Intervention de Euphrasie Kalolwa

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Euphrasie Kalolwa, responsable du plaidoyer santé de la mission France de Médecins sans frontières :

Merci de nous avoir invités à parler de la situation des mineurs non accompagnés (MNA) que MSF prend en charge en Île-de-France et à Marseille.

Médecins sans frontières n'a normalement pas vocation à agir en France, mais plutôt à l'étranger pour y aider des personnes en difficulté sur le plan médical. En 2016, nous avons constaté l'existence, au sein de la population exilée à la rue à Paris, d'un groupe de mineurs en nombre assez important et particulièrement vulnérables. Sur les 1 930 personnes que nous avons décidé d'héberger en urgence, en décembre 2016, 72 % se déclaraient mineures. Nous nous sommes donc engagés dans la prise en charge des mineurs non accompagnés, en ouvrant d'abord un centre d'accueil de jour à Pantin, en Seine-Saint-Denis, puis progressivement plusieurs maisons pour héberger les cas médicaux les plus complexes, somatiques ou mentaux.

Nous avons pu constater les carences de la prise en charge de ces mineurs et la façon dont ils sont mis en danger sur notre territoire. Les divers aspects de nos activités, qu'il s'agisse de santé, mentale ou somatique, ou d'accompagnement social ou juridique, nous mettent en contact avec tous les obstacles, administratifs, juridiques ou sociaux, que les mineurs non accompagnés rencontrent au quotidien dans leur parcours en France.

Ceux qui se présentent au centre d'accueil de jour de Pantin ont été évalués majeurs par un département, pas forcément d'Île-de-France d'ailleurs, et souhaitent faire appel de cette décision devant le juge des enfants pour faire reconnaître leur minorité et accéder à une protection. La plupart de ces jeunes ont été évalués d'une façon arbitraire, il n'est qu'à lire le compte rendu d'évaluation pour s'en rendre compte. Il s'agit d'une évaluation sociale, puisqu'il n'existe pas de moyen scientifique de déterminer un âge objectif. Elle prend la forme d'un entretien avec une ou deux personnes désignées par le département, par exemple des travailleurs sociaux ou des juristes, dont il ne me semble pas que leur formation leur permette de déterminer l'âge d'une personne. Les entretiens ont parfois lieu sans interprète, sachant qu'une grande partie des jeunes que nous accueillons à Pantin ne parlent pas le français, en tout cas pas assez bien pour un tel enjeu.

Nous constatons que ces entretiens ne permettent pas d'évaluer correctement l'âge des jeunes, puisque 50 % de ceux qui arrivent chez nous finissent par être reconnus mineurs par le juge des enfants au terme de leur procédure.

Pendant plusieurs mois, ces jeunes qui entament un recours sont plongés dans une précarité extrême, sans aucune prise en charge. Ils ne sont pas hébergés, ils n'ont pas de ressources financières, ils ne sont pas toujours scolarisés, à moins d'avoir croisé des associations engagées. Ils sont très seuls. L'accès aux soins est difficile. Comme ils n'ont pas de représentant légal, se faire opérer ou bénéficier de certains actes médicaux est très compliqué, voire impossible. Ils n'ont souvent aucune couverture maladie, puisqu'il faut être accompagné pour mener toutes les démarches nécessaires.

Ces jeunes qui ont déposé un recours devant le juge des enfants devraient bénéficier d'une présomption de minorité qui n'existe pas aujourd'hui. S'ils étaient présumés mineurs jusqu'à la décision du juge des enfants – une décision judiciaire, alors que celle des départements est administrative –, ils pourraient être pris en charge et mis à l'abri entre-temps. C'est selon nous l'enjeu essentiel pour les mineurs non accompagnés.

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