Le Bureau d'accueil et d'accompagnement des migrants est une association francilienne située à Paris qui a été fondée en 2015. Cette association politique défend un accueil digne pour tous les migrants. Elle est entièrement composée de bénévoles et ne perçoit pas de subventions, par choix. Nous considérons en effet qu'il incombe à l'État de prendre en charge des demandeurs d'asile, et menons donc ce travail de façon bénévole. L'association comporte six pôles. Je suis coordonnatrice du pôle LGBTQI+. Nous accompagnons les demandeurs d'asile LGBT dans leur demande d'asile, ainsi que celles qui souhaitent régulariser leur situation. Nous menons également d'autres activités. Nous permettons l'accès à des lieux d'activités et de solidarité communautaire LGBTQI+ et la participation à des événements festifs, culturels ou revendicatifs, ce qui serait notre seule activité si le gouvernement menait à bien le travail qui lui incombe. Nous accompagnons les personnes dans leurs démarches juridiques en lien avec les autres pôles du BAAM, avec des avocats spécialisés dans les questions d'asile et relatives aux personnes LGBTQI+. Nous débloquons par ailleurs des fonds d'urgence pour pallier les défaillances de l'État pour que des personnes sans ressources puissent satisfaire leurs besoins primaires (hygiène, alimentation et déplacements). Nous mettons en place un réseau d'hébergement solidaire et bénévole afin d'éviter que des personnes LGBT ne soient laissées à la rue, où elles sont surexposées aux risques de contamination, notamment au VIH, et aux violences sexuelles. Nous sommes en partenariat avec des structures de prévention sexuelle, par exemple le Checkpoint, qui propose des autotests dans nos locaux une fois par mois et réalise des entretiens. Enfin, nous orientons vers des structures de prise en charge médicale et psychologique des personnes en situation de migration.
Dans leur parcours migratoire, les personnes LGBTQI+ sont confrontées aux difficultés communes à tous les migrants : la fermeture des frontières, les violences aux frontières et au cours du parcours migratoire, et l'impossibilité d'accéder à l'Europe par voie légale. Concernant les difficultés spécifiques aux personnes LGBT, nous partageons le constat de la rupture du lien familial, caractéristique de leur situation. Ces personnes sont en outre surexposées aux risques de viols et de violences. Par conséquent, un grand nombre de personnes que nous accompagnons sont victimes de stress post-traumatique. Elles souffrent donc d'oubli, de confusion et de déni, ce qui est très peu pris en compte par l'OFPRA et la CNDA, qui refusent d'octroyer l'asile à une majorité de personnes se trouvant dans ces situations, du fait de leurs difficultés à s'exprimer et à se raconter. Toutefois, ces personnes entrent dans les critères de la convention de Genève. Les attestations de professionnels de santé confirmant cet état de stress post-traumatiques ne sont pas prises en compte. Les conséquences de ce stress incluent également des troubles graves du sommeil, de l'alimentation ou des tremblements. Ces facteurs desservent également les personnes dans leur demande d'asile et sont peu pris en compte, même quand ils sont attestés par des certificats médicaux.
Dans leur pays d'origine, ces personnes subissent des LGBT-phobies, mais également pendant les périodes de transit et en France, par les populations et les institutions. Pour cette raison, elles sont tentées de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ce qui complique leur demande auprès des institutions d'asile. Enfin, de nombreuses personnes sont en situation d'isolement, car elles peuvent avoir peur d'être retrouvées par les personnes qu'elles fuient. Elles ne peuvent donc pas se reposer sur une communauté de leur pays d'origine qui serait déjà installée en France. Nous partageons le souhait exprimé par l'ARDHIS d'une abrogation totale des pays d'origine sûre. Les personnes placées en procédure accélérée, parce qu'elles sont originaires d'un pays appartenant à cette liste, ont beaucoup plus de difficulté à obtenir l'asile, car la procédure accélérée les empêche de bénéficier d'hébergement ou de ressources, avec les risques que cela comporte en termes de santé et de surexposition aux violences. Elles risquent par ailleurs d'être expulsées avant la fin de la procédure, étant déboutées du droit d'asile dès le refus de l'OFPRA. Cette liste crée donc un état de vulnérabilité psychologique et matérielle et une situation d'inégalité entre les demandeurs d'asile. Nous considérons qu'aucun pays n'est a priori sûr, en particulier pour les personnes LGBTQI+.
