La réunion débute à neuf heures.
Nous poursuivons nos travaux avec des auditions consacrées à la situation des étudiants étrangers en France. Je rappelle que l'accueil d'étudiants en provenance d'autres pays dans nos établissements d'enseignement supérieur est le principal flux migratoire. En outre, il est en croissance dans notre pays, comme dans le reste du monde.
Nous commençons par les responsables du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Messieurs, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Clément Cadoret et M. Jean-Paul Roumegas prêtent chacun serment.)
Je vous prie de bien vouloir excuser Mme Dominique Marchand, présidente du CNOUS, qui réunit actuellement les directrices et directeurs généraux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), ce qui est absolument indispensable en cette période de rentrée, notamment eu égard aux nouvelles mesures annoncées en juillet dernier par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Mme Frédérique Vidal.
Avec Jean-Paul Roumegas, expert incontesté des questions internationales dans l'enseignement supérieur, nous allons récapituler l'action des CROUS concernant le sujet qui vous intéresse. Si nous n'avons pas vocation à traiter tous les sujets relatifs aux étudiants internationaux, qui relèvent en premier lieu du ministère de l'enseignement supérieur et des établissements, nous déployons des actions à leur attention, quel que soit leur statut – étudiants en mobilité internationale, réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, étudiants étrangers résidant sur le territoire français.
Je ne reviendrai pas sur la situation liée à la crise sanitaire mais répondrai volontiers à vos interrogations.
Les CROUS assurent des missions essentielles afin de renforcer l'égalité des chances de tous les étudiants et d'aider ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Ils disposent de trois principaux leviers d'intervention : la restauration universitaire ; l'hébergement des étudiants ; l'attribution de bourses, voire d'aides sociales spécifiques.
En outre, nous sommes pleinement intégrés dans l'écosystème de l'enseignement supérieur et faisons partie d'un réseau de coopération et de coordination extrêmement dense visant à accueillir les étudiants internationaux dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France ».
Nous hébergeons entre 150 000 et 170 000 étudiants dans le parc de logements des CROUS – qui compte un peu plus de 170 000 places –, dont environ 30 % d'étudiants internationaux. En logeant ces quelque 50 000 étudiants étrangers répartis sur l'ensemble du territoire français, nous prenons toute notre part à la stratégie d'attractivité des échanges internationaux.
Les étudiants internationaux que nous hébergeons sont principalement originaires du Maroc, de l'Algérie, du Sénégal et de Tunisie – ces quatre nationalités représentent un peu moins de la moitié des effectifs des étudiants étrangers logés par les CROUS. Ils relèvent de statuts divers : 10 % d'entre eux – environ 3 000 – sont hébergés dans le cadre d'un partenariat avec Campus France, notamment pour les boursiers des gouvernements étrangers (BGE) et boursiers du gouvernement français (BGF) ; 40 % sont sous convention avec des établissements d'enseignement supérieur, dont beaucoup d'étudiants Erasmus ; enfin, 50 % sont venus à titre individuel en France. Nous tenons à la disposition de votre commission d'enquête toutes les informations statistiques qui vous sembleront utiles.
Bien entendu, cela implique la formation à l'accueil de tous nos agents chargés de l'hébergement, mais aussi la désignation de référents étudiants dans les résidences. Ces référents, qui existaient déjà dans certains CROUS et dont le Premier ministre a demandé la généralisation en novembre dernier, accompagnent les étudiants internationaux et luttent contre leur isolement, ce qui fut particulièrement utile en période de crise, lorsque de nombreux étudiants étrangers n'ont pas pu rentrer dans leur famille.
S'agissant de la restauration, tout étudiant international bénéficie, de par son statut, de repas à tarif social. Du fait de la crise sanitaire, l'an dernier, ce tarif a été diminué à 1 euro pour tous, contre 3,30 euros auparavant. Depuis la rentrée, il est revenu à 3,30 euros.
