Tout d'abord, permettez-moi, madame la rapporteure, de vous remercier chaleureusement au nom de tous les agents des CROUS pour votre témoignage et votre gratitude. Nos agents sont très engagés au service des étudiants et un tel retour, des années plus tard, honore le réseau – c'est tout le sens de notre mission de service public.
Vous m'interrogez sur l'évolution des politiques de lutte contre la pauvreté. J'espère que vous pardonnerez ma prudence mais, en tant que représentant d'un opérateur, je suis chargé de mettre en œuvre les décisions ministérielles. Bien entendu, nous sommes associés au dialogue, comme les établissements, mais nous appliquons des décisions politiques. Vous l'avez rappelé, j'ai travaillé pendant deux ans auprès d'Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Nous devions déployer une stratégie dite d'investissement social, centrée sur les enfants et la jeunesse, mais extrêmement limitée s'agissant des étudiants. En effet, conceptuellement, lorsqu'on travaille dans le domaine de la pauvreté, on est assez éloigné des étudiants. Ces derniers peuvent être pauvres à un instant t, mais ils vont être diplômés et le taux de chômage d'un diplômé est cinq fois inférieur à celui d'un jeune non diplômé. La cible des acteurs de la lutte contre pauvreté, ce sont donc les jeunes sans emploi ni formation, en particulier ceux sortis du système scolaire trop tôt. Cela explique les mesures vigoureuses prises à l'époque : obligation de formation des 16-18 ans ; très forte hausse du nombre de jeunes accompagnés dans le cadre de la garantie jeunes, etc.
Le sujet de la pauvreté étudiante a pris de l'ampleur depuis deux ans, notamment après l'immolation d'un étudiant devant le CROUS de Lyon en novembre 2019, qui a entraîné une forte mobilisation sociale de la part des mouvements étudiants et la recherche de solutions afin de lutter spécifiquement contre ce phénomène.
Nous ne disposons pas d'éléments statistiques précis et il est très difficile de l'appréhender. Le taux de pauvreté des jeunes ne veut pas dire grand-chose ; le taux de pauvreté des étudiants encore moins, puisqu'il ne mesure pas tous les transferts intrafamiliaux. Pour autant, sur le terrain, on constate depuis plusieurs années une hausse de la pauvreté des jeunes.
C'est pourquoi le ministère, pleinement mobilisé au côté des CROUS, a procédé à des revalorisations successives du système de bourses ainsi qu'à un abondement très important des aides d'urgence. Après une augmentation de 10 millions d'euros en 2020, cette enveloppe a doublé en 2021. Nous verrons à la fin de l'année si cela a permis de répondre aux besoins des étudiants. Quoi qu'il en soit, je veux souligner le très fort engagement du ministère afin que les CROUS puissent attribuer plus d'aides aux étudiants internationaux.
Les conditions d'octroi de ces aides d'urgence ont également été assouplies. Désormais, un étudiant qui saisit un travailleur social dans un CROUS peut se voir attribuer une aide très rapidement, par simple décision du directeur général. Une validation intervient a posteriori par une commission d'aide sociale qui, depuis le début de la crise, se réunit chaque semaine.
Nous avons aussi veillé à renforcer les services sociaux des CROUS. En novembre 2020, le Premier ministre a annoncé la création de soixante postes supplémentaires. Lors d'une conférence de presse organisée le 9 juillet 2021, Mme la ministre Frédérique Vidal a indiqué que ces postes seraient prolongés tout au long de l'année universitaire 2021-2022. C'est un vrai soulagement pour les équipes des CROUS que de pouvoir compter sur cet appui particulier, même si nous ne sommes pas les seuls à recruter en ce moment dans le secteur social – les collectivités territoriales et le monde associatif ont aussi besoin de davantage d'intervenants sociaux, ce qui entraîne de vraies tensions sur le marché du travail.
Le dispositif des référents en résidence nous permet de détecter les difficultés rencontrées par les étudiants, à travers un accompagnement par les pairs. Nous n'attendons plus que l'étudiant repère le service social du CROUS, s'informe de ses horaires d'ouverture et décide de s'y rendre. Ces référents, qui sont eux-mêmes résidents et ont déjà une certaine antériorité, agissent comme des relais : ils prennent des nouvelles des autres étudiants, à qui ils présentent les dispositifs existants, et peuvent même prendre rendez-vous au service social à leur place. Cette excellente mesure, mise en place par les CROUS de Normandie et du Grand-Est depuis plusieurs années, a été généralisée pendant la crise. L'objectif était non seulement sanitaire – il s'agissait notamment d'identifier les cas contacts –, mais aussi et surtout social : les référents ont permis de lutter contre l'isolement, de détecter d'éventuelles difficultés psychologiques ou matérielles, d'accompagner les étudiants qui en avaient besoin et de les orienter vers les services sociaux.
Comme l'a dit Jean-Paul Roumegas, ces moyens supplémentaires ont essentiellement profité aux étudiants internationaux « individuels », qui échappent au suivi dont bénéficient les étudiants sous convention. Ces étudiants arrivent généralement seuls sur le territoire français, où ils connaissent très peu de monde ; les CROUS sont alors très souvent le premier lieu où ils rencontrent d'autres personnes et sont informés de leurs droits sociaux, notamment en matière de santé et de logement, même si le site de Campus France constitue également une source très riche d'information.
Vous nous avez interrogés sur les évolutions de la stratégie « Bienvenue en France ». Comme je l'ai rappelé au début de l'audition, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur ces orientations stratégiques. Il a été demandé au réseau des CROUS d'y prendre toute sa place, en particulier pour ce qui concerne l'accueil des étudiants internationaux. Sous l'égide de Jean-Paul Roumegas, un effort très important a été consenti pour renforcer et professionnaliser leur accueil : nous avons élaboré un site internet en plusieurs langues, formé des référents et des correspondants spécialisés dans l'accueil, mis en place des formations au dialogue interculturel.
L'ambition de la stratégie « Bienvenue en France » est d'augmenter le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France en mobilité internationale. Si cette stratégie, à laquelle nous sommes pleinement intégrés, est amenée à évoluer, nous devrons nous assurer que nous pourrons apporter un meilleur service aux étudiants et aux établissements. Jean-Paul Roumegas a évoqué l'important travail de fluidification de nos relations avec ces derniers : nous souhaitons automatiser le maximum de procédures, y compris en gestion, pour simplifier le parcours des étudiants. En termes de volume, il faut aussi que les CROUS aient la capacité d'accueillir tous les étudiants. Quand nous augmentons notre parc de logements, cela bénéficie à tous, y compris aux étudiants internationaux. Dans le cadre du plan de relance, 250 millions d'euros ont été alloués à notre réseau pour réhabiliter un grand nombre de résidences : ce sont bien souvent les étudiants internationaux, logés dans de petits studios classiques de 9 mètres carrés au loyer peu élevé, qui en seront les premiers bénéficiaires. De manière plus générale, toutes les mesures visant à augmenter nos capacités d'action profiteront directement aux étudiants internationaux.