La réunion

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La réunion débute à dix-sept heures trente.

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Mes chers collègues, nous accueillons Mme Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, et Mme Yasmine Degras, responsable de la mission des mineurs non accompagnés au sein du ministère de la justice.

Les représentants d'associations et d'organisations non gouvernementales (ONG) que nous avons auditionnés partagent un même constat : il règne, selon eux, un climat de suspicion à l'égard des mineurs non accompagnés (MNA). Des refoulements, éventuellement accompagnés d'abus, sont parfois observés aux frontières. Ces pratiques s'inscrivent dans une logique de contrôle des flux migratoires, sans que l'on puisse déterminer a priori leur effet réel sur la circulation des migrants. Plusieurs personnes auditionnées ont rappelé la nécessité de revenir à une logique de protection, d'assurer une protection spécifique de l'enfance aux frontières, de prendre en considération les traumatismes subis par les enfants. Quels éclairages pouvez-vous apporter à ce sujet ? Partagez-vous le constat qui a été dressé ? Relevez-vous des insuffisances dans le dispositif actuel ?

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(Mme Charlotte Caubel et Mme Yasmine Degras prêtent successivement serment.)

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) participe à l'élaboration des politiques publiques en lien avec l'enfance et la jeunesse, en particulier des politiques judiciaires liées à la protection de l'enfance et à la prise en charge des mineurs sous main de justice – autrement dénommés « en conflit avec la loi ». La loi du 14 mars 2016 nous a confié la mission de répartir entre les départements, après saisine des magistrats, les enfants qualifiés de « mineurs non accompagnés », dont on a vérifié la minorité et l'isolement. De fait, la compétence en matière de protection de l'enfance relève, depuis 2007, des départements.

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a créé, à la demande du législateur, une mission dédiée aux mineurs non accompagnés, dirigée par Yasmine Degras. Cette structure est en lien permanent avec les juridictions et les départements, ce qui nous donne une vue générale des choses. En parallèle, la prise en charge des mineurs en difficulté avec la loi nous apporte une autre vision.

Nous sommes en relation constante avec le ministère de l'intérieur sur les enjeux liés à la migration. Avant que plusieurs dispositifs, notamment le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM), ne soient institués, nous avions le sentiment – qui était corroboré par un certain nombre de constatations – que la protection que nous accordons aux personnes évaluées comme mineures était susceptible de rendre notre pays plus attractif aux yeux des migrants. Des personnes majeures se déclaraient parfois mineurs non accompagnés ; 30 % des personnes sollicitant la protection de l'enfance pouvaient être dans ce cas. Non seulement cela menaçait le dispositif d'embolie, mais cela conduisait également à faire cohabiter mineurs et majeurs dans les lieux d'hébergement.

À l'issue d'une étroite concertation entre les départements, la PJJ, le ministère de l'intérieur et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des solidarités et de la santé, plusieurs dispositifs ont été institués, à commencer par le fichier AEM, qui avait pour vocation d'éviter le nomadisme. En effet, non seulement des personnes majeures se déclaraient mineures, mais des personnes non déclarées mineures se présentaient dans plusieurs départements, ce qui rendait difficile le suivi de leur parcours. Par ailleurs, cela entraînait des difficultés d'ordre humain : des mineurs pouvaient faire l'objet de plusieurs évaluations, parfois de manière injustifiée, un département contestant la décision prise par un département voisin.

Par principe – c'est notre mission –, nous accordons la protection à tout enfant isolé sur notre territoire : nous sommes liés, en la matière, par les conventions internationales. L'accomplissement de cette tâche se heurte toutefois à des difficultés matérielles, à commencer par la définition d'une méthode permettant d'évaluer la minorité – dans un contexte marqué, il y a quelques années encore, par des flux migratoires massifs. Par ailleurs, l'État et les départements doivent s'accorder sur la répartition des charges liées à la protection des MNA. On observe des pratiques très différentes d'un département à l'autre, en fonction des politiques menées et des contraintes existantes.

Le fichier AEM, et les conventionnements conclus par les préfets avec les départements, ont permis aux acteurs de se parler et de cadrer – grâce à un travail que nous avons conduit avec la DGCS – l'activité des uns et des autres. La PJJ a élaboré avec la DGCS un cadre d'évaluation que la loi a imposé aux associations. Nous travaillons, avec l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), à la formation des associations pour faciliter et homogénéiser l'évaluation de la minorité. De véritables progrès sont donc intervenus. Il est toutefois malaisé de définir l'efficacité des dispositifs du fait de la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des frontières. Les flux migratoires se sont trouvés quasiment à l'arrêt. Ils reprennent à l'heure actuelle très légèrement, mais leur niveau n'a rien à voir avec celui des années 2016 à 2018.

