Intervention de Pascale Gérard

Réunion du mercredi 21 juillet 2021 à 17h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Pascale Gérard, directrice de l'insertion sociale au sein de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) :

Le travail de l'AFPA en direction des migrants et des réfugiés a réellement commencé il y a cinq ans environ, à un moment où le ministère de l'Intérieur cherchait cruellement des chambres pour une mise à l'abri des personnes du Calaisis. L'AFPA, disposait alors de 1 200 chambres vacantes et je me suis rendue au ministère de l'Intérieur pour l'en informer. Dans un premier temps, nous avons donc accueilli un bon millier de migrants dans des centres AFPA. Comme notre cœur de métier est la formation (et non l'hébergement), le président de l'AFPA a souhaité qu'un parcours intégré complet – c'est-à-dire comprenant un accompagnement administratif et de santé – soit construit à destination de ces personnes. Nous avons présenté ce projet à différents ministères, avec une validation qui était forcément compliquée par ce caractère interministériel. J'ai alors été contactée directement par les préfets d'Ile-de-France et du Nord-Pas-de-Calais – qui étaient intéressés par la démarche – et nous avons démarré un projet sur fonds privés dans un premier temps avec 100 personnes sur chacun de ces deux territoires. Les préfets procédaient à de l'activation de dépenses passives uniquement pour financer l'hébergement et la restauration. L'OPCA du travail temporaire a été le premier à nous avoir suivis pour le financement de ces parcours longs. Depuis, le programme a pris son envol et nous avons près de 100 % des personnes – très majoritairement des hommes – qui obtiennent une qualification et apprennent un français à visée professionnelle. Certains ont même appris à lire et écrire.

Après l'expérimentation menée sur ces deux territoires, un comité interministériel a décidé de l'élargir et de passer à 500 personnes prises en charge dans le cadre de ce programme. Suite à la publication du rapport Taché en 2018, un autre comité interministériel a permis d'inscrire dans le droit commun le programme HOPE (pour « Hébergement, orientation et parcours vers l'emploi ») ainsi qu'un dispositif de VAE pour les primo-arrivants. En outre, une certification de FLE (français langue étrangère) à visée professionnelle devrait être inscrite au répertoire complémentaire dans les jours à venir.

HOPE est un parcours sur la durée qui vise à répondre à deux types de difficultés : celles des entreprises à recruter et celles des réfugiés à entrer dans le droit commun de la formation. L'idée était donc de permettre à ces derniers d'accéder à des formations qualifiantes et de faciliter leur intégration dans l'emploi, sachant que les OPCO et leurs entreprises adhérentes sont associés dès le départ (après la réalisation d'informations collectives sur les territoires). Au préalable, il a fallu faire quantifier aux OPCA – à l'époque – leurs besoins de compétences par métier et par territoire. Sur toute la durée du parcours HOPE, les personnes sont hébergées et nourries. Elles bénéficient d'un accompagnement social et professionnel pour entre autres répondre à des difficultés administratives (par rapport à un changement de département ou un renouvellement de titre de séjour par exemple). Dans un premier temps, elles ont droit à 400 heures de cours de français à visée professionnelle avec trois domaines distincts : l'industrie, les services et le BTP. C'est une manière de donner du sens à l'apprentissage de la langue et de rendre les personnes plus opérationnelles. Dans un second temps, ces dernières sont en alternance pendant quatre à quatorze mois en fonction des demandes des entreprises et des titres professionnels qu'elles souhaitent que les personnes obtiennent dans la perspective d'une embauche. L'alternance se fait à 50 % en cours et à 50 % en entreprise. Avec HOPE, nous avons réussi à mobiliser plusieurs ministères (malgré des difficultés au démarrage), des services publics (comme l'OFII) et des secteurs professionnels. La gouvernance est assez serrée puisque nous avons à la fois des comités de pilotage nationaux et des comités nationaux interrégionaux (avec des services déconcentrés des régions en plus de représentants de l'AFPA et de Pôle Emploi).

