Je me suis mal fait comprendre. Si l'on a pour seul dispositif celui de la protection de l'enfance tel qu'il existe aujourd'hui, on provoque un appel d'air en encourageant les flux migratoires de mineurs isolés. Il ne m'appartient pas de prendre position sur la politique générale d'immigration ; je dis seulement que si l'on se contente d'appliquer la présomption de minorité et de donner à tous ceux qui arrivent le bénéfice de la protection de l'enfance, on permet à des personnes se déclarant abusivement mineures d'utiliser ce canal pour entrer sur notre territoire et à des parents – qui se trouvent dans des situations tragiques, au Maroc ou dans le golfe de Guinée – d'envoyer sur les routes migratoires des mineurs isolés. Or il est de la responsabilité d'une direction chargée de la protection de l'enfance d'être attentive à cet appel d'air spécifique qui met des mineurs en danger. Bien entendu, une fois qu'ils sont chez nous, il faut impérativement tout mettre en œuvre pour les aider ; je plaide du reste pour l'établissement d'un document provisoire qui permette aux équipes éducatives, qu'elles relèvent du civil ou du pénal, de travailler à l'insertion de ces personnes. Il n'est pas acceptable qu'à l'âge – présumé – de 18 ans, elles se retrouvent dans la rue et ne soient pas mieux accompagnées. La grande chance de ma direction est de pouvoir comparer les deux dispositifs et d'identifier leurs difficultés communes.
Mais notre générosité ne doit pas être naïve : si l'on considère que toute personne se prétendant mineure doit bénéficier de la présomption de minorité et de la protection de l'enfance, nous serons de nouveau confrontés au nomadisme et à des parcours extrêmement dangereux, briseurs d'enfance, tels que ceux des personnes qui se présentent à la frontière franco-italienne ou franco-espagnole.
Nous participons avec nos homologues espagnols, italiens et suédois au projet de l'Union européenne de protection des mineurs non accompagnés (EUPROM), dans le cadre duquel nous échangeons des informations, non pas à des fins de répression, mais pour mieux comprendre ces flux migratoires et pouvoir nous appuyer, lorsqu'un mineur qui a été pris en charge en Espagne arrive en France par exemple, sur ce qui a été fait dans ce pays afin d'inscrire le mineur dans un parcours cohérent, notamment sur le plan éducatif et sanitaire.
Nous travaillons également avec le ministère de l'intérieur, notamment avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile. Je plaide, à titre personnel, pour que la démarche de l'OFPRA, qui reçoit les majeurs souhaitant obtenir le statut de réfugiés, reconstitue leur parcours et leur octroie un document qui leur donne accès à un certain nombre de droits en attendant que l'administration statue, soit étendue aux mineurs ou aux personnes se prétendant mineures, car lorsqu'on leur refuse la minorité, ils repartent dans la nature. De fait, les associations et les départements, conscients qu'il s'agit tout de même de jeunes personnes, préfèrent souvent ne pas les renvoyer vers des dispositifs consacrés aux majeurs au motif qu'ils finiront, d'une manière ou d'une autre, par se représenter dans les dispositifs réservés aux mineurs.