Intervention de Sylvain Perrier

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Sylvain Perrier, secrétaire général de Droit à l'école :

S'agissant des filles, il faut souligner que nos associations interviennent en aval des dispositifs d'évaluation qui les acceptent, heureusement, beaucoup plus vite. Elles sont confiées à l'ASE plus rapidement, comme les tout petits. Un Érythréen de 13 ans amené au DEMIE est pris en charge tout de suite. Il y a des choses qui fonctionnent, et il faut le dire, comme l'ASE à Paris pour ceux qui sont pris. Comme nous nous occupons de ceux qui ne sont pas pris, nos chiffres ne sont pas très représentatifs.

Nous avons soixante élèves en permanence. MSF est le premier pourvoyeur de jeunes dans notre école : nous travaillons de concert avec les autres associations. Nous avons scolarisé 180 jeunes l'année dernière, soit directement soit avec l'ASE qui les avait pris en charge.

En ce qui concerne le critère de six mois de formation professionnalisante pour la délivrance d'un titre de séjour étudiant, que nous avions réclamé, le problème est que certains jeunes sont toujours inscrits dans une classe d'accueil. La condition n'est donc pas remplie. S'ils font une demande en préfecture, ils feront l'objet d'une OQTF. Les jeunes obtiennent souvent un récépissé, après des mois et des mois, ils commencent un bac pro ou un CAP, mais ils ont quand même une OQTF à la fin. C'est le cas pour la plupart d'entre eux, même ceux qui ont eu un statut étudiant pendant un ou deux ans. Celui-ci ne garantit donc rien, et encore faut-il avoir été pris en charge par l'ASE : la plupart de ceux qui ne l'ont pas été risquent de ne rien avoir.

Nous avons eu hier une OQTF visant un jeune qui avait un bac pro en pâtisserie : il avait été absent deux fois au cours du trimestre. Ces jeunes sont beaucoup moins absents que les autres, mais pour deux absences lors d'un trimestre – liées à une opération chirurgicale – on vous refuse un titre de séjour et on vous oblige à quitter le territoire. Ces jeunes n'ont pas le droit d'être absents, quand bien même ils auraient de bonnes raisons de l'être.

Je suis mille fois d'accord avec l'idée qu'il faut sortir de l'obsession de la minorité. Si l'on parvenait à prendre un peu de recul pour s'occuper de tous les jeunes scolarisés, quel que soit leur âge, étant entendu qu'on ne peut pas vraiment entrer dans l'éducation nationale après 18 ans, ce serait un soulagement, car il y aurait une petite marge. Que le jeune scolarisé ait 18 ou 19 ans, cela ne change pas grand-chose : il a été à l'école en France, on a commencé à faire de lui un futur super-citoyen.

Je travaille avec des migrants depuis une vingtaine d'années, même si l'association que je représente n'a que cinq ou six ans. Je peux vous dire que les empêcher d'avoir un titre de séjour stable revient à les empêcher de rentrer chez eux. J'ai côtoyé un grand nombre de personnes venant de diverses communautés qui ont dû attendre dix ou douze ans pour avoir un titre de séjour stable, de plus d'un an. Le jour où ils l'ont obtenu, ils sont retournés dans leur pays pour développer des liens, ils ont fait des allers-retours. Si on n'a pas un titre de séjour de cinq ans, rentrer chez soi, c'est perdre tous ses amis, parce qu'on ne pourra plus jamais revenir, on ne pourra plus jamais redemander un visa dans une ambassade : cela représente des années de galère, et il faut avoir 50 000 euros sur un compte en banque. Les gens ne repartiront jamais tant qu'ils n'auront pas ce document très précieux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.