Le plan relatif aux MNA que défend la PJJ comprend un volet international. Nous travaillons en particulier avec trois pays particulièrement concernés : l'Italie et l'Espagne, compte tenu de leur situation géographique, et la Suède, qui est un pays attractif pour les mineurs car il accorde, en même temps que la protection, des titres de séjour provisoires – ce qui n'est pas le cas en France. Dans notre pays, lorsqu'un mineur non accompagné bénéficie du dispositif judiciaire et départemental de la protection de l'enfance, son dossier ne fait pas l'objet d'un traitement administratif. Le ministère de l'intérieur n'intervient pas en la matière – entre nous soit dit, il ne souhaite pas le faire. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ne traite pas des mineurs. Cette séparation reflète nos engagements et notre philosophie. Elle n'est toutefois pas sans susciter des difficultés, car l'absence de documents administratifs et, pour les plus jeunes, le fait qu'aucune démarche ne soit engagée pour en obtenir, laissent en suspens la situation administrative des mineurs. Or, ils restent souvent sur le territoire. Les départements et la PJJ doivent se démener, engager des discussions parfois complexes avec l'administration pour que celle-ci accorde aux jeunes des papiers, notamment à leur majorité. Nous peinons à inscrire les mineurs à l'école, aux examens, à la sécurité sociale ; ils ne peuvent pas ouvrir de compte bancaire.

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Yasmine Degras, responsable de la mission des mineurs non accompagnés au sein du ministère de la justice

Nous sommes très conscients de l'engagement des associations et des ONG, à l'image du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et de Human Rights Watch, que nous recevons régulièrement. Nous sommes informés par celles-ci et par les départements de difficultés, et parfois même de dérives, telles que des refoulements à la frontière. Nous lançons en pareil cas une alerte au ministère de l'intérieur pour faire état d'un dysfonctionnement ou d'un fait qui ne devrait pas se produire. Nous portons à la connaissance du garde des sceaux, par des alertes mensuelles, les incidents qui nous sont signalés. Lorsqu'ils relèvent du ministère de l'intérieur, nous l'informons et lui fournissons tous les éléments liés aux faits en question.

La difficulté consiste à faire entendre aux associations que, si un certain nombre de jeunes ne sont pas pris en charge, à l'inverse, des majeurs s'efforcent d'infiltrer le système de la protection de l'enfance. C'est une réalité que tous les départements connaissent, qu'ils aient une vision souple ou rigide de l'évaluation de la minorité.

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Les personnes que nous avons auditionnées ont insisté sur la présomption de minorité. Il arrive qu'au terme d'un processus long de plusieurs mois, voire de plusieurs années, une personne soit reconnue mineure à quelques mois de sa majorité. Avez-vous eu des remontées en ce sens ?

On nous a aussi fait part de la rupture de scolarisation que subissaient les mineurs. Nous devons leur offrir des réponses, par exemple leur proposer d'entrer en apprentissage chez un boulanger, un pâtissier, un boucher désireux de les accueillir. La déscolarisation survient à un âge crucial et peut mettre à mal le travail considérable que les services de l'État mènent des années durant.

Quels retours d'expérience, quelles évaluations réalisez-vous avec le ministère de l'intérieur ? Quels enseignements tirez-vous, par exemple, de dysfonctionnements tels que des refoulements de mineurs à la frontière ? Définissez-vous des indicateurs ?

Nous nous réjouissons que le Conseil d'État ait affirmé que le fichier AEM ne devait pas « comporter de finalité pénale ». Comment faire en sorte que son application soit cohérente d'un département à l'autre ?

Un travail considérable a été effectué pour assurer le rapatriement de mineurs depuis la Grèce. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

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La présomption de minorité est une question délicate. Je me suis rendue dans un grand nombre de foyers de l'aide sociale à l'enfance, où l'on peut rencontrer des personnes « très majeures ». À l'inverse, il arrive que l'on ne reconnaisse pas administrativement, dans un premier temps, la minorité d'un jeune, puis que celle-ci soit établie à l'issue d'un recours en justice. Au cours de cette période, le mineur aura dû cohabiter avec des majeurs. Comment pourrait-on protéger les mineurs le temps de l'examen de leur recours ? Connaissez-vous le pourcentage des jeunes reconnus mineurs à l'issue de leur recours ?

Que pensez-vous de la proposition des associations consistant à rendre le juge des enfants seul compétent pour évaluer la minorité, ce qui impliquerait la suppression de l'évaluation administrative ?

Qu'en est-il du rapport prévu par la loi asile et immigration sur le fichier AEM, qui est utilisé dans quatre-vingt-quatre départements ?

Les associations auditionnées ont exprimé leurs doutes quant à la formation à l'évaluation. Pouvez-vous nous apporter des éclairages à ce sujet ?

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Le 30 septembre, le nouveau code de la justice pénale des mineurs entrera en vigueur. Le ministère de la justice a indiqué que les délais de jugement seraient raccourcis et la prise en charge éducative améliorée. Avec les services du ministère, tous les acteurs s'y préparent depuis plusieurs mois. Quels dispositifs ont été repensés concernant les MNA ?

