parlé de la théorie du contact, de la théorie du capital social ou de la théorie du capital humain. Je retiens également les propos tenus sur la nécessaire évaluation des politiques publiques, sujet qui dépasse le cadre de cette commission d'enquête. Merci encore pour vos éclairages.

La réunion se termine à seize heures dix.