Depuis dix ans que j'accompagne des demandeurs d'asile, quelques personnes ont réussi à déposer des dossiers de demande d'autorisation de travail après avoir trouvé un employeur prêt à les embaucher. Cependant, aucune de ces demandes n'a abouti, la préfecture les ayant systématiquement rejetées. D'autres personnes souhaitent travailler, mais ne disposent d'aucun réseau qui leur permettrait d'identifier un employeur qui déposerait la demande. L'accès au marché du travail reste donc un droit théorique. Dans la pratique, il n'est pas appliqué.
Depuis dix ans, dans le cadre de plaidoyers, à l'occasion de chaque loi « asile », nous intervenons auprès du pouvoir exécutif et législatif afin de solliciter un assouplissement de ce droit au travail pour les demandeurs d'asile pour le rendre effectif. La plupart du temps, nous nous voyons opposer deux arguments.
Le premier consiste à affirmer que la libéralisation de l'accès effectif au marché du travail pour les demandeurs d'asile générerait un appel d'air. Nous avons analysé les études publiées sur ce thème et complété cette analyse par des entretiens avec les demandeurs d'asile quant aux motivations de leur venue en Europe. La première d'entre elles consiste à fuir une situation dans leur pays d'origine, pour cause de guerre ou de craintes personnelles de menaces. Les demandeurs d'asile recherchent avant tout une protection. D'ailleurs, souvent, ce sont des personnes des classes moyennes ou aisées qui quittent leur pays pour venir en Europe, pas les plus pauvres.
Un autre argument consiste à affirmer que les personnes à qui la demande d'asile serait refusée resteraient en France et ne seraient pas reconduites dans leur pays au motif qu'elles travaillent. Or, quelle que soit sa situation, le refus opposé à un demandeur d'asile ferait l'objet d'une mesure d'expulsion qui serait validée par un juge administratif. Le travail ne légalise pas la présence en France et ne permet pas d'obtenir un titre de séjour en préfecture. Cet argument ne nous paraît donc pas convaincant.