À l'heure actuelle, en France, pensez-vous que la politique de contrôle des flux migratoires prévaut sur la protection de l'enfance ?

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

Il faut être extrêmement vigilant sur les sujets de l'enfance et des politiques migratoires. À mon sens, le ministère de l'intérieur a la légitimité pour agir en la matière. Il a raison d'être vigilant quant à l'appel d'air que crée notre dispositif de protection de l'enfance, sous un double rapport : la logique de flux et, surtout, le parcours migratoire des mineurs. Les enfants sont envoyés vers l'Europe, car on sait qu'elle les protège. Il faut prendre conscience des souffrances qu'ils endurent avant d'arriver sur notre territoire. Il serait irresponsable de ne pas veiller à l'équilibre entre les flux et la protection que l'on doit aux enfants lorsqu'ils foulent le sol de notre pays. Lorsqu'ils se trouvent sur notre territoire, on ne doit pas avoir le moindre état d'âme : ces mineurs – pour autant qu'ils le soient réellement – doivent être protégés, accompagnés, formés, scolarisés et vraisemblablement – car ils restent souvent longtemps en France – définitivement intégrés.

Cela étant, il faut veiller à ce que des majeurs ne bénéficient pas de cette protection. Il faut être vigilant quant à l'appel d'air, à l'origine de flux extrêmement problématiques. Des mineurs arrivent chez nous fracassés. Quels que soient les motifs d'émigration, qui varient selon les pays et que nous connaissons, ces jeunes sont déracinés. Les parcours, les filières sont très dangereux pour ces enfants qui connaissent des situations personnelles extrêmement complexes. Il ne faut pas non plus minimiser le fait que ce sont des proies pour les réseaux se livrant à la traite des êtres humains. Les enfants sont victimes de violences, contraints aux travaux forcés durant leur parcours migratoire. Des études ont révélé des faits choquants, concernant par exemple les mineurs venant du golfe de Guinée, qui doivent franchir trois ou quatre étapes avant d'arriver chez nous. Lorsqu'ils entrent en France, ils peuvent être la proie de réseaux extrêmement agressifs, qui exploitent leur minorité pour se livrer à des trafics divers. On ne peut pas dissocier la question de la migration de celle de la protection de l'enfance. Cela étant, je comprends les associations, qui sont dans leur rôle.

Certains actes, commis par exemple à la frontière franco-italienne, ont pu choquer les associations, à l'instar de positions politiques exprimées au sujet de bateaux se trouvant dans les eaux italiennes. Il appartient aux États européens de respecter leurs engagements. En principe, les mesures administratives et protectrices sont prises dans le pays d'entrée. C'est plus facile à dire lorsqu'on est en France – ou à plus forte raison en Suède – qu'en Italie ou en Espagne, mais c'est une réalité. Le travail effectué par la police aux frontières aux postes frontaliers avec l'Italie et l'Espagne n'est pas illégitime ; il s'inscrit dans le cadre des rapports bienveillants que nous entretenons avec nos voisins. Nous veillons à ce que les mineurs ne soient pas refoulés mais souhaitons en même temps éviter le nomadisme de la part de personnes déjà entrées dans le dispositif italien ou espagnol, qui doivent y rester. Nous veillons également à ce que le ministère de l'intérieur respecte les engagements forts qui ont été pris en matière de protection de l'enfance. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que l'Italie, l'Espagne et l'ensemble des États membres se conforment aux engagements européens en matière de gestion des flux et de protection de l'enfance.

La minorité, rappelons-le, est un état provisoire qui ne peut être établi scientifiquement, définitivement, à moins de disposer – pour les pays qui en délivrent – de documents d'état civil. Cette difficulté est insurmontable et se trouve au cœur de nos problématiques. La décision d'un juge reconnaissant la minorité est temporaire : elle peut être contestée dès le lendemain. Elle peut donner lieu à des conflits entre juges : un juge des enfants peut reconnaître la minorité, et un tribunal correctionnel se prononcer en sens inverse ; des juges des enfants peuvent aussi avoir des appréciations divergentes. Nous n'avons pas de calculatrice pour définir la minorité.

À titre personnel, je suis totalement opposée à la judiciarisation de l'évaluation de la minorité. Il faudrait d'abord déterminer qui est compétent. Aujourd'hui, le département ou le juge des enfants évalue la minorité pour déterminer s'il est compétent, non pour délivrer un titre d'identité à un mineur. En attribuant une compétence exclusive au juge, on conférerait une valeur juridique à sa décision. Il n'est pas certain que tout le monde s'accorde sur ce point. Au surplus, cette valeur juridique serait fondée sur un état provisoire, non démontré scientifiquement. Par ailleurs, une telle évolution aurait des incidences juridiques : elle conduirait, par exemple, à l'établissement d'une reconnaissance de nationalité ou à d'autres dispositifs liés à l'identité, complexes à gérer.

