Intervention de Hillel Rapoport

Réunion du mercredi 21 juillet 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne :

Je vais commencer par compléter le propos de mon collègue sur les politiques d'intégration des réfugiés. De nombreuses études ont montré que le fait de disperser les réfugiés de manière aléatoire – que ce soit entre pays ou sur les territoires nationaux – n'était pas très judicieux. Au contraire, l'appariement entre un réfugié ou une famille de réfugiés et un lieu d'accueil – du point de vue du logement, des infrastructures scolaires ou des perspectives professionnelles – joue très positivement dans leur intégration. Une étude menée sur la base de données américaines et suisses indiquait que les techniques de machine learning pouvaient être mises en œuvre pour tirer des enseignements des cohortes passées pour simuler différentes méthodes d'allocation pour les cohortes actuelles, avec des perspectives d'emploi à deux ans presque doublées pour les réfugiés en procédant de cette manière. C'est donc très clairement une piste à privilégier.

Les obstacles à l'intégration professionnelle des réfugiés sont principalement de trois ordres : la langue, la reconnaissance des aptitudes professionnelles et des diplômes de ces personnes (les programmes existant en la matière n'étant pas généralisés), et les discriminations (qui sont assez importantes vis-à-vis de ces individus). S'agissant des formations linguistiques, nous souffrons en France d'un manque d'évaluation. À titre d'exemple, une formation linguistique avait été mise en place en 2016 dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, et elle a été réformée – au moment du passage au CIR (contrat d'intégration républicaine) – avant même qu'une évaluation soit menée à son sujet. De manière générale, les évaluations réalisées par les ministères ou le comité interministériel à l'intégration le sont trop souvent ex post et pas forcément sur la base des standards académiques (puisqu'elles sont le plus souvent confiées à des cabinets de consulting).

Je suis d'accord avec Mme la rapporteure sur le fait que les chercheurs ne sont pas suffisamment impliqués dans les réflexions et les évaluations des politiques publiques d'intégration des réfugiés. Par rapport aux questions posées en amont de cette audition, je répondrais qu'il existe un certain nombre de programmes ou de micro-programmes lancés par des ministères en lien ou non avec des associations mais qu'ils relèvent de mon point de vue plus de l'affichage. De plus, les leçons qui pourraient en être tirées en vue d'une éventuelle généralisation sont très limitées, notamment parce que le sujet de la sélection dans ces programmes n'est pas suffisamment traité. Si par exemple un programme de tutoring est lancé sur la base du volontariat, il se peut que les participants soient les plus employables. Je renouvelle mon message sur la nécessité de procéder à des évaluations sérieuses des politiques et programmes mis en œuvre, même si je ne doute pas que les membres de la commission en soient déjà convaincus. Parmi les universitaires français, il existe des ressources telles que des économistes et des sociologues qui ont beaucoup contribué à la réflexion sur la réforme et la conception des politiques d'intégration, sans suffisamment être entendus.

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