Nous offrons dans notre association un accueil ouvert et inconditionnel et nous avons pu voir évoluer la situation des femmes qui s'adressent à nous. Elles souhaitent généralement une écoute, des informations juridiques et administratives et un accompagnement dans des démarches de demande d'asile, de régularisation des titres de séjour ou face à des violences. Par définition, une association comme la nôtre rencontre des femmes en situation particulièrement difficile, mais elles sont cependant assez autonomes pour solliciter nos services. La majorité des femmes que nous accueillons viennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne. Quelques-unes viennent d'Amérique du Sud ou d'Europe de l'Est. Nous ne pouvons pas toujours recevoir dans de bonnes conditions toutes les femmes qui viennent pour des raisons de langue. Nous faisons appel le cas échéant à d'autres femmes pour l'interprétariat, mais ce ne sont pas des professionnelles et cela pose problème.
Les différents types de situation que nous observons ne sont pas liés à la nationalité d'origine. Depuis deux ans, le principal problème administratif que nous rencontrons est la quasi-impossibilité d'obtenir des rendez-vous pour traiter les demandes de titre de séjour. La demande doit être déposée en ligne, mais il est rarissime qu'une place soit disponible. Une action est donc menée actuellement en référé auprès des tribunaux administratifs. Les juges condamnent souvent les préfectures pour non-accès des usagers à leurs droits.
Les personnes reconnues réfugiées protégées ont des droits importants, mais il leur est très difficile d'obtenir la réunification familiale. De nombreuses demandes sont rejetées par les ambassades de France, au motif du caractère inauthentique des documents. Si une mère réfugiée souhaite que ses enfants la rejoignent, elle doit dans certains cas recevoir l'autorisation du père. Or, elle peut avoir fui parce qu'elle était victime d'un mariage forcé ou de violences conjugales. En ce cas, elle n'obtiendra pas du père l'autorisation souhaitée. Elle devra alors suivre, si elle en a les moyens, une procédure alternative très coûteuse et complexe. Les visas et les billets d'avion ne sont pas pris en charge. En général, les réfugiées de Côte-d'Ivoire et d'Afrique subsaharienne demeurent longtemps dans une grande précarité. Elles attendent souvent des années avant de trouver un travail et un logement. Même pour les personnes ayant le statut de réfugié, la situation est très difficile.
S'agissant du droit au séjour, la rédaction des articles du CESEDA relatifs aux droits des femmes victimes de violence pose problème. La nécessité que l'auteur de violence soit condamné pour obtenir un titre de séjour durable est tout à fait surréaliste compte tenu du nombre de plaintes classées sans suite. Si je devais formuler une recommandation, ce serait la modification d'un certain nombre d'articles du CESEDA. En concertation avec plusieurs autres associations, nous menons depuis des années une action de plaidoyer pour une reconnaissance légale du droit au séjour des femmes étrangères victimes de violences sur le territoire français. Si certaines avancées ont été obtenues, nous observons désormais un recul dans la pratique avec un nombre de refus beaucoup plus important qu'il y a quelques années.
Enfin, nous sommes favorables à la recommandation de la CNCDH et à toute perspective de coordination en vue d'identifier et d'accompagner les victimes de traite. Néanmoins, un tel accompagnement suppose des budgets suffisants, des hébergements sécurisés et l'assurance donnée à ces femmes qu'elles-mêmes et leurs familles ne subiront pas de représailles. La traite représente un danger grave pour les femmes et pour leurs familles. Un accompagnement efficace reposera donc sur l'action d'un ensemble de structures efficaces et compétentes, notamment l'office de répression contre la traite et l'OFPRA. L'augmentation des moyens linguistiques est également indispensable.