Dernière grande mission du réseau des œuvres, l'attribution de bourses sur critères sociaux et d'aides ponctuelles, dites d'urgence, visant à soutenir les étudiants non éligibles aux bourses, qui peuvent malgré tout rencontrer d'importantes difficultés. Les bourses sont soumises à une condition de nationalité, mais les étudiants internationaux peuvent y avoir accès dans certaines conditions. Les réfugiés bénéficiant de la protection subsidiaire peuvent y prétendre dans les mêmes conditions qu'un étudiant national. Parmi les autres étudiants internationaux, il faut distinguer ceux qui sont originaires d'un État membre de l'Union européenne et ceux qui ne le sont pas. Dans ce dernier cas, l'étudiant doit notamment résider en France depuis au moins deux ans pour bénéficier d'une bourse – un peu comme les demandeurs du revenu de solidarité active, qui doivent justifier de cinq ans de résidence sur le territoire français. Sur un peu plus de 700 000 boursiers, environ 35 000, soit 5 %, sont des étudiants internationaux et leur part est en croissance régulière.
En outre, ces étudiants n'étant pas toujours éligibles à des bourses, ils sont tout particulièrement accompagnés par les 300 agents des services sociaux des CROUS. Chaque CROUS dispose d'un service social, dirigé par une conseillère technique en travail social. En 2020, 55 % des aides d'urgence ont été attribuées à des étudiants internationaux, contre 44 % en 2019. Cela illustre l'effet de la crise sanitaire. Par ailleurs, si la part des étudiants étrangers a augmenté de plus de dix points, le montant des aides distribuées a été multiplié par deux, pour atteindre plus de 33 millions d'euros en 2020.
Nous intervenons en aval de l'inscription d'un étudiant international dans un établissement d'enseignement supérieur, mais aussi en aval de l'octroi d'un titre de séjour par les préfectures. L'accès à l'ensemble des droits sociaux mis en œuvre par les CROUS dépend donc de ces deux conditions statutaires : une inscription dans un établissement d'enseignement supérieur – cela vaut pour n'importe quel étudiant –, mais aussi un titre de séjour régulier.
Ces actions sur le terrain se doublent d'une forte coopération avec l'ensemble des acteurs.
La mission d'accueil des étudiants internationaux est une mission historique du CNOUS, qui figure dans sa convention constitutive. La mission sociale des CROUS est au cœur de l'accueil des très nombreux étudiants internationaux, comme en témoignent les chiffres cités par Clément Cadoret. En fonction de leur pays d'origine, les étudiants s'adressent à nos services de manière plus ou moins pressante.
Notre soutien prend trois formes. La première, ce sont les conventions passées avec les opérateurs, comme Campus France, pour l'accueil des étudiants internationaux boursiers. Les contingents sont très ciblés et il s'agit d'une voie privilégiée – tout est pris en charge par les opérateurs, du parcours d'accès au logement et à l'accueil.
La deuxième, c'est le soutien aux étudiants dont les établissements d'enseignement supérieur d'accueil ont passé une convention avec les CROUS. Dans ce cas, la logique est moins sociale que liée aux relations internationales que souhaite tisser l'établissement. C'est alors l'établissement qui nous indique quels étudiants peuvent être bénéficiaires de logements. Ce public d'étudiants sous convention est majoritairement composé d'étudiants Erasmus.
La troisième, c'est le soutien que nous apportons à la grande masse d'étudiants internationaux qui arrivent en France à titre individuel et qui s'adressent directement aux CROUS. Ils relèvent alors des aides financières et de l'accompagnement social évoqués par M. Cadoret, car ce sont eux qui concentrent les difficultés financières et les besoins d'accompagnement. Il est important de conserver cette distinction en mémoire car les logiques ne se recoupent pas : alors que les établissements suivent une logique politique en concluant des partenariats internationaux, notre action est résolument sociale quand nous aidons les autres étudiants.
Qu'en est-il de l'accueil des étudiants migrants ? Depuis des années – et encore plus depuis 2015 et la crise syrienne –, nous participons à la coordination des acteurs, sous la conduite du ministère de l'enseignement supérieur. Se sont ainsi retrouvés autour de la même table les services du ministère, les opérateurs, les établissements, les CROUS, mais aussi les autres services de l'État – ministère de l'intérieur, ministère des affaires étrangères. Cette coordination a porté ses fruits ; elle s'est renforcée pendant la crise sanitaire. Tout le monde la salue et appelle à sa poursuite.
Cet effort s'est aussi concrétisé par la création de différents dispositifs auxquels nous participons, comme le programme national d'aide à l'accueil en urgence des scientifiques en exil (PAUSE), lancé en 2017, ou le programme d'accueil et d'intégration des migrants dans l'enseignement supérieur (AIMES), géré par l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui octroie des aides financières aux universités qui accueillent des migrants. Nous collaborons de manière très étroite avec le réseau d'universités Migrants dans l'enseignement supérieur (MEnS), ce qui nous permet d'anticiper l'arrivée de ces étudiants, souvent en difficulté, et d'aplanir bien des problèmes. Ainsi, tout en respectant les contraintes et les règles d'accès aux logements étudiants, nous avons fait un effort particulier pour les étudiants libanais. De même, nous anticipons l'accueil d'étudiants afghans, même s'ils ne sont pas très nombreux.