À ce jour, plus de 3 000 personnes sont sorties du dispositif HOPE et 81 centres AFPA sont mobilisés sur 12 régions. Comme je l'indiquais, ce sont les entreprises qui expriment des besoins en termes de titres professionnels à obtenir. Dans HOPE, 33 métiers sont plébiscités (sur un total d'environ 300 au niveau de l'AFPA), avec la répartition suivante : 55 % dans le BTP, 28 % dans les services (domaine qui englobe le commerce et la sécurité) et 17 % dans l'industrie. Nous comptons désormais 440 entreprises qui participent au dispositif, et il est intéressant de noter que ces partenariats sont généralement durables. Depuis que le parcours a été lancé, nous n'avons pas eu d'abandon. Les arrêts sont en nombre très réduit et sont très souvent liés à des problèmes médicaux ou psychiatriques. Près de 86 % des personnes ont obtenu leur qualification jusqu'à présent (ce qui est un niveau bien supérieur aux parcours de droit commun) et 73 % des stagiaires sont en emploi à la fin de leur formation. À un horizon, ce taux a tendance à être supérieur. Enfin, 86 % sortent de leur formation avec un logement pérenne.

Je peux entendre ici ou là qu'HOPE coûte cher (environ 20 000 euros par personne). Pour autant, ce dispositif coûte assez peu cher à l'État : le ministère de l'Intérieur paye uniquement ce qu'il paierait dans le DNA pour l'hébergement des personnes, et le ministère du Travail finance l'accompagnement à l'insertion professionnelle. Le restant du financement est assuré par les entreprises et les OPCO.

Je souhaitais vous parler de l'expérimentation « 1 000 VAE pour l'emploi des primo-arrivants ». Nous sommes partis du principe que nous avions dans cette population des personnes qui avaient travaillé dans leur pays d'origine, mais qu'elles peuvent avoir des difficultés à produire des justificatifs de l'exercice d'un métier. Dans le cadre d'une loi permettant de mener des expérimentations, le ministère du Travail a demandé à l'AFPA de lancer un tel dispositif. Nous faisons office de tiers de confiance pour vérifier que les personnes disposent d'au moins un an d'expérience professionnelle en les mettant en situation de travail en présence de formateurs experts. Cette première étape permet de vérifier la recevabilité du dossier vis-à-vis des DREETS. En parallèle, nous avons la possibilité de sanctionner positivement un bloc de compétences en VAE, ce qui donne de l'employabilité et une reconnaissance aux personnes. Le lancement de cette expérimentation avait été validé dans le cadre d'un comité interministériel en 2018 mais il a pris du temps. Par conséquent, elle n'a vraiment débuté qu'en toute fin d'année 2020. Il apparaît que le sourcing des personnes pose quelques difficultés, sachant que les primo-arrivants sont généralement en logements diffus. Nous travaillons donc avec les services de la CAF ou avec des associations de quartiers, et nous avons diffusé des flyers avec un message relativement simple (du type « Si vous avez travaillé dans votre pays d'origine, vous pouvez obtenir un diplôme en France »). La semaine dernière, une première personne a obtenu un titre professionnel complet de la part du ministère du Travail (avec une dérogation liée au fait que l'AFPA agit en tant que tiers de confiance). De plus, des dossiers sont en cours de constitution pour une centaine de personnes en vue d'une mise à l'emploi rapide puisque le parcours dure sept mois (période pendant laquelle les personnes ont la possibilité de travailler par ailleurs). Cette expérimentation est censée prendre fin en décembre de cette année, mais il me semble que l'État compte la prolonger. Elle pourrait d'ailleurs rentrer dans le droit commun et le cas échéant être élargie à des personnes agissant dans l'économie parallèle (en plus des réfugiés et des primo-arrivants).

Je terminerai mon intervention en abordant brièvement le dispositif « Une voie vers l'emploi ». Il a été lancé il y a près de quatre ans dans le cadre du FAMI (le fonds asile migration intégration). Il s'adresse aux primo-arrivants et plus spécifiquement à des femmes venant en France dans le cadre d'un regroupement familial. Dans ce cadre, les personnes peuvent bénéficier d'une mise à niveau en français, découvrir des métiers sur site et être aidées dans la construction d'un projet professionnel. Contrairement à HOPE (qui se déroule à un rythme de 35 heures par semaine), nous avons choisi de lancer cette formation à mi-temps car les femmes peuvent avoir des contraintes de garde d'enfants. Dans le cadre de ce même projet, nous avons proposé de mettre en place une formation à destination des professionnels du travail social qui œuvrent dans des structures d'hébergement ou au sein de l'OFII pour leur apporter une qualification en insertion professionnelle (avec un financement sur ce même fonds européen).

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