Surtout, il faut s'attendre à ce que les décisions prises en la matière soient contestées. Elles ne seront donc pas prises plus rapidement qu'elles ne le sont actuellement par les départements. N'imaginons pas que la judiciarisation permettra une mise à l'abri plus rapide des personnes se prétendant mineurs non accompagnés. La justice est rarement plus rapide que l'administration. Elle a ses propres recours et connaît des conflits de compétences. Il n'est pas démontré que la judiciarisation améliorerait le dispositif. J'ai la conviction qu'elle compliquerait les choses. À titre d'exemple, nous avons évalué une circulaire que nous avons prise conjointement avec la direction des affaires criminelles et qui prévoit la saisine du juge des enfants aux fins d'assistance éducative lorsque le mineur non accompagné est impliqué au pénal. Ce texte n'est pas appliqué de manière homogène sur le territoire : chacun fait comme il l'entend, en fonction des flux.

Je suis d'autant plus opposée à la judiciarisation que le processus d'évaluation de la minorité doit être pluridisciplinaire et le plus complet possible. Notre mission est de faire en sorte que les associations soient encadrées et accomplissent le travail le plus approfondi possible. Elles ont un rôle très utile, car elles accompagnent le mineur dans son parcours migratoire.

La présomption de minorité est couramment appliquée dans le cadre de la procédure pénale. Nous nous heurtons en la matière à une difficulté. Les juges des enfants, saisis d'un certain nombre de dossiers par le parquet, ont parfois la conviction qu'ils ont en face d'eux un majeur, qui a pu être considéré, pour telle ou telle raison, mineur par la police ou à la suite de la déclaration de l'avocat. Au bénéfice du doute, on va lui accorder la minorité, notamment pour qu'il se voie appliquer les règles de droit pénal les plus douces. Toutefois, on ne le fait pas bénéficier des dispositifs éducatifs et de protection de l'enfance, car on considère qu'il est bientôt majeur, voire déjà majeur. Quoique isolés, ces jeunes ne sont donc pris en charge ni par la protection de l'enfance, ni par la PJJ au pénal – car le juge ne nous confie pas une mesure éducative –, ni par la justice, ni par les dispositifs administratifs concernant les majeurs. Les personnes qui se prétendent réfugiées se voient accorder un document et bénéficient d'un accompagnement peut-être plus protecteur que celui apporté aux jeunes se disant mineurs non accompagnés. Dans cette approche systématique, la protection de l'enfance a ses limites : les personnes qui n'en bénéficient pas se trouvent en dehors de tous les dispositifs et n'ont aucune trace des démarches qu'ils ont engagées, car on ne leur donne pas la copie du fichier AEM. Ils errent dans les dispositifs, jusqu'à ce qu'on leur applique les règles propres aux majeurs.

Je le répète, je n'ai aucun état d'âme si un mineur est pris en charge au titre de la protection de l'enfance et bénéficie de tous les droits y afférents. Quant à ceux qui sont bientôt majeurs ou qui sont en fait de tout jeunes majeurs, ils sont moins protégés que dans le cadre des filières réservées aux majeurs.

L'une des grandes difficultés auxquelles est confronté le ministère de la justice est le caractère inexploitable de ses statistiques, qu'elles soient civiles ou pénales : pour des raisons historiques, et en dépit des efforts considérables consentis ces dernières années, ses outils informatiques et statistiques ne sont guère performants – ils le sont moins, en tout cas, que ceux du ministère de l'intérieur. Ainsi, parce que nous avons toujours été très vigilants quant à la protection des données, le nouvel applicatif de la PJJ ne comprenait pas, jusqu'à récemment, de case « MNA » – celle-ci a été ajoutée cette année, sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés –, de sorte qu'il nous était impossible de calculer le nombre des personnes intégrées dans les dispositifs qui relevaient de cette catégorie.

Il en va de même en matière de justice civile. Nous ne disposons donc de statistiques ni sur l'origine de la saisine du juge des enfants – est-elle consécutive à un recours contre la décision de refus d'un département ou est-elle directe, ce qui est encore très fréquent ? –, ni sur les recours formés devant la cour d'appel contre les décisions des juges des enfants accordant ou refusant la minorité. Ainsi, les chiffres qui sont avancés concernant notamment les délais et les recours sont établis au doigt mouillé par la mission mineurs non accompagnés (MMNA) dans le cadre de ses relations quotidiennes avec les juridictions ou de manière artisanale par celles de ces juridictions qui traitent des masses importantes de dossiers, notamment au pénal. Les départements, en tant qu'ils financent une partie de la mise à l'abri, disposent de statistiques fiables, mais tel n'est pas le cas de la justice. Nous ne pouvons donc pas répondre à votre question.

