La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) participe à l'élaboration des politiques publiques en lien avec l'enfance et la jeunesse, en particulier des politiques judiciaires liées à la protection de l'enfance et à la prise en charge des mineurs sous main de justice – autrement dénommés « en conflit avec la loi ». La loi du 14 mars 2016 nous a confié la mission de répartir entre les départements, après saisine des magistrats, les enfants qualifiés de « mineurs non accompagnés », dont on a vérifié la minorité et l'isolement. De fait, la compétence en matière de protection de l'enfance relève, depuis 2007, des départements.
La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a créé, à la demande du législateur, une mission dédiée aux mineurs non accompagnés, dirigée par Yasmine Degras. Cette structure est en lien permanent avec les juridictions et les départements, ce qui nous donne une vue générale des choses. En parallèle, la prise en charge des mineurs en difficulté avec la loi nous apporte une autre vision.
Nous sommes en relation constante avec le ministère de l'intérieur sur les enjeux liés à la migration. Avant que plusieurs dispositifs, notamment le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM), ne soient institués, nous avions le sentiment – qui était corroboré par un certain nombre de constatations – que la protection que nous accordons aux personnes évaluées comme mineures était susceptible de rendre notre pays plus attractif aux yeux des migrants. Des personnes majeures se déclaraient parfois mineurs non accompagnés ; 30 % des personnes sollicitant la protection de l'enfance pouvaient être dans ce cas. Non seulement cela menaçait le dispositif d'embolie, mais cela conduisait également à faire cohabiter mineurs et majeurs dans les lieux d'hébergement.
À l'issue d'une étroite concertation entre les départements, la PJJ, le ministère de l'intérieur et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des solidarités et de la santé, plusieurs dispositifs ont été institués, à commencer par le fichier AEM, qui avait pour vocation d'éviter le nomadisme. En effet, non seulement des personnes majeures se déclaraient mineures, mais des personnes non déclarées mineures se présentaient dans plusieurs départements, ce qui rendait difficile le suivi de leur parcours. Par ailleurs, cela entraînait des difficultés d'ordre humain : des mineurs pouvaient faire l'objet de plusieurs évaluations, parfois de manière injustifiée, un département contestant la décision prise par un département voisin.
Par principe – c'est notre mission –, nous accordons la protection à tout enfant isolé sur notre territoire : nous sommes liés, en la matière, par les conventions internationales. L'accomplissement de cette tâche se heurte toutefois à des difficultés matérielles, à commencer par la définition d'une méthode permettant d'évaluer la minorité – dans un contexte marqué, il y a quelques années encore, par des flux migratoires massifs. Par ailleurs, l'État et les départements doivent s'accorder sur la répartition des charges liées à la protection des MNA. On observe des pratiques très différentes d'un département à l'autre, en fonction des politiques menées et des contraintes existantes.
Le fichier AEM, et les conventionnements conclus par les préfets avec les départements, ont permis aux acteurs de se parler et de cadrer – grâce à un travail que nous avons conduit avec la DGCS – l'activité des uns et des autres. La PJJ a élaboré avec la DGCS un cadre d'évaluation que la loi a imposé aux associations. Nous travaillons, avec l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), à la formation des associations pour faciliter et homogénéiser l'évaluation de la minorité. De véritables progrès sont donc intervenus. Il est toutefois malaisé de définir l'efficacité des dispositifs du fait de la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des frontières. Les flux migratoires se sont trouvés quasiment à l'arrêt. Ils reprennent à l'heure actuelle très légèrement, mais leur niveau n'a rien à voir avec celui des années 2016 à 2018.
Le plan relatif aux MNA que défend la PJJ comprend un volet international. Nous travaillons en particulier avec trois pays particulièrement concernés : l'Italie et l'Espagne, compte tenu de leur situation géographique, et la Suède, qui est un pays attractif pour les mineurs car il accorde, en même temps que la protection, des titres de séjour provisoires – ce qui n'est pas le cas en France. Dans notre pays, lorsqu'un mineur non accompagné bénéficie du dispositif judiciaire et départemental de la protection de l'enfance, son dossier ne fait pas l'objet d'un traitement administratif. Le ministère de l'intérieur n'intervient pas en la matière – entre nous soit dit, il ne souhaite pas le faire. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ne traite pas des mineurs. Cette séparation reflète nos engagements et notre philosophie. Elle n'est toutefois pas sans susciter des difficultés, car l'absence de documents administratifs et, pour les plus jeunes, le fait qu'aucune démarche ne soit engagée pour en obtenir, laissent en suspens la situation administrative des mineurs. Or, ils restent souvent sur le territoire. Les départements et la PJJ doivent se démener, engager des discussions parfois complexes avec l'administration pour que celle-ci accorde aux jeunes des papiers, notamment à leur majorité. Nous peinons à inscrire les mineurs à l'école, aux examens, à la sécurité sociale ; ils ne peuvent pas ouvrir de compte bancaire.