Enfin, nous développons des outils numériques que nous mettons à disposition des établissements pour gérer au mieux la planification, en amont, puis le parcours de l'étudiant. M. Cadoret l'a souligné, nous sommes en aval du dispositif. Nous faisons donc le maximum pour nous mettre au service des établissements et des étudiants, afin de faciliter leur accueil.
Monsieur Cadoret, vous avez été conseiller auprès du délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Comment appréciez-vous l'évolution des stratégies ? Quel est leur impact sur les étudiants étrangers ? La situation s'est-elle dégradée du fait de la crise sanitaire ? Rencontrez-vous des situations de pauvreté extrême et comment lutte-t-on contre ?
Monsieur Roumegas, vous êtes le spécialiste des relations internationales du CNOUS. Ayant moi-même été étudiante étrangère, j'ai pu apprécier la qualité de l'accueil et l'humanité dont font preuve les personnes qui travaillent dans tous les CROUS, tout en respectant la loi, bien évidemment. Je me souviens de leur engagement pour essayer de trouver des solutions. Je n'oublierai jamais tout ce que vous avez fait pour moi !
Vous avez évoqué la stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux « Bienvenue en France », présentée par le Premier ministre en 2018. Je fais partie des députés qui n'y étaient pas très favorables car, même si elle comporte des aspects positifs, elle a contribué à l'affaiblissement de nos relations avec les pays historiquement très présents dans nos universités. Par ailleurs, avec la crise sanitaire, les étudiants des pays émergents que l'on souhaitait favoriser ne sont pas venus. Ne serait-il pas intéressant de conserver l'exception francophone, en complément de l'accueil des étudiants européens, d'autant que le prochain sommet de la francophonie aura lieu à Djerba en novembre 2021, en présence du Président de la République ?
Selon vous, qu'apportent les étudiants étrangers en France ? Est-ce une richesse ? Quelles sont les relations entre étudiants français et étrangers dans les établissements ? Vous suivez ces étudiants jusqu'au moment de leur insertion professionnelle : pourriez-vous nous en dire un peu plus ? Décident-ils de repartir ou de rester ?
Tout d'abord, permettez-moi, madame la rapporteure, de vous remercier chaleureusement au nom de tous les agents des CROUS pour votre témoignage et votre gratitude. Nos agents sont très engagés au service des étudiants et un tel retour, des années plus tard, honore le réseau – c'est tout le sens de notre mission de service public.
Vous m'interrogez sur l'évolution des politiques de lutte contre la pauvreté. J'espère que vous pardonnerez ma prudence mais, en tant que représentant d'un opérateur, je suis chargé de mettre en œuvre les décisions ministérielles. Bien entendu, nous sommes associés au dialogue, comme les établissements, mais nous appliquons des décisions politiques. Vous l'avez rappelé, j'ai travaillé pendant deux ans auprès d'Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Nous devions déployer une stratégie dite d'investissement social, centrée sur les enfants et la jeunesse, mais extrêmement limitée s'agissant des étudiants. En effet, conceptuellement, lorsqu'on travaille dans le domaine de la pauvreté, on est assez éloigné des étudiants. Ces derniers peuvent être pauvres à un instant t, mais ils vont être diplômés et le taux de chômage d'un diplômé est cinq fois inférieur à celui d'un jeune non diplômé. La cible des acteurs de la lutte contre pauvreté, ce sont donc les jeunes sans emploi ni formation, en particulier ceux sortis du système scolaire trop tôt. Cela explique les mesures vigoureuses prises à l'époque : obligation de formation des 16-18 ans ; très forte hausse du nombre de jeunes accompagnés dans le cadre de la garantie jeunes, etc.
Le sujet de la pauvreté étudiante a pris de l'ampleur depuis deux ans, notamment après l'immolation d'un étudiant devant le CROUS de Lyon en novembre 2019, qui a entraîné une forte mobilisation sociale de la part des mouvements étudiants et la recherche de solutions afin de lutter spécifiquement contre ce phénomène.