En ce qui concerne l'appui à l'évaluation de la minorité (AEM), il ne fait pas de doute qu'il a pour vocation la protection de l'enfance. Néanmoins, il existe entre la protection de l'enfance et l'administratif une césure telle – je l'ai expliqué – que les personnes se déclarant mineurs non accompagnés n'existent pas tant qu'elles ne sont pas dans les dispositifs et ont tout de même du mal à exister tant qu'on ne leur donne pas des papiers. Le problème est le même au pénal, où les mineurs donnent des alias et sont assez volatils, allant d'une structure à l'autre. Certes, il est difficilement envisageable sur un plan philosophique que l'AEM serve au pénal, mais je ne suis pas certaine que cette extension ne bénéficierait pas aux mineurs qui nous sont confiés car, « inexistants », ces jeunes gens – j'emploie cette expression car ils ne sont pas nécessairement mineurs – ne peuvent pas entrer dans les processus d'intégration de droit commun. Les éducateurs de la PJJ auxquels on confie une mission auprès d'un mineur faisant l'objet d'une procédure pénale finissent par passer plus de temps à la préfecture qu'auprès du mineur, pour préparer la sortie du dispositif.

Par ailleurs, dans le processus pénal, la minorité est établie sur procès-verbal par les policiers, sur le fondement d'éléments d'investigation qui n'ont rien à voir avec l'évaluation de la minorité telle qu'elle est effectuée dans le domaine de la protection de l'enfance. On n'assure donc pas le même accompagnement qu'au civil. Le ministre m'ayant demandé de lui proposer un plan global concernant les mineurs non accompagnés, je vais demander à mes équipes de se pencher sur ce circuit afin que l'évaluation de la minorité soit complète. C'est plus simple à dire qu'à faire, car on fait évidemment moins dans le cadre d'une garde à vue que dans celui de la mise à l'abri par les départements. Toujours est-il que, lorsqu'un mineur entre par le dispositif pénal, rien ne s'enclenche correctement, depuis l'évaluation de la minorité jusqu'à l'insertion – car nous avons tout de même de très beaux succès en la matière.

S'agissant du code de la justice pénale des mineurs, le CJPM, il importe que la réforme, qui tend à améliorer la réactivité des procédures tout en assurant une efficacité éducative, ne se limite pas, en ce qui concerne les MNA, au premier objectif. Le fait de ne pas se soumettre à l'identification est un des critères de déferrement et de saisine de l'audience unique. Il va donc falloir qu'avocats, acteurs de la PJJ et magistrats jouent leur rôle de garant de la protection des droits des enfants pour que la réponse judiciaire soit effectivement complétée par des dispositifs éducatifs. Actuellement, et nous le déplorons fortement, 20 % des mineurs détenus sont qualifiés de mineurs non accompagnés – et ils rencontrent de véritables difficultés en détention. Ce taux inacceptable s'explique par le fait que l'incarcération est prononcée en cas de défaut de garanties de représentation et d'identité – on rejoint ici la question de l'AEM –, mais l'on peut comprendre que, l'ordre public étant fortement troublé par certains actes commis par des mineurs isolés, des parquets et des magistrats optent pour cette politique.

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Madame la directrice, je souhaite réagir à certains de vos propos qui m'ont presque empêchée d'accorder à votre intervention toute l'attention qu'elle mérite en raison du rôle essentiel que vous jouez dans le dispositif d'accueil des mineurs. Vous avez en effet parlé d'« appel d'air » ; or, je ne peux plus entendre cette expression, qui ne correspond pas à la réalité des faits que nous constatons depuis la crise de 2015-2016. Nous devons être attentifs aux mots que nous utilisons.

Au regard de l'accueil qui est réservé aux migrants ailleurs en Europe ou dans les pays voisins de certains conflits internationaux, nous faisons bien peu, en définitive. On parle d'appel d'air tout en élevant, par la multiplication des difficultés, notamment administratives, des barricades qui font de l'émigration dans notre pays un véritable parcours du combattant pour les étrangers. Il faut être prudent. Je ne nie pas la réalité des difficultés des administrations et des problèmes d'ordre public, mais voyez les obstacles que rencontrent les étrangers pour obtenir ne serait-ce qu'un rendez-vous à la préfecture, voyez le nombre de jeunes de 16 ans ou, certes, parfois de 22 ans qui vivent dans la rue dans des conditions indignes, sont livrés à eux-mêmes et, forcément, participent à divers trafics. Craindre un appel d'air alors qu'on mène des politiques qui ne sont pas aussi inclusives qu'elles devraient l'être, c'est manquer de cohérence. Je pense au jeune qui a eu la chance d'être reconnu mineur et de suivre un apprentissage mais qui ne peut pas être embauché au terme de celui-ci, faute de pouvoir obtenir un titre de séjour. Il faut mettre fin à ce type d'incohérences ! Aussi, je vous le dis avec le cœur, madame la directrice : je ne peux plus entendre parler d'appel d'air.

Construisons un parcours légal d'immigration au lieu d'élever des barrières en considérant que nous n'avons pas besoin d'immigration : cela ne correspond ni à la réalité de notre pays, ni aux aspirations des étrangers, ni aux besoins de notre économie.

