En amont de la procédure d'asile, les personnes migrantes LGBT subissent, comme les autres populations migrantes, les difficultés du parcours migratoire, de la traversée de la mer et du règlement de Dublin. Il est important de rappeler à quel point ce dernier est inhumain dans son application et met les demandeurs d'asile en situation de souffrance. Les préfectures françaises appliquent strictement le principe consistant à obliger un demandeur d'asile à demander l'asile dans le pays ayant accordé le visa ou constituant le point d'arrivée. Ces pays d'arrivée sont souvent les pays du sud de l'Europe (Espagne, Italie). Les personnes accompagnées par l'ARDHIS n'ont pas le désir de rester dans ces pays. Leur objectif est de venir en France, ce qui représente un premier point positif de garantie d'intégration. Refuser cette possibilité aux personnes francophones revient à nier leur histoire et leur proximité culturelle. En outre, certains demandeurs d'asile peuvent avoir subi des erreurs d'application du droit d'asile dans d'autres pays de l'UE. Par exemple, un Sierraléonais a été débouté de sa demande d'asile à Munich à 20 ans, les autorités considérant que son orientation sexuelle n'est pas établie. Or, son pays d'origine est un des plus violents envers les personnes homosexuelles. Quel autre choix s'offre à lui en ultime recours que de demander l'asile en France ? L'OFPRA le lui a accordé, mais après une procédure Dublin avec l'Allemagne qui a duré trop longtemps. Les mesures de contrôle dans le cadre de cette procédure sont humiliantes et déstabilisent les personnes, provoquant des problèmes de santé mentale. Les demandeurs d'asile « dublinois » sont convoqués à intervalle régulier en préfecture ou en commissariat. A chaque convocation, ils risquent de se voir interpeller au guichet pour exécution de la mesure de transfert. A terme, ce choix impossible les plonge dans des états dépressifs. Or, le seul désir de ces personnes est de constituer un projet de vie en obtenant une protection. Nombre de demandeurs d'asile LGBT sont fragiles psychologiquement. Ils souffrent de stress post-traumatique lié aux violences subies en raison de leur orientation sexuelle dans leur pays et de la rupture du lien familial, qui est caractéristique du parcours de vie de ces personnes. La France pourrait prendre des mesures pragmatiques de sa propre initiative, notamment dans le cadre de la clause de souveraineté du règlement de Dublin, pour améliorer la situation. Le demandeur d'asile devrait notamment avoir le choix du pays pour faciliter son intégration et son projet de vie.
Concernant l'examen des demandes d'asile liées à l'orientation sexuelle par l'OFPRA et la CNDA, le filtre demeure trop sélectif à l'OFPRA et le taux d'erreurs résiduelles reste significatif. La capacité à s'exprimer est primordiale, mais seule une partie des demandeurs d'asile LGBT ont cette capacité. Dans la plupart des cas, un entretien d'une heure ou deux ne permet pas de faire surgir la vérité de l'intimité d'un demandeur d'asile. Pourtant, les décisions de l'OFPRA reposent sur ces entretiens. Nous remettons en cause la sélectivité de l'appréciation des réponses plus que la nature des questions posées. La CNDA, même si elle annule nombre de décisions de rejet de l'OFPRA, ne parvient pas toujours à protéger les demandeurs d'asile LGBT et cela se traduit par un taux d'erreurs résiduelles significatif à la fin de la chaîne de traitement.
Certaines personnes homosexuelles n'obtiennent l'asile ni de l'OFPRA ni de la CNDA. La proportion de déboutés est en outre plus importante pour les demandeurs d'asile qui ne sont pas accompagnés par une association LGBT. Il existe donc une marge de progression importante en matière d'examen des demandes pour motif d'orientation sexuelle. D'autre part, la décision de prendre des mesures d'éloignement consécutives à des rejets de demandes d'asile liées à l'orientation sexuelle devrait tenir compte de la marge d'erreur du juge de l'asile sur ce sujet.