Nous ne disposons pas d'éléments statistiques précis et il est très difficile de l'appréhender. Le taux de pauvreté des jeunes ne veut pas dire grand-chose ; le taux de pauvreté des étudiants encore moins, puisqu'il ne mesure pas tous les transferts intrafamiliaux. Pour autant, sur le terrain, on constate depuis plusieurs années une hausse de la pauvreté des jeunes.
C'est pourquoi le ministère, pleinement mobilisé au côté des CROUS, a procédé à des revalorisations successives du système de bourses ainsi qu'à un abondement très important des aides d'urgence. Après une augmentation de 10 millions d'euros en 2020, cette enveloppe a doublé en 2021. Nous verrons à la fin de l'année si cela a permis de répondre aux besoins des étudiants. Quoi qu'il en soit, je veux souligner le très fort engagement du ministère afin que les CROUS puissent attribuer plus d'aides aux étudiants internationaux.
Les conditions d'octroi de ces aides d'urgence ont également été assouplies. Désormais, un étudiant qui saisit un travailleur social dans un CROUS peut se voir attribuer une aide très rapidement, par simple décision du directeur général. Une validation intervient a posteriori par une commission d'aide sociale qui, depuis le début de la crise, se réunit chaque semaine.
Nous avons aussi veillé à renforcer les services sociaux des CROUS. En novembre 2020, le Premier ministre a annoncé la création de soixante postes supplémentaires. Lors d'une conférence de presse organisée le 9 juillet 2021, Mme la ministre Frédérique Vidal a indiqué que ces postes seraient prolongés tout au long de l'année universitaire 2021-2022. C'est un vrai soulagement pour les équipes des CROUS que de pouvoir compter sur cet appui particulier, même si nous ne sommes pas les seuls à recruter en ce moment dans le secteur social – les collectivités territoriales et le monde associatif ont aussi besoin de davantage d'intervenants sociaux, ce qui entraîne de vraies tensions sur le marché du travail.
Le dispositif des référents en résidence nous permet de détecter les difficultés rencontrées par les étudiants, à travers un accompagnement par les pairs. Nous n'attendons plus que l'étudiant repère le service social du CROUS, s'informe de ses horaires d'ouverture et décide de s'y rendre. Ces référents, qui sont eux-mêmes résidents et ont déjà une certaine antériorité, agissent comme des relais : ils prennent des nouvelles des autres étudiants, à qui ils présentent les dispositifs existants, et peuvent même prendre rendez-vous au service social à leur place. Cette excellente mesure, mise en place par les CROUS de Normandie et du Grand-Est depuis plusieurs années, a été généralisée pendant la crise. L'objectif était non seulement sanitaire – il s'agissait notamment d'identifier les cas contacts –, mais aussi et surtout social : les référents ont permis de lutter contre l'isolement, de détecter d'éventuelles difficultés psychologiques ou matérielles, d'accompagner les étudiants qui en avaient besoin et de les orienter vers les services sociaux.
Comme l'a dit Jean-Paul Roumegas, ces moyens supplémentaires ont essentiellement profité aux étudiants internationaux « individuels », qui échappent au suivi dont bénéficient les étudiants sous convention. Ces étudiants arrivent généralement seuls sur le territoire français, où ils connaissent très peu de monde ; les CROUS sont alors très souvent le premier lieu où ils rencontrent d'autres personnes et sont informés de leurs droits sociaux, notamment en matière de santé et de logement, même si le site de Campus France constitue également une source très riche d'information.
Vous nous avez interrogés sur les évolutions de la stratégie « Bienvenue en France ». Comme je l'ai rappelé au début de l'audition, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur ces orientations stratégiques. Il a été demandé au réseau des CROUS d'y prendre toute sa place, en particulier pour ce qui concerne l'accueil des étudiants internationaux. Sous l'égide de Jean-Paul Roumegas, un effort très important a été consenti pour renforcer et professionnaliser leur accueil : nous avons élaboré un site internet en plusieurs langues, formé des référents et des correspondants spécialisés dans l'accueil, mis en place des formations au dialogue interculturel.
