La stratégie « Bienvenue en France » n'a pas réellement renforcé la qualité de l'accueil des étudiants étrangers ; c'est même plutôt l'inverse, comme l'ancien Premier ministre Édouard Philippe l'a reconnu. L'augmentation des frais de scolarité dans certaines universités constitue en effet un élément de discrimination : toute personne a droit à un enseignement de qualité, quel que soit le niveau de ses revenus. C'est un point important pour nous.
Les formalités liées aux titres de séjour sont un autre sujet de préoccupation. Les étudiants arrivent en France avec un visa : pour valider leur titre de séjour, ils doivent se rendre dans les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Cette étape obligatoire est chronophage et oblige à rater des cours : il faut prendre rendez-vous, patienter pendant quatre heures alors qu'un horaire vous a été fixé, dans le seul but de faire valider un document officiel qui a été remis par une institution française – ambassade ou consulat.
Le renouvellement du titre de séjour est tout aussi compliqué que la validation du visa. Les étudiants sont tenus de respecter un certain nombre d'obligations administratives et de fournir des documents, ce qui génère des lourdeurs et leur fait perdre du temps. De plus, ils sont souvent mal accueillis. Quand un agent de l'administration vous reçoit pour la première fois, le minimum que l'on puisse attendre est de recevoir un accueil bienveillant, et non malveillant ou condescendant, comme nous le signalent la plupart des étudiants. On pourrait améliorer la qualité de l'accueil par la formation des agents, afin de les préparer à la communication non verbale, par exemple.
Avec la dématérialisation du processus de renouvellement des titres de séjour, les étudiants, partout en France, quelle que soit leur région ou leur université, peuvent renouveler leur titre de séjour en ligne. Quand ils remplissent les conditions et les étapes obligatoires, ils reçoivent un accusé de réception du serveur attestant que le dossier a bien été reçu et sera traité. Sur le plan juridique, cet accusé de réception ne vaut pas un document autorisant les étudiants à vivre et à circuler sur le territoire français. Quand le processus de dépôt était physique, les étudiants disposaient d'un récépissé leur assurant les mêmes droits qu'un titre de séjour. À défaut d'un tel récépissé, ils ne peuvent pas s'inscrire dans une université ; ils ne peuvent pas travailler, alors que les jobs d'étudiants leur permettent, en complément des efforts que font leurs parents dans leur pays, de vivre décemment en France, sans avoir à toquer à la porte de la caisse d'allocations familiales (CAF).
Le renouvellement du titre de séjour est vraiment l'une des étapes les plus difficiles de la vie d'un étudiant étranger en France. Je peux en attester : alors que mon master à l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris a officiellement pris fin le 28 août 2021, mon alternance ne se terminera que le 10 septembre. Entre ces deux dates, juridiquement, je n'entre dans aucune catégorie. J'ai donc été obligé de me rendre à la préfecture de police de la cité universitaire, qui m'a remis un récépissé provisoire me permettant de prolonger mon titre de séjour de trois mois, le temps pour moi de finir mon alternance et de revenir vers eux pour faire une demande de renouvellement. Et j'ose dire que j'ai eu de la chance car tous les étudiants ne bénéficient pas d'un accès aussi facile à des services de préfecture. La préfecture de police de la cité universitaire est en effet gérée par la police, et non par des agents des préfectures, et ne traite en outre que de dossiers d'étudiants, ce qui facilite la procédure.
L'attractivité de la France auprès des étudiants étrangers tient à la qualité de l'enseignement et à son cadre de vie agréable et sécurisé ; nous remercions la France pour cela.
