Nous sommes heureux de pouvoir parler ici de la migration, et plus particulièrement des femmes migrantes victimes de violence. Selon notre expérience, les femmes migrantes demandeuses d'assistance se trouvent dans une situation particulière, liée à la superposition du déracinement, de la perte des repères et des violences qu'elles ont subies. Les femmes migrantes sont plus sujettes à la violence que la moyenne des femmes, sachant qu'en moyenne, 3,8 femmes sur 10 sont confrontées à une situation de violence dans leur vie, quels que soient le pays et la condition sociale. Les femmes migrantes sont confrontées à plusieurs formes de violence, tant par leur nature – sociale, ethnique, intrafamiliale – que dans leur temporalité. Elles peuvent en effet avoir subi des violences dans leur pays d'origine, au cours du processus migratoire et dans le pays d'accueil. Certaines violences sont parfois difficiles à détecter pour les professionnels en France. Des violences sont liées au sol, ce sont les violences dites « importées » qu'on connaît mal. Nous sommes confrontés à des historiques complexes, où il manque souvent des antécédents majeurs permettant une prise en charge d'emblée adaptée. La connaissance du contexte ethnique et de l'histoire familiale peut être insuffisante.
Au-delà de leur situation personnelle, les femmes doivent porter assistance aux enfants. Depuis plus de quatre ans maintenant, l'institut étend ses missions aux enfants. Il prend en charge toute forme de violence, sachant que les femmes en subissent souvent des formes multiples. L'offre pluridisciplinaire et globale de l'institut est particulièrement adaptée à des personnes déracinées, privées de tout lien social, de leurs repères ethniques habituels et sans recours immédiat. L'institut propose une offre de prise en charge des enfants, conjointement ou séparément, par des équipes spécialisées. Il détient une compétence particulière et spécifique dans le domaine des violences sexuelles, criminelles et des mutilations sexuelles féminines. Le point fort du dispositif est son adaptabilité à toute forme de situation. Il peut notamment proposer plusieurs consultations dans une même journée et dans des domaines variés comme la médecine, le droit et la santé mentale. L'action de l'institut repose sur un réseau de partenaires expérimentés dans la prise en charge des migrants. Elle repose également sur la capacité de traitement de groupes, ainsi que sur la création et la mise en relation de collectifs communautaires.
Des difficultés sont survenues en raison de la modification de la législation en matière d'asile, qui a induit un surcroît de complexité dans plusieurs domaines. Nous observons en outre une multiplicité d'acteurs ayant des niveaux d'engagement et d'information différents. Les problèmes proviennent également de l'absence d'une véritable carte sanitaire permettant de mettre en évidence les pathologies parasitaires, transmissibles, voire les maladies chroniques. Le carnet de santé devrait être obligatoire, mais il n'est pas international.
Il est par ailleurs difficile d'obtenir un accompagnement par un professionnel habilité à parler au nom des personnes en leur présence. Une autre difficulté notoire est l'invisibilité des enfants accompagnants, qui ont cependant de nombreux problèmes.
Enfin, il est indispensable de prendre en charge les violences subies dans le pays d'origine. Les femmes migrantes représentent 3 % de la population totale accueillie par an. Elles sont polytraumatisées, d'où la nécessité d'une prise en charge longue et pluridisciplinaire. Aujourd'hui, le contexte social et sanitaire français nous oblige à réduire le temps de prise en charge à deux mois maximum.
Vous nous avez interrogés sur la préconisation par la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) de créer en France un véritable mécanisme national pour la détection, l'identification, l'orientation et l'accompagnement des victimes de traite présumées ou avérées. Nous saluons les initiatives actuelles de mise en commun des informations et la perspective d'une meilleure coordination comme allant dans le bon sens et elles emportent notre complète adhésion. Nous devons pouvoir continuer à travailler en commun. Enfin, nous sommes favorables à ce que le genre soit plus spécifiquement pris en charge lors de l'examen de la demande de régularisation d'asile de la personne migrante. Les femmes migrantes, en raison de leur grande vulnérabilité et de leur lien essentiel avec l'enfant, requièrent plus que toute autre catégorie déplacée une assistance spécifique. Le genre doit bien évidemment être pris en compte. Le mécanisme de référence doit prendre en charge l'approche globale de la façon la plus simple pour ces femmes et pour les enfants.