L'ambition de la stratégie « Bienvenue en France » est d'augmenter le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France en mobilité internationale. Si cette stratégie, à laquelle nous sommes pleinement intégrés, est amenée à évoluer, nous devrons nous assurer que nous pourrons apporter un meilleur service aux étudiants et aux établissements. Jean-Paul Roumegas a évoqué l'important travail de fluidification de nos relations avec ces derniers : nous souhaitons automatiser le maximum de procédures, y compris en gestion, pour simplifier le parcours des étudiants. En termes de volume, il faut aussi que les CROUS aient la capacité d'accueillir tous les étudiants. Quand nous augmentons notre parc de logements, cela bénéficie à tous, y compris aux étudiants internationaux. Dans le cadre du plan de relance, 250 millions d'euros ont été alloués à notre réseau pour réhabiliter un grand nombre de résidences : ce sont bien souvent les étudiants internationaux, logés dans de petits studios classiques de 9 mètres carrés au loyer peu élevé, qui en seront les premiers bénéficiaires. De manière plus générale, toutes les mesures visant à augmenter nos capacités d'action profiteront directement aux étudiants internationaux.
Je ne peux résister au plaisir de rebondir sur vos propos qui me font chaud au cœur, madame la rapporteure. Jusqu'en 2012, j'étais chargé de la gestion des boursiers étrangers : je passais donc mon temps à négocier avec les ministres de gouvernements étrangers l'envoi de leurs étudiants en France. Il est particulièrement réjouissant pour moi de constater qu'une députée française est passée par les CROUS. D'ailleurs, beaucoup de responsables étrangers décidaient d'envoyer un certain nombre de leurs étudiants en France parce qu'ils avaient eux-mêmes vécu une expérience universitaire très positive dans notre pays, et ils évoquaient systématiquement l'accueil par les CROUS. Ils ne pensaient pas à un dispositif ou à une aide financière, mais surtout à un visage, à un agent du CROUS qui les avait aidés. À titre personnel, je suis totalement convaincu de la nécessité de cet accueil personnalisé. Quand on fait venir des étudiants étrangers en France, c'est pour qu'ils deviennent des amis, pas pour qu'ils vivent une expérience négative ! Plus généralement, tous les étudiants savent que l'attractivité de l'offre française de formation supérieure tient non seulement à son excellence académique, mais également à sa capacité d'accompagnement et à sa dimension sociale. La générosité de notre système est souvent appréciée, bien qu'elle soit aussi parfois injustement dévalorisée puisque les études en France ne sont pas aussi chères que chez certains de nos concurrents sur la scène internationale.
Quels sont les effets bénéfiques de l'accueil d'étudiants étrangers ? Tout le monde est convaincu de l'intérêt du brassage, y compris pour les étudiants nationaux. Il faut donc que les volumes d'étudiants accueillis permettent ce brassage et que nous évitions de concentrer une seule nationalité dans une même résidence. Au-delà du campus, il nous manque un outil de suivi permettant d'apprécier les effets à long terme de l'accueil d'étudiants internationaux pour notre pays. Nous devrions nous donner les moyens d'étudier précisément, tout en respectant les règles de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le devenir des étrangers qui ont bénéficié pendant cinq ans, par exemple, d'un visa pour études. La première mesure à prendre serait donc de mettre en place un système d'information permettant d'assurer un tel suivi. De même, lorsque nous envisageons un partenariat avec un gouvernement étranger, nous devrions mettre en balance l'intérêt, pour la France, d'accueillir des étudiants internationaux avec l'effet pervers du brain drain, qui prive le pays partenaire des élites qui pourraient l'aider à se développer.
Avez-vous les moyens d'apprécier les particularités des parcours des étudiants étrangers, notamment en fonction de leur statut ? Je pense en particulier au suivi des étudiants internationaux individuels. Avez-vous identifié des facteurs qui favorisent la réussite dans les études ou qui, au contraire, laissent augurer des difficultés ? Quelles améliorations pourriez-vous proposer ?
Par ailleurs, au vu du nombre d'étrangers demandant à faire leurs études en France, quel est votre taux de réponses positives ? Peut-être pourriez-vous décliner votre réponse en fonction du statut des étudiants.
La crise sanitaire que nous venons de vivre a plongé les étudiants dans d'importantes difficultés, notamment pendant le premier confinement et la période qui a suivi. Certains avaient des cours, d'autres non. Les soixante postes créés pour renforcer les services sociaux des CROUS sont-ils suffisants ? Quel est leur support ? Sont-ils inscrits aux budgets des universités ou est-ce le CNOUS qui les répartit ? Enfin, sont-ils effectifs dès cette rentrée ?