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Nous sommes plusieurs à avoir fait le constat d'une absence de politique publique en matière d'immigration. Ce n'est pas de votre fait, madame la directrice : depuis 2007, cette question relève tout entière du seul ministère de l'intérieur, de sorte que, sur le terrain, il est parfois difficile de pouvoir s'adresser aux bons interlocuteurs. Du reste, l'une de nos recommandations sera de revenir à l'organisation qui prévalait avant 2007 afin que la compétence en matière d'immigration soit à nouveau partagée entre cinq ministères. Encore une fois, ce n'est pas la responsabilité de l'administration ; aucun gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, n'est parvenu à résoudre ce problème multiforme. Nous ne sommes pas des tenants du « y'a qu'à, faut qu'on », mais l'immigration est un fait structurel qui doit être intégré dans nos politiques publiques.

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

Je me suis mal fait comprendre. Si l'on a pour seul dispositif celui de la protection de l'enfance tel qu'il existe aujourd'hui, on provoque un appel d'air en encourageant les flux migratoires de mineurs isolés. Il ne m'appartient pas de prendre position sur la politique générale d'immigration ; je dis seulement que si l'on se contente d'appliquer la présomption de minorité et de donner à tous ceux qui arrivent le bénéfice de la protection de l'enfance, on permet à des personnes se déclarant abusivement mineures d'utiliser ce canal pour entrer sur notre territoire et à des parents – qui se trouvent dans des situations tragiques, au Maroc ou dans le golfe de Guinée – d'envoyer sur les routes migratoires des mineurs isolés. Or il est de la responsabilité d'une direction chargée de la protection de l'enfance d'être attentive à cet appel d'air spécifique qui met des mineurs en danger. Bien entendu, une fois qu'ils sont chez nous, il faut impérativement tout mettre en œuvre pour les aider ; je plaide du reste pour l'établissement d'un document provisoire qui permette aux équipes éducatives, qu'elles relèvent du civil ou du pénal, de travailler à l'insertion de ces personnes. Il n'est pas acceptable qu'à l'âge – présumé – de 18 ans, elles se retrouvent dans la rue et ne soient pas mieux accompagnées. La grande chance de ma direction est de pouvoir comparer les deux dispositifs et d'identifier leurs difficultés communes.

Mais notre générosité ne doit pas être naïve : si l'on considère que toute personne se prétendant mineure doit bénéficier de la présomption de minorité et de la protection de l'enfance, nous serons de nouveau confrontés au nomadisme et à des parcours extrêmement dangereux, briseurs d'enfance, tels que ceux des personnes qui se présentent à la frontière franco-italienne ou franco-espagnole.

Nous participons avec nos homologues espagnols, italiens et suédois au projet de l'Union européenne de protection des mineurs non accompagnés (EUPROM), dans le cadre duquel nous échangeons des informations, non pas à des fins de répression, mais pour mieux comprendre ces flux migratoires et pouvoir nous appuyer, lorsqu'un mineur qui a été pris en charge en Espagne arrive en France par exemple, sur ce qui a été fait dans ce pays afin d'inscrire le mineur dans un parcours cohérent, notamment sur le plan éducatif et sanitaire.

Nous travaillons également avec le ministère de l'intérieur, notamment avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile. Je plaide, à titre personnel, pour que la démarche de l'OFPRA, qui reçoit les majeurs souhaitant obtenir le statut de réfugiés, reconstitue leur parcours et leur octroie un document qui leur donne accès à un certain nombre de droits en attendant que l'administration statue, soit étendue aux mineurs ou aux personnes se prétendant mineures, car lorsqu'on leur refuse la minorité, ils repartent dans la nature. De fait, les associations et les départements, conscients qu'il s'agit tout de même de jeunes personnes, préfèrent souvent ne pas les renvoyer vers des dispositifs consacrés aux majeurs au motif qu'ils finiront, d'une manière ou d'une autre, par se représenter dans les dispositifs réservés aux mineurs.

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Quelle est la différence entre la procédure que vous décrivez et la présomption de minorité ?

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

Au cours de la période d'évaluation et de mise à l'abri – que nous leur devons – et en attendant que l'administration statue – même si nous avons fait d'importants progrès en matière d'harmonisation des techniques d'évaluation et de réduction des délais –, ces personnes, qui ne possèdent aucun document témoignant de leur démarche, non seulement ne sont pas prises en compte dans la durée, mais n'entrent pas dans les dispositifs qui sont parfois protecteurs pour les majeurs. Elles ne sont nulle part ! Par souci de préserver le concept de protection de l'enfance, on veut absolument éviter tout lien avec les majeurs, de sorte que ceux qui ont un âge intermédiaire sont comme en suspens. Je prêche donc pour qu'avec l'AEM, l'administration, chargée de l'identification, délivre un document qui servira de base tout au long du processus d'insertion du mineur – puisqu'au bout du compte, tel est bien l'objectif –, que ce soit dans les départements ou à la PJJ. Cette approche nous a été inspirée par l'opération de relocalisation de mineurs venant de Grèce, opération qui va vous être présentée par Yasmine Degras.

