En revanche, les difficultés sont bien réelles et nous les constatons au quotidien. Elles sont de plusieurs ordres.
La première difficulté est d'ordre juridique et relève du respect par la France de ses engagements.
La seconde est d'ordre matériel. Les demandeurs d'asile, notamment ceux que nous accompagnons, ne sont pas dans le dispositif national d'accueil et ils vivent uniquement avec l'allocation de demandeur d'asile (ADA) qui est extrêmement réduite. La procédure étant très longue, l'ADA ne leur donne pas les moyens de survivre, notamment pour ceux qui ne bénéficient pas des conditions matérielles d'accueil. Cela pose un réel problème de respect de la dignité humaine.
Le travail constitue donc un vecteur essentiel d'intégration, bien au-delà du fait qu'il procure des moyens de survivre ou de vivre. Nous nous interrogeons quant à l'efficacité de notre politique d'intégration, dès lors qu'une personne arrivant en France est accueillie de cette manière et que l'accès au travail lui est interdit pendant de longs mois. L'OCDE, avec lequel nous avons travaillé, a publié des études et notamment, celle de Thomas Liebig, l'administrateur de l'OCDE, en charge des migrations et de l'intégration (je cite) : « L'un des enseignements les plus importants de l'expérience des pays de l'OCDE en matière d'intégration des réfugiés est qu'une intervention précoce est cruciale. Les demandeurs d'asile doivent souvent attendre de nombreux mois, voire des années, avant de pouvoir bénéficier d'une formation linguistique et d'autres aides à l'intégration et lorsqu'ils obtiennent enfin un statut de réfugié, cette attente risque de compromettre leur capacité à s'intégrer ». Tout est dit.
Concrètement, nos recommandations sont simples et directes. Il convient de permettre l'accès au travail des demandeurs d'asile en rétablissant la validité de leur titre de séjour au-delà de six mois comme autorisation de travail.
Plus généralement, nous souhaiterions la mise en œuvre d'une politique qui mette à profit cette période initiale d'asile pour se former, accéder aux formations professionnelles et accéder à l'emploi.
Nous préconisons également une ouverture plus large des formations et des professions aux personnes réfugiées. Un rapport de l'Assemblée nationale, publié par Stella Dupont et Jean-Noël Barrot, mentionnait que 20 % des emplois sont fermés aux personnes étrangères, et aux réfugiés en particulier, ce qui représente environ cinq millions d'emplois, essentiellement dans la fonction publique qui est totalement fermée aux personnes réfugiées. La France fait figure d'exception au sein de l'Union européenne à ce sujet. En outre, la France est leader des professions réglementées. Dans ces domaines, la France se situe en queue du peloton européen avec la Roumanie et la Lettonie. Un enjeu important réside dans la capacité de mettre en place un dispositif qui permette de reconnaître les compétences et les qualifications. Un guichet unique de reconnaissance des qualifications existe pour les citoyens européens. Il serait possible d'étendre ce dispositif aux personnes réfugiées, ce qui permettrait de reconnaître les qualifications obtenues dans leur pays, notamment les qualifications partielles, de mettre en place des formations complémentaires et de leur ouvrir ainsi l'accès à ces professions.
La synergie de l'ensemble des acteurs de l'intégration est essentielle de sorte à favoriser cet accès tant aux formations qu'aux emplois. La France a mis en place des dispositifs très efficaces, notamment les diplômes universitaires passerelles. Nous proposons d'étendre ce dispositif à la formation professionnelle. Il serait également souhaitable d'universaliser à l'ensemble des acteurs de l'intégration les actions menées par Forum réfugiés en faveur de l'accès des personnes réfugiées à l'emploi.
Pour les réfugiés qui ne bénéficient pas du dispositif national d'accueil et qui n'ont pas été pris en charge d'une manière ou d'une autre (c'est-à-dire environ 50 % des demandeurs d'asile), il est extrêmement complexe d'accéder aux dispositifs en vigueur. La synergie entre les acteurs le permettrait, en particulier celle entre les centres de formation et les employeurs pour la valorisation des compétences. Notre collègue a évoqué la valorisation des diplômes et des compétences formelles, il existe également un enjeu de valorisation des compétences informelles. De nombreux demandeurs d'asile ne disposent d'aucun diplôme - en tout cas, ils n'en possèdent aucune trace. À titre d'exemple, nous avons accompagné un Soudanais, soudeur dans son pays, qui disposait d'une très grande expérience dans ce domaine, mais d'aucun diplôme. Nous ne pouvions lui proposer aucun emploi. Nous avons demandé à des employeurs et à un centre de formation de l'accueillir sur leurs sites pendant trois jours de sorte à tester ses compétences. Il a été accueilli et s'est révélé un excellent soudeur. Il a obtenu son CAP en deux mois. Nous n'avons pas les moyens de mener ce type d'actions à grande échelle. Elles seraient réalisables dans le cadre d'une politique plus concertée beaucoup plus massive. Il nous semble que les employeurs et les branches professionnelles pourraient s'acquitter de telles missions s'ils disposaient d'un cadre juridique clair et adapté. Actuellement, la législation n'autorise pas l'accueil d'un demandeur d'asile ou même d'un réfugié en entreprise pour une période d'observation, de mise en situation ou pour un stage. Il serait nécessaire de faire évoluer cette situation et de créer des réseaux entre les employeurs et les centres de formation dans le cadre d'un schéma clair et unifié de cartographie des compétences.
Certaines personnes réfugiées qui, elles, ont le droit de travailler, rencontrent des difficultés en raison de dysfonctionnements qui pourraient être réglés simplement.