Intervention de Mourad Allal

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 11h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Mourad Allal, directeur de la plateforme d'orientation linguistique et d'accès à l'emploi (le POLE) :

La maîtrise de la langue constitue à notre sens le vecteur essentiel d'une intégration réussie. L'intégration peut certes se passer de l'apport de la langue, encore que la mener à bien dans ces conditions me paraisse compliqué. Le modèle d'accueil à la française ne saurait en tout cas se satisfaire de la non-maîtrise de la langue, sous peine de s'exposer au risque de repli identitaire et de communautarisme.

L'enseignement du français doit s'adapter à la nature et aux spécificités des publics. Les flux migratoires interfèrent sur l'accueil des étrangers et ses modalités. La non-prise en compte des origines culturelles ou des pertes de repère porterait préjudice au vivre-ensemble comme à l'apprentissage censé le faciliter. Les acteurs de terrain comme nous doivent donc s'adapter en assumant, outre leur rôle de formateur, celui d'écrivain public et d'assistant social. Cette dernière fonction a de fait disparu au sein de l'OFII, alors que l'accompagnement social s'avère indissociable d'un apprentissage linguistique couronné de succès. Ce type de compétences reste malheureusement trop peu enseigné à l'université.

L'offre de formation actuelle, conséquente, me semble suffisante. Le principal écueil vient d'une mauvaise articulation entre les dispositifs. Leur mise en cohérence, sur le plan territorial notamment, laisse à désirer. En somme, nous avons affaire au mille-feuille habituel de l'administration française, dans lequel de multiples actions de formation se superposent.

Certaines réalités territoriales ont malgré tout disparu. Des structures à l'échelle du département identifiaient auparavant les besoins des bénéficiaires à partir de séances d'évaluation et de positionnement, de manière à élaborer une offre sur mesure en complément de la formation obligatoire de base. Il faudrait remettre en place ces structures pour retrouver une certaine cohérence. Notons que la gratuité de cette formation obligatoire, pour ceux qui la suivent, est à l'honneur de la France.

Pour l'heure, la définition d'une offre précède la recherche de candidats, qui se retrouvent ainsi face à un empilement d'informations parfois peu accessibles ou lisibles, y compris pour les professionnels de l'insertion. Il en résulte des parcours accidentés, en vertu d'une logique qui pénalise au final les bénéficiaires tout en compromettant les moyens mobilisés à leur intention, pourtant en augmentation.

Il conviendrait selon moi de renouveler notre réflexion, d'une part, sur l'accès à l'information des bénéficiaires et des acteurs sociaux en charge de leur orientation et de leur accompagnement, et d'autre part, sur la gestion de leur accueil. Une articulation plus étroite apparaît nécessaire entre les auditeurs de l'OFII et les prescripteurs. Les deux compétences que nous exerçons par l'intermédiaire de notre plateforme d'accueil s'harmonisent parfois difficilement. Des groupes mal conçus à l'issue d'une orientation mal pensée nuisent aux progrès des apprenants. Une plus grande cohérence entre les acteurs publics et privés, associatifs ou autres, reste toutefois possible, si ce n'est à l'échelon étatique, du moins à celui des territoires.

La pandémie nous a rappelé la question trop souvent laissée de côté de l'accès aux compétences numériques. Le public dont nous nous occupons a démontré sa capacité à opter pour des stratégies de contournement des contraintes sanitaires en suivant des formations à distance. La principale difficulté à laquelle il se heurte vient de la langue et non des outils de communication en eux-mêmes. Il nous paraît primordial de prendre en compte l'inclusion numérique dès la signature du CIR. J'estime indispensable d'évaluer, en même temps que les compétences linguistiques, la capacité d'usage des outils numériques. Le nouvel appel d'offres de l'OFII n'attache pas encore assez d'importance à la nécessité pour le public qu'il prend en charge de participer, lui aussi, à la transition numérique.

Nous préconisons l'extension des expérimentations telles que le parrainage, par une famille française, d'un réfugié statutaire, dans la mesure où cette démarche contribue à une intégration plus fluide et probante.

La question de la gestion des réfugiés s'avère éminemment politique. La France mérite mieux que les files d'attente aux abords de la porte de la Chapelle ou ailleurs. Notre pays a la possibilité d'accueillir les demandeurs d'asile dans de meilleures conditions, en favorisant notamment leur accès à la maîtrise du français. L'association France terre d'asile regrette ainsi qu'aucun dispositif ne prévoit de les former à notre langue.

L'OFII me paraît en outre démuni en termes de moyens humains pour faire face à l'afflux de réfugiés. Il n'assure le suivi que d'un tiers d'entre eux, du fait, là encore, d'un défaut d'articulation entre les institutions en charge de ce public et les moyens à leur disposition.

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