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Yasmine Degras, responsable de la mission des mineurs non accompagnés au sein du ministère de la justice

Pour compléter les propos de Charlotte Caubel, il est vrai que nous avons actuellement une conception restrictive du phénomène migratoire, mais nous ne sommes pas les seuls en Europe – je pense à l'Espagne, à l'Italie et même à l'Europe dans son ensemble. Je ne porte pas de jugement mais il s'agit, hélas ! d'une réalité européenne.

L'opération de relocalisation des MNA de Grèce est un beau projet, fédérateur puisqu'il relève d'un programme européen. Il s'agit d'une action de solidarité à l'égard des autorités grecques, qui avaient sur leur sol, dans les camps de réfugiés, de nombreux migrants mineurs. La France et l'Allemagne se sont engagées à accueillir chacune 500 d'entre eux, dix autres pays ayant pris un engagement identique mais qui porte sur un nombre de mineurs moins important. Cette opération, qui a commencé il y a un an, aurait dû s'achever à la fin de l'année dernière mais, en raison de la crise liée au covid-19, les arrivées ont été différées.

Il s'agit, il est vrai, d'un bel exemple d'accueil, mais celui-ci s'inscrit dans un cadre particulier. En effet, nous n'avons pas affaire ici aux jeunes migrants que nous accueillons habituellement au titre de la protection de l'enfance : ces derniers proviennent, à hauteur de 65 %, d'Afrique de l'Ouest et sont très rarement éligibles au droit d'asile. Quant aux jeunes migrants en provenance des camps de Grèce, leur situation est examinée en amont de leur arrivée sur le territoire français et ils sont tous éligibles à la protection internationale. Les mécanismes créés pour l'accueil de ces jeunes, répartis dans l'ensemble des départements, sont très intéressants et doivent pouvoir être utilisés pour les autres mineurs. Toutefois, je le répète, la situation de ces jeunes relocalisés depuis la Grèce est différente de celle de la grande majorité des populations migrantes, qui quittent leur pays pour des raisons économiques, climatiques ou parce qu'elles sont victimes de maltraitance. En tout état de cause, l'opération va conduire à une augmentation du nombre d'octrois du statut de demandeur d'asile à des mineurs, qui est très faible en France, et c'est une très bonne chose. Mais, encore une fois, nous avons affaire ici à une partie seulement de la migration globale.

La relocalisation se passe bien. À ce jour, près de 350 jeunes sont arrivés sur notre territoire, en dix vagues successives. Ils sont très bien accueillis dans les départements, voire mieux que les jeunes que nous orientons quotidiennement. Néanmoins, on constate qu'environ 10 % d'entre eux fuguent, pour des raisons aisément compréhensibles. En effet, la majorité d'entre eux sont de jeunes Afghans qui auraient préféré être accueillis en Allemagne, où il existe une importante communauté afghane. Ainsi certains d'entre eux cherchent à se rendre, soit en Allemagne, soit en Grande-Bretagne.

Dans le cadre de notre travail avec les différentes autorités concernées – ministère de l'intérieur, OFPRA, direction générale de la sécurité intérieure, Office des migrations internationales –, nous apprenons à organiser l'accueil de ces populations et nous contribuons à leur prise en charge rapide ainsi qu'à l'octroi d'une protection subsidiaire.

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Je vous remercie pour vos propos, qui montrent que l'administration n'est pas composée de soldats qui avancent tous dans le même sens. Nous craignions que vous vous limitiez à des éléments de langage, tel n'est pas le cas, et nous vous en félicitons.

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Tout d'abord, je n'ai pas obtenu de réponse à la question que j'ai posée sur les conséquences que pourrait avoir le nouveau code de la justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur le 30 septembre, pour les mineurs non accompagnés.

Par ailleurs, comment se fait-il, madame la directrice, que l'on tienne, à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, un discours sur l'appel d'air – théorie dont il a été par ailleurs scientifiquement démontré qu'elle n'avait aucune validité ? Un tel discours pourrait relever du ministère de l'intérieur ou du ministère des affaires étrangères, mais en aucun cas du ministère de la justice. Je souhaiterais donc savoir s'il existe un texte régissant vos missions ou une injonction du ministre qui expliquerait que vous intégriez ce concept dans la manière dont vous conduisez la politique publique concernant les mineurs non accompagnés ?