Certaines situations nous paraissent inadmissibles et contraires au droit. La discrimination par le personnel des institutions, notamment aux guichets, est inacceptable. Par exemple, des femmes en couple ont vu leurs demandes enregistrées séparément en préfecture au prétexte qu'elles n'étaient pas mariées, et non considérées comme une famille. Elles sont alors séparées en termes de prise en charge par l'OFII. Les associations peuvent contribuer à résoudre ces problèmes, mais tous les demandeurs d'asile ne sont pas accompagnés par des associations. Ces personnes fuient leur pays d'origine en raison de leur orientation sexuelle et se voient discriminées lors de leur arrivée en préfecture en France. Par ailleurs, les traductions erronées, volontairement ou non, conduisent à des récits incohérents qui ne sont pas compréhensibles pour le juge ou les agents de l'OFPRA. Les personnes LGBTQI sont particulièrement concernées par ces problèmes de traduction, qui ne peuvent cependant pas être considérés comme un argument dans le cadre d'un recours à la CDNA ou d'une demande de réexamen. Nous partageons l'idée de l'ARDHIS que la demande d'asile dessert les personnes qui ne s'expriment pas correctement. En l'absence de preuves matérielles pour appuyer leur demande d'asile, la véracité de leur récit peut être mise en question et l'issue de leur demande peut dépendre de leur performance oratoire. Par ailleurs, les entretiens ressemblent plus à des interrogatoires, ce qui ne donne pas aux personnes le sentiment de sécurité nécessaire à l'expression de leur situation intime. Le soupçon permanent de mensonge qui pèse sur elles aboutit à des refus d'asile tout à fait injustifiés, car elles relèvent de la convention de Genève.
J'insiste également sur les conditions matérielles d'accueil (CMA). Lorsque les personnes LGBTQI+ accèdent au logement par l'OFII, ce qui reste rare, elles peuvent être exposées à la violence et au harcèlement dans leur hébergement. Elles n'ont en effet pas accès à des espaces sécurisants dans ces hébergements collectifs. Des vols, du harcèlement et des violences sont très souvent rapportés par les personnes accompagnées, notamment les personnes trans, qui se voient placées dans des chambres non mixtes avec des personnes du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Par ailleurs, il est compliqué d'obtenir un hébergement individuel même lorsque les violences sont communiquées au personnel de l'hébergement et à l'OFII. Si la personne quitte son hébergement en raison de ces conditions difficiles, elle risque de se voir retirer son allocation de demandeur d'asile et de ne plus avoir ni hébergement ni ressource financière. Il s'agit d'une double peine. L'accès à un hébergement individuel pour tous les demandeurs d'asile permettrait une meilleure protection de chacun.
Les personnes LGBTQI sont souvent isolées, car coupées de toute solidarité intracommunautaire. Elles peuvent faire appel à des associations en arrivant en France pour être accompagnées dans leur demande d'asile. Toutefois, en acceptant les CMA, elles peuvent être envoyées dans des lieux isolés ou il n'existe aucune association LGBTQI susceptible de les aider à rompre l'isolement. Elles devraient pouvoir être hébergées dans le lieu de résidence de leur choix, où elles ont des connaissances et sont suivies par des associations.
Huit demandes d'asile sur dix font l'objet d'un refus et les personnes déboutées deviennent des sans-papiers. Les personnes LGBT ayant révélé leur identité ou orientation sexuelle sont de surcroît surexposées à des situations dramatiques, aux violences et à l'abus.
Nous recommandons la régularisation de toutes les personnes sans papiers et l'octroi d'un visa humanitaire à toutes les personnes qui craignent ou subissent des persécutions dans leur pays, et le désengagement de la France de l'agence européenne Frontex. Nous demandons également la possibilité de se faire accompagner lors de l'entretien à l'OFPRA, y compris lors des entretiens à huis clos, ainsi que la traduction systématique de tous les documents administratifs dans la langue du demandeur d'asile. Nous demandons de donner la possibilité aux demandeurs d'asile d'écrire leur récit dans leur langue natale et d'envoyer un document audio pour les personnes qui ne sauraient pas écrire. Nous recommandons la prise en compte de l'état de santé physique et psychologique des demandeurs d'asile dans l'évaluation de leur demande et la fin de la remise en cause de la véracité des documents médicaux fournis. Nous revendiquons un hébergement dans le lieu de leur choix et une allocation de type RSA pour les demandeurs d'asile afin d'éviter les situations d'exploitation et de travail non déclaré. Nous demandons également d'autoriser les demandeurs d'asile à entreprendre ou continuer des études dès l'enregistrement de leur demande d'asile afin d'accéder à l'autonomie. Sans cela, elles demeurent dépendantes de leur entourage et sont exposées à des LGBTQI-phobies. Pour empêcher des situations de discriminations institutionnelles, nous demandons la mise en place d'un moyen de signaler les discriminations directes et légales qui empêchent les personnes d'accéder à leurs droits, sans devoir introduire un recours devant le tribunal administratif.