Intervention de Agathe Nadimi

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Agathe Nadimi, présidente des Midis du MIE :

Un jeune qui arrive en France se trouve rarement dans l'Orne. Vous parliez donc de mineurs pris en charge et placés. Il y a aussi la question de ceux qui arrivent, qui sont évalués et refusés : ce sont ceux dont nous nous occupons. Une fois qu'ils sont pris en charge par l'ASE, on recommence avec d'autres qui viennent d'arriver, qui ont été refusés et sont à la rue. Cela ne veut pas dire que nous laissons tomber, une fois qu'ils sont pris en charge par l'ASE, les jeunes que nous avons accompagnés pendant des mois, le temps de leur recours, mais on part du principe que le relais est passé et que c'est moins à nous d'agir.

La population des mineurs étrangers a-t-elle évolué ? J'étais devant les grilles du DEMIE en 2015 et j'y suis encore. J'ai donc une vision d'ensemble. Il y a maintenant moins d'arrivées, il faut le souligner. J'en ai parlé récemment avec la mairie de Paris, et les chiffres sont très éloquents. On a l'impression que les arrivées sont de plus en plus nombreuses – les médias et les institutions veulent nous le faire croire – mais ce n'est pas le cas. Entre 2015 et 2017, il y avait une file d'attente devant les grilles du DEMIE à Paris : vraiment beaucoup de jeunes arrivaient. C'est moins vrai aujourd'hui. Durant les hivers de ces années-là, 250 jeunes venaient chercher de l'aide et de quoi manger au jardin ; ils sont aujourd'hui entre 60 et 80. Cette réalité devrait permettre une meilleure prise en charge.

Par ailleurs, les arrivées de Guinéens ont connu un boom. Quand j'ai commencé à m'engager, en 2015 et 2016, il y avait 3 000 personnes avenue de Flandre. On y trouvait beaucoup de jeunes Afghans, de 13 ou 14 ans, et je me demandais comment ils étaient arrivés là, tout seuls ou non, avec des oncles et des passeurs qui les lâchaient sous le métro aérien. Ce qui m'a sensibilisée, c'était ces petits Afghans qui ne comprenaient rien au film, qui étaient refusés par la Croix-Rouge et qui se retrouvaient à nouveau dans des campements. C'est ce qui m'a donné envie d'agir : on ne laisse pas des enfants dans la rue. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.

Des axes d'amélioration existent à tous les stades : avant la prise en charge, pendant celle-ci, lors de la scolarisation et concernant le suivi des titres de séjour.

Nous demandons que les mineurs isolés étrangers ne dépendent pas des associations. Elles font le job de l'État : elles mettent à l'abri, elles nourrissent, elles procurent du plaisir à travers des cours, des sorties. Il s'agit d'adolescents dont l'enfance a été brisée. On ne quitte pas pour rien ses parents, sa famille, son village, son pays. Face à l'instrumentalisation actuelle, il faut rappeler qu'on ne part pas sans raison. Nous entendons les histoires, puisque nous devons faire des récits de vie pour les avocats. Nous connaissons les jeunes, nous les hébergeons, nous nous occupons d'eux, nous sommes une famille de substitution.

Ailleurs, leur situation est absolument méconnue. Des travailleurs sociaux me téléphonent et je comprends parfois leur désarroi : ils récupèrent un jeune après son placement, sans savoir ce qui s'est passé avant. Il faut construire des ponts entre les associations, le personnel de l'ASE et d'autres dispositifs, notamment celui de l'évaluation. L'évaluateur voit le jeune dans un bureau, avec un timing serré. Je ne jette pas la pierre aux associations mandatées, mais quand je vois, de l'autre côté de la grille, que des gens remettent des jeunes de 15 ans à la rue sans duvet en plein hiver, je ne peux que trouver cela inhumain. Nous en avons parlé avec les services de la ville de Paris.

J'insiste sur le fait que les arrivées sont moins nombreuses. On veut nous faire croire qu'il y a des flux migratoires qu'on ne peut pas absorber, mais ce n'est vraiment pas le cas. Les chiffres le montrent.

Vous avez demandé combien de jeunes nous aidons. Il est très compliqué de donner un chiffre car des jeunes d'autres associations viennent manger chez nous, ou bien nous leur donnons des vêtements, mais nous ne leur apportons pas un suivi juridique. En revanche, à partir du moment où nous faisons héberger un jeune, nous l'accompagnons du début à la fin. Cela concerne des centaines de personnes.

Nous avons eu des hébergements collectifs d'octobre à fin juin, puis nous avons eu recours à des hôtels et ensuite à des occupations en l'absence de bénévoles et de solutions d'hébergement. Il faut trouver des lieux et du personnel d'encadrement, qui n'est d'ailleurs pas du personnel puisque ce sont des bénévoles. Je suis, pour ma part, professeure dans l'enseignement supérieur. Il faut pouvoir passer des nuits à côté des jeunes et aller faire les courses. Nous avons eu quarante jeunes en continu, étant entendu qu'un jeune placé est remplacé par un autre. Nous sommes très peu de bénévoles sur le terrain : nous faisons les distributions à cinq ou six, sachant que d'autres personnes agissent à d'autres niveaux. Pour l'hébergement collectif, une dizaine de personnes se relaient.

Lors de l'occupation du square Jules-Ferry l'année dernière, pendant trente-cinq jours et trente-cinq nuits, avec MSF et d'autres associations, notre demande solennelle était que l'État et la mairie de Paris mettent en place un dispositif d'hébergement : les associations devaient arrêter de s'en occuper. Trente places d'hébergement d'urgence ont été ouvertes dans le 15e arrondissement, alors qu'une association peut arriver, avec peu de moyens et même aucun salarié, à héberger au moins quarante jeunes en continu ! Il faut développer les hébergements. Il serait bien de créer un « tunnel », mais encore faudrait-il qu'il y ait un pont, c'est-à-dire un dispositif en cas de refus à la suite de l'évaluation. On ne doit pas renvoyer les jeunes vers les dispositifs pour les majeurs.

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