Lorsque mes éducateurs prennent en charge pendant deux ans des personnes dont on finit par établir, parce qu'elles donnent leur identité, qu'elles sont âgées de 25 ou 28 ans, ils dépensent une énergie qu'ils ne consacrent pas aux véritables mineurs. Voilà la difficulté ! De fait, une partie des mineurs pris en charge par mes équipes sont en fait majeurs et sont, au sein des foyers, en contact avec des très jeunes. Il ne s'agit pas de refuser de les accueillir mais, dès lors que la minorité ne peut pas être démontrée scientifiquement, il nous faut attendre que le pays d'origine nous communique leur état civil. Ainsi, tant que nous n'avons pas cette information, des majeurs côtoient des mineurs et accaparent l'énergie des équipes, que ce soit dans les départements, les classes, les structures de santé ou à la PJJ.
Excusez-moi d'avoir utilisé l'expression « appel d'air », mais je l'ai employée pour expliquer que la situation pourrait inciter les réseaux ou des parents qui se trouvent dans une situation très difficile à envoyer des enfants, parfois très jeunes, en Europe. On sait, par exemple, que les familles, qui ont le droit de rester un jour sans visa à Ceuta, se rendent dans cette enclave et y laissent un mineur avant de repartir. Celui-ci se trouve alors dans une situation que nous ne souhaitons à aucun de nos enfants ! L'expression « appel d'air » renvoie, non pas à la crainte d'être submergée par des MNA susceptibles d'être protégés par la PJJ, mais aux parcours migratoires que la situation peut induire.
En ce qui concerne le programme de relocalisation, l'élément très intéressant est le suivant : à leur arrivée en France en provenance de Grèce, les mineurs détenaient, grâce à l'OFPRA et à l'Organisation internationale pour les migrations, un document retraçant le travail effectué par les services sur le territoire grec et dans lequel leur minorité est mentionnée noir sur blanc. Ces documents ont été très rarement contestés par les départements et les mineurs concernés sont entrés dans les dispositifs sans qu'aucun recours n'ait été formé. C'est pourquoi je prêche pour l'établissement, dès qu'un mineur entre dans les dispositifs français, d'un document analogue qui pourrait être délivré par le ministère de l'intérieur ou celui des affaires étrangères – je ne me prononce pas sur ce point – car nous en avons besoin pour accompagner ceux qui seront qualifiés de mineurs.