Vous avez dit qu'il fallait accueillir davantage d'étudiants internationaux et que telle était l'ambition de la stratégie « Bienvenue en France ». Très bien, mais la directrice du CROUS de Toulouse-Occitanie fait état d'un manque de 2 000 places d'hébergement pour les étudiants. Dans une telle situation de tension, comment les choses se passent-elles pour les étudiants étrangers ? Le parc des CROUS est-il vraiment en mesure d'accueillir plus d'étudiants internationaux, ce qui constitue une opportunité pour notre pays dans un contexte de compétition mondiale entre les universités ?
Ma troisième question porte sur la hausse des frais de scolarité. Celle-ci n'est pas encore tout à fait effective, puisqu'il existe un système de lissage passant par les bourses et par d'autres dispositifs, mais elle pourrait le devenir à partir de cette rentrée. Anticipez-vous d'éventuels effets de cette mesure en termes d'accueil d'étudiants étrangers ?
Je souscris entièrement à la dernière question. Ce n'est pas parce que l'on augmente les droits de scolarité que l'on va garantir une meilleure prise en charge des générations futures. Si une année d'études avait coûté 10 000 euros à mon époque, je ne serais pas à la place que j'occupe aujourd'hui. Quel monde voulons-nous demain ? Beaucoup de députés membres de cette commission d'enquête souhaitent un monde plus équitable, où le CNOUS, Campus France et tous les services publics sont pour les étudiants une vraie béquille qui leur permet de sortir de la pauvreté.
Sur le parcours des étudiants, il est vrai que nous manquons d'études sur certains points, mais nous disposons des travaux de l'Observatoire national de la vie étudiante, hébergé par le CNOUS, dont les représentants pourraient vous apporter leur expertise scientifique lors d'une éventuelle prochaine audition.
La première difficulté à laquelle les étudiants sont confrontés est l'absence de revenus, qui les pénalise fortement dans leur parcours. Le fait d'exercer un job étudiant, en particulier dans l'environnement de l'enseignement supérieur – dans une bibliothèque universitaire, dans un CROUS, dans un restaurant universitaire – est, jusqu'à un certain point, très bénéfique à la situation des étudiants, en particulier des étudiants internationaux. Ils doivent simplement veiller à ne pas dépasser une quotité horaire réglementairement fixée à quinze heures par semaine, afin de ne pas perturber leurs études – on ne peut pas exercer un travail à plein temps et étudier en même temps ! On a pu constater, lors de la crise sanitaire, que la disparition de certains de ces emplois a fortement pénalisé tous les étudiants, et plus particulièrement les étudiants internationaux qui en sont très dépendants pour financer leurs études. Le ministère travaille spécifiquement sur ce sujet. Tout ce qui peut être fait pour renforcer les jobs étudiants, simplifier les parcours et favoriser l'emploi des étudiants dans leur environnement proche ne pourra qu'être bénéfique. En tant qu'employeur, le CNOUS propose des emplois de qualité compatibles avec la poursuite d'études.
J'en viens à vos questions, monsieur le président. Depuis le début de la crise sanitaire, le 13 mars 2020, nous faisons tout pour que les services des CROUS demeurent ouverts aux étudiants. Ce fut le cas pendant le premier confinement, alors que toute activité était interrompue en présentiel dans l'enseignement supérieur. Tous nos restaurants ont fermé, mais toutes nos résidences sont systématiquement restées ouvertes. Environ 30 % des étudiants sont restés dans leur logement CROUS. Nous avons facilité le départ de ceux qui pouvaient rentrer dans leur famille, nous avons octroyé quelques aides aux étudiants ultramarins, mais il fallait tenir compte de l'interdiction de se déplacer. Nous avons veillé à nous approvisionner en masques pour protéger agents et étudiants. Malgré cette situation très difficile et stressante, les agents du CROUS se sont fortement mobilisés et ont tout fait pour que les étudiants se sentent bien dans leur résidence universitaire. Nous avons même eu quelques bonnes surprises : en avril et mai, plusieurs étudiants sont revenus car la connexion internet était bien meilleure en résidence universitaire que dans le logement familial, en plus du fait qu'ils avaient besoin de calme pour réviser leurs examens du second semestre. Quant aux services sociaux, ils ont toujours fonctionné, sur rendez-vous ou par téléphone, y compris l'été ou pendant la période de Noël.
