Intervention de Hillel Rapoport

Réunion du mercredi 21 juillet 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Hillel Rapoport, professeur d'économie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne :

Je me permets de revenir sur le sujet des formations linguistiques. Leur importance centrale est largement admise, d'autant plus que les immigrés accueillis en France sont pour l'essentiel des immigrés de droit (c'est-à-dire qu'ils arrivent du fait d'un statut juridique qui relève du droit d'asile ou du droit de la famille pour ce qui est des regroupements familiaux). Comme l'a souligné mon collègue, ce type de migration peut répondre à une urgence humanitaire ou familiale, avec la plupart du temps une préparation inexistante ou limitée. Au contraire, l'immigration économique est généralement anticipée et préparée. Nous le voyons bien dans les pays anglo-saxons où les candidats à l'immigration constituent des dossiers et savent que des points leur sont attribués en fonction de leur niveau de maîtrise de la langue. En France, l'apprentissage de la langue se fait en revanche plutôt après l'arrivée dans le pays car les personnes viennent majoritairement pour des questions juridiques. C'est là un motif d'explication important par rapport aux différentiels d'intégration économique des immigrés entre la France et d'autres pays.

Au sujet de l'appariement, je prendrai l'exemple de la Suisse. Le Gouvernement y est fédéral et les réfugiés demandent le droit d'asile au niveau national. L'allocation des réfugiés se fait par le Gouvernement fédéral par cantons de manière aléatoire et sur la base de quotas d'accueil (tenant compte de leur population et de leur contribution économique). Par conséquent, les vœux et les caractéristiques des réfugiés ne sont pas pris en compte. Si la logique juridique de ce mode d'allocation peut s'entendre, il est très inefficace du point de vue des perspectives d'intégration. La prise en compte de la maîtrise d'une des langues parlées en Suisse pourrait s'entendre mais elle n'est pas appliquée, ce qui fait que certaines personnes peuvent quitter le canton où elles ont été allouées pour se rendre – de manière illégale donc – dans un autre dont ils parlent la langue. Au-delà du sujet de la langue, l'âge, la profession, la structure familiale font partie des caractéristiques qui pourraient servir à l'appariement des réfugiés de manière à participer à l'optimisation de la réussite des politiques d'intégration. D'après les premières simulations mises en œuvre en Suisse et aux Etats-Unis par des chercheurs, le potentiel de l'appariement est considérable.

L'allocation des réfugiés dans des zones rurales potentiellement dépeuplées peut avoir des bénéfices à moyen terme pour les territoires en question, par le maintien d'écoles ou de commerces entre autres. Il existe des exemples de réussites en la matière (qui corroborent la théorie du contact), mais je n'ai pas connaissance de recherches avec un caractère systématique qui aient été menées. Il serait utile de commissionner ou d'encourager une réflexion sur l'étude de cas concrets d'implantation de réfugiés dans des zones rurales.

S'agissant de la reconnaissance des diplômes, je n'ai pas d'expertise particulière à faire valoir ni de propositions, mais il s'agit d'un sujet très important.

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