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

Lorsque mes éducateurs prennent en charge pendant deux ans des personnes dont on finit par établir, parce qu'elles donnent leur identité, qu'elles sont âgées de 25 ou 28 ans, ils dépensent une énergie qu'ils ne consacrent pas aux véritables mineurs. Voilà la difficulté ! De fait, une partie des mineurs pris en charge par mes équipes sont en fait majeurs et sont, au sein des foyers, en contact avec des très jeunes. Il ne s'agit pas de refuser de les accueillir mais, dès lors que la minorité ne peut pas être démontrée scientifiquement, il nous faut attendre que le pays d'origine nous communique leur état civil. Ainsi, tant que nous n'avons pas cette information, des majeurs côtoient des mineurs et accaparent l'énergie des équipes, que ce soit dans les départements, les classes, les structures de santé ou à la PJJ.

Excusez-moi d'avoir utilisé l'expression « appel d'air », mais je l'ai employée pour expliquer que la situation pourrait inciter les réseaux ou des parents qui se trouvent dans une situation très difficile à envoyer des enfants, parfois très jeunes, en Europe. On sait, par exemple, que les familles, qui ont le droit de rester un jour sans visa à Ceuta, se rendent dans cette enclave et y laissent un mineur avant de repartir. Celui-ci se trouve alors dans une situation que nous ne souhaitons à aucun de nos enfants ! L'expression « appel d'air » renvoie, non pas à la crainte d'être submergée par des MNA susceptibles d'être protégés par la PJJ, mais aux parcours migratoires que la situation peut induire.

En ce qui concerne le programme de relocalisation, l'élément très intéressant est le suivant : à leur arrivée en France en provenance de Grèce, les mineurs détenaient, grâce à l'OFPRA et à l'Organisation internationale pour les migrations, un document retraçant le travail effectué par les services sur le territoire grec et dans lequel leur minorité est mentionnée noir sur blanc. Ces documents ont été très rarement contestés par les départements et les mineurs concernés sont entrés dans les dispositifs sans qu'aucun recours n'ait été formé. C'est pourquoi je prêche pour l'établissement, dès qu'un mineur entre dans les dispositifs français, d'un document analogue qui pourrait être délivré par le ministère de l'intérieur ou celui des affaires étrangères – je ne me prononce pas sur ce point – car nous en avons besoin pour accompagner ceux qui seront qualifiés de mineurs.

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Je vous remercie pour cet échange fort intéressant. Vous êtes, l'une et l'autre, des femmes engagées, qui donnent de leur temps et s'efforcent d'agir avec les moyens dont elles disposent. Nous aborderons la question des moyens, car nous votons également le budget du ministère de la justice, lequel a d'ailleurs bénéficié récemment d'une augmentation de 8 % dont, je l'espère, vos services bénéficieront.

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Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

J'ai pu, en effet, bénéficier de renforts pour compléter mes équipes mais aussi et surtout pour développer, en urgence, des dispositifs d'accueil pluridisciplinaires adaptés. Car, nous en avons peu parlé, et c'est normal, la prise en charge au pénal des MNA – qui sont souvent des enfants très déstructurés, présentant notamment des problématiques d'addiction – soulève des questions spécifiques. De telles structures doivent nous aider à les stabiliser et à les faire entrer sereinement dans nos dispositifs, en évitant autant que possible la réitération d'infractions.

S'agissant du nouveau CJPM, nous attendons qu'il assure la cohérence des parcours éducatifs. Cette réforme, je le rappelle, comporte deux volets : le premier vise à accélérer les procédures, le second est relatif à la conduite de la mesure éducative, qui doit débuter au bout de cinq jours. Surtout, nous avons, plus encore qu'auparavant, l'obligation d'avoir un fil rouge dans la conduite de l'accompagnement éducatif, avec ce que l'on appelle le milieu ouvert socle. Cette exigence éducative concerne tous les mineurs, en particulier les MNA.

Si je considère que ces derniers constituent un public spécifique qui justifie l'emploi de moyens spécifiques et le recours à des compétences particulières dans un cadre pluridisciplinaire, je veille néanmoins à ce que les droits des MNA soient identiques à ceux de n'importe quel mineur entrant dans le dispositif pénal. Or, à cet égard, le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure comporte notamment deux dispositions – la première rend la prise d'empreintes obligatoire, la seconde permet de retenir au tribunal, en attendant qu'il soit présenté devant la juridiction appropriée, le majeur qui a été reconnu mineur ou le mineur qui a été reconnu majeur – mesures qui sont, certes, destinées à limiter les troubles à l'ordre public. Toutefois, la PJJ veille à ce que le CJPM ne comporte pas trop de mesures visant spécifiquement les MNA, lesquels doivent avant tout être considérés comme des enfants.

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Nous nous efforçons de comprendre un problème très complexe. Dans une démocratie, chacun doit jouer son rôle ; c'est la raison de votre présence. Je vous remercie, au nom de notre commission, pour vos interventions. Nous retenons l'idée d'un document analogue à celui qui a été établi dans le cadre de l'opération de relocalisation, document qui ne serait pas contesté et qui vous aiderait à travailler sereinement.

La réunion s'achève à dix-huit heures quarante.