Lors du deuxième confinement, tous les restaurants ont dû fermer, mais nous avons préservé une offre de vente à emporter : ainsi, une part considérable des restaurants universitaires sont passés de la production et de la vente sur place, en plateau classique ou en snacking, à une offre chaude à emporter. Vous pouvez mesurer à quel point nos 800 points de restauration et leurs équipes ont dû adapter leur organisation et leurs méthodes de travail pour permettre cette transformation, dans un contexte de tensions, de pénuries et de forte hausse des prix des emballages.
Durant le troisième confinement, l'activité des CROUS a été relativement normale, avec la triple mobilisation dans les hébergements, grâce aux référents en résidence, dans la restauration et dans les services sociaux.
J'en viens à la situation spécifique des services sociaux, où travaillent 230 à 250 agents. Un renfort était très attendu par tout le réseau : aussi, nous nous sommes réjouis de l'annonce, par le Premier ministre, de la création de soixante postes supplémentaires puis de leur prolongation. Une hausse plus importante des effectifs peut s'avérer nécessaire, notamment si nous voulons nous aligner sur la situation de nos voisins allemands. La question de la pérennisation des recrutements peut se poser, mais nous savons que la ministre de l'enseignement supérieur défendra cette proposition en interministériel.
Je parle bien ici des agents des CROUS, puisque les services sociaux relèvent principalement de notre compétence. Certains établissements d'enseignement supérieur ont des services sociaux dédiés, mais leurs agents peuvent alors être intégrés à nos équipes et pilotés par le conseiller technique de travail social du CROUS. Dans d'autres cas, les agents des services sociaux des établissements sont mis à disposition du CROUS, comme peuvent l'être d'ailleurs certains agents des collectivités territoriales – je pense par exemple au département de la Nièvre, qui a mis à disposition du CROUS de Bourgogne-Franche-Comté un agent social à 80 % pour faire face à la forte hausse des demandes due à la crise.
Vous m'avez également interrogé sur la capacité de notre parc d'hébergement. Nous accordons une priorité aux étudiants nationaux boursiers, en particulier à ceux qui relèvent des échelons 6 et 7. Cependant, une partie de notre parc est « réservée » aux étudiants internationaux conventionnés, que ce soit avec Campus France ou avec les établissements, dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France ». En accueillant au sein de notre parc à peu près 30 % d'étudiants internationaux, ce qui nous paraît tout à fait adapté à la situation, nous avons atteint un certain équilibre. Toute augmentation de la capacité d'accueil des résidences des CROUS bénéficierait à tous les étudiants, en particulier aux étudiants internationaux.
Avec votre collègue Richard Logier, corapporteur d'une mission d'information sur le logement et la précarité chez les étudiants, les apprentis et les actifs, nous réfléchissons aux évolutions réglementaires ou législatives qui permettraient de faciliter l'action des CROUS en tant que porteurs de projets immobiliers. Par ailleurs, le plan de relance est un levier majeur pour la réhabilitation des logements et l'amélioration de la qualité d'accueil dans nos résidences. Enfin, nous attendons beaucoup des prochains contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2021-2026 ou 2022-2026, qui permettront de renforcer les missions d'hébergement et de restauration des CROUS : ces contrats sont des leviers formidables pour augmenter notre capacité d'accueil.
Aussi, les sujets sont essentiellement d'ordre réglementaire et financier. Il existe des difficultés spécifiques en Île-de-France, où la concurrence est très forte, en matière de foncier, entre tous types d'établissements. Je ne vous apprends rien en vous disant que la situation du logement est plus tendue, y compris pour les étudiants internationaux, dans les très grandes métropoles universitaires telles que Lille, Bordeaux ou Montpellier. Dans ces villes comme en Île-de-France, les ministres Emmanuelle Wargon et Frédérique Vidal sont pleinement mobilisées pour que le foncier disponible soit utilisé pour des projets de logements étudiants.
Je vous remercie du fond du cœur. Les CROUS mettent de l'humanité dans l'accueil des étudiants ; ils aident ces derniers à manger à leur faim et à avoir un toit. Ce n'est pas rien ! Vous assurez un accompagnement social digne des plus grandes organisations. Nous remercions le ministère de l'enseignement supérieur pour l'effort consenti en la matière, de même que tous les départements qui ont eu à cœur de renforcer vos effectifs. Tous les députés de cette commission d'enquête vous sont vraiment très reconnaissants. Vous pouvez faire part de notre reconnaissance et de notre amitié aux équipes de tous les CROUS de France.
La réunion s'achève à dix heures.