L'octroi des visas se fait en deux étapes. La première consiste en la validation de la procédure administrative et pédagogique, gérée intégralement par Campus France et les universités, lesquelles sont autonomes dans la détermination des conditions qu'elles fixent aux étudiants. Cette étape est chronophage : l'étudiant doit déposer son dossier au plus tard en février et avoir un entretien avec les référents Campus France présents dans le pays d'origine. Ensuite, le dossier est validé et envoyé dans les universités, où il est étudié par le responsable pédagogique, qui le valide et formule une réponse. Le fait d'obtenir une réponse dans un délai raisonnable permettrait à ceux dont la demande est acceptée – la plupart des dossiers sont refusés, les universités étant libres de leur choix – d'arriver à temps pour le début des cours. En effet, alors que la réponse est censée parvenir en mai, les étudiants ne la reçoivent le plus souvent que mi ou fin juillet.
La deuxième étape consiste à déposer une demande de visa auprès des services de l'ambassade ou du consulat. Cette mission est déléguée à un prestataire, VFS. Obtenir un rendez-vous nécessite du temps : il m'est arrivé de passer des nuits blanches à attendre un désistement pour pouvoir déposer une demande de rendez-vous. Le délai raisonnable pour l'obtenir est censé être de dix jours ; or cela peut aller jusqu'à vingt jours et, quand la réponse est négative, les motifs ne sont pas très explicites. La lourdeur de la procédure, la non-conformité d'un document ou encore le décalage avec le calendrier universitaire ou académique du pays d'origine – c'est le cas au Sénégal – peuvent retarder un étudiant. Une amélioration de cette étape serait souhaitable.
Quand l'étudiant arrive en retard, il peut formuler une demande de dérogation à l'université, mais celle-ci peut la refuser. L'étudiant ne pourra alors pas s'inscrire à l'université, courant le risque de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au motif qu'il n'aura pas respecté l'obligation de suivre des cours, alors même que cela n'est pas volontaire. Il sera obligé de se présenter à nouveau en préfecture pour pouvoir continuer son cursus.
Les frais demandés – 115 euros pour Campus France et 115 euros de frais de visa – sont élevés compte tenu du pouvoir d'achat des étudiants et de leur famille dans leur pays d'origine. C'est une chose que l'on peut revoir. Même si nous saluons la démarche de cette commission, les députés ne sont pas ceux qui connaissent le mieux la réalité du terrain. Les assistantes sociales dans les universités et les services sociaux en France ont la meilleure perception des difficultés sociales et financières des étudiants.
Dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France », le Premier ministre avait promis des bourses, que nous attendons encore. Nous souhaitons que ce dispositif entre en vigueur car il faut aller au-delà des mots et mener des actions concrètes.
Les cours de langue sont très importants pour aider les étudiants non francophones, et même les étudiants francophones venant d'horizons différents, qui peuvent ainsi échanger dans notre langue dans un cadre international.
Les étudiants étrangers sont victimes de discriminations dans l'accès au logement. Celui-ci est géré, d'une part, par un opérateur public, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et, d'autre part, par des bailleurs privés. Pour déposer une demande de logement dans un CROUS, il faut présenter le dossier social de l'étudiant (DSE), lequel ne peut être obtenu sans le numéro Identifiant national étudiant (INE), donné par l'université au moment de l'inscription. La première année, les universités donnent un numéro INE provisoire ; l'obtenir peut prendre jusqu'à six mois. Cela signifie que l'on ne peut pas déposer un dossier complet en première année. De plus, même au niveau du master 2, on obtient rarement une réponse, ou alors négative. Des améliorations peuvent donc être apportées à ce stade.
Les bailleurs privés sont tout aussi exigeants que le CROUS. Si les garanties sont nécessaires et obligatoires – nous n'en disconvenons pas –, nous sommes souvent confrontés à des discriminations et à des refus, alors même que nous respectons toutes les formalités requises par les bailleurs. Vous aurez beau vous présenter au rendez-vous avec tous les documents demandés, quand vous rappelez pour savoir où en est l'attribution du logement, le bailleur vous répondra qu'il n'est plus disponible. Or, si vous vérifiez deux jours plus tard sur le dispositif où vous avez trouvé l'annonce, le logement sera toujours disponible. Un membre de notre bureau a même vécu cette expérience à trois reprises. C'est déplorable dans un pays qui prône l'égalité, la